LES ADDICTIONS – au tabac, à l’alcool, aux substances illicites, aux médicaments et au jeu – touchent des millions de Français. Elles sont responsables de plus de 100 000 décès évitables par an, par accidents et par maladies, dont près de 40 000 par cancers. A 17 ans, par exemple, 35 % des jeunes ont consommé de l’alcool et du cannabis simultanément, et 50 % fument des joints plus de dix fois dans l’année.
«Un travail considérable a été fait par les professionnels de santé. Pourtant, on constate encore d’immenses besoinsà satisfaire», a souligné le ministre de la Santé dans une communication en conseil des ministres. Pour relever le défi, Xavier Bertrand annonce un plan quinquennal (2007-2011) de prise en charge et de prévention des addictions, abondé à hauteur de 385 millions d’euros.
Des dépistages précoces.
Des consultations spécialisées et des équipes de liaison en addictologie dans tous les hôpitaux dotés de services d’urgence permettront de venir en aide aux 20 % des personnes hospitalisées qui ont des difficultés dans la gestion quotidienne de leur consommation de substances psychoactives. Pour les patients qui relèvent d’une prise en charge plus spécifique ou d’une hospitalisation pour un sevrage*, 120 services d’addictologie seront créés en cinq ans sur tout territoire de santé où vivent plus de 500 000 personnes. Chacun des 26 CHU aura un pôle d’addictologie ; il s’agira à la fois d’un service d’addictologie de recours et d’un lieu régional de référence, de formation et de recherche. Dès l’année prochaine, cinq de ces pôles seront mis en place.
A l’heure actuelle, les budgets alloués à la recherche clinique sont dix fois moins élevés qu’en Allemagne et cent fois moins qu’aux Etats-Unis.
La prise en charge des addictions doit avoir lieu aussitôt que possible et atteindre le plus grand nombre de sujets à risque, soit 10 % de la population. Dans un premier temps, cinq régions mettront en place une stratégie nationale de promotion du repérage précoce et de l’intervention brève auprès des médecins de famille. Des actions de prévention de la consommation de substances psychoactives pendant la grossesse seront organisées.
En outre, les centres de cure ambulatoire en alcoologie (Ccaa) et les centres spécialisés de soins aux toxicomanes (Csst) vont se fondre dans les centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa, loi du 2 janvier 2002). Les capacités d’accueil en hébergement seront augmentées par la création de communautés thérapeutiques innovantes (quatre en 2007). La dépendance installée, qui touche 3 % des Français, nécessite davantage de ressources.
L’un des objectifs est d’améliorer l’accessibilité des traitements de substitution aux opiacés. De nouvelles galéniques sont annoncées pour la méthadone, en particulier la forme sèche, dont l’AMM est en cours. Une étude de faisabilité est en cours sur la primoprescription de la méthadone par certains généralistes. Pour renforcer le cadre de la prescription et de la délivrance des médicaments dont l’usage risque d’être détourné (liste à fixer par arrêté), et afin d’aider à prévenir le nomadisme médical et paramédical, l’article L.162-4-2 du code de la Sécurité sociale est modifié afin que le nom du pharmacien figure systématiquement sur l’ordonnance. Un protocole de soins sera utilisé en cas de mésusage ou d’abus et lors d’une primoprescription de méthadone en ville.
Par ailleurs, la prévention des hépatites sera renforcée chez les usagers de drogue. Et une évaluation des dispositifs médicaux utilisés dans la réduction des risques, tels que les filtres ou les sets d’injection (Stéribox), est prévue. La commission Addictions**, en lien avec l’Afssaps (Agence de sécurité sanitaire des produits de santé) et la Haute Autorité de santé, chargée de veiller au bon déroulement du plan quinquennal, proposera les modalités et le calendrier de cette évaluation.
Pour impliquer plus encore la médecine de ville, une campagne à destination des libéraux sera lancée en 2007 et les réseaux ville-hôpital seront encouragés. Il existe actuellement 46 réseaux de santé en addictologie. Le plan en créera 250, dont 50 en 2007, afin de disposer d’un réseau de proximité pour 200 000 habitants.
Au chapitre justice-santé, l’article 27 du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance prévoit des médecins relais chargés de faire le lien entre l’autorité judiciaire et les soignants dans l’exécution des mesures d’injonction thérapeutique.
Un numéro de téléphone unique.
En ce qui concerne l’information du grand public, l’Inpes prépare pour le début de 2007, en s’appuyant sur les états généraux de l’alcool et les états généraux de la prévention, une campagne sur les prises en charge existantes et le repérage des conduites addictives. Depuis le 16 novembre, un Numéro Indigo d’accès unique sur les addictions, Info ministère : 0.820.03.33.33, répond aux questions sur le plan quinquennal.
Le soutien de l’Etat au mouvement associatif passe de 14 millions d’euros par an à 16,5 millions d’euros pour la prévention et la prise en charge des pratiques addictives.
La formation des soignants n’a pas été oubliée : le ministère entend bâtir une filière d’enseignement en addictologie pérenne. La spécialité va entrer dans les premier, deuxième et troisième cycles des études médicales, dans les instituts de formation aux professions de santé et dans la FMC.
Au total, pour le gouvernement, cette politique doit donner à chaque patient, à chaque étape de son parcours, une réponse adaptée. Et tous les soignants doivent être capables de détecter et d’orienter une personne souffrant d’une addiction, même à un stade précoce, sans en attendre les conséquences graves.
* Pour 2007, les tarifs du sevrage simple et du sevrage complexe sont fixés respectivement à 2 475 euros et à 4 620 euros.
** La commission Addictions se compose de 42 membres permanents, dont 29 personnalités qualifiées et 13 représentants institutionnels. Elle se réunit quatre fois par an.
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