Ils sont dix généralistes d’Ille-et-Vilaine, hommes et femmes à avoir accepté de participer, en juin et juillet 2008, à l’enquête du Pr Gwenola Levasseur et du Dr Martine Ladevèze*. Premier enseignement retenue par les deux généralistes rennaises : « Les médecins s’expriment volontiers sur la façon dont ils vivent la mort de leurs patients » et « les émotions exprimées sont contrastées », même si le sentiment de tristesse prédomine. L’incompréhension ou la surprise l’emportent en revanche lorsque le décès est brutal.
Quel que soit le lieu d’exercice du praticien (rural, semi-rural ou urbain), le sentiment de culpabilité est présent dans la plupart des discours. Notamment dans le cas d’un décès, plutôt brutal « survenu après un changement de thérapeutique. Le mythe de la médecine toute puissante se brise et blesse le médecin », analyse l’étude. Le fait de n’avoir pas été présent au moment du décès peut également mettre le médecin mal à l’aise. Un signe, selon les auteurs qui « soulève l’ambiguïté du métier de médecin où le dévouement est de mise mais ne peut être permanent », poursuivent les auteurs.
Evidemment, si le vécu du praticien varie beaucoup en fonction des circonstances du décès et des liens noués avec le patient et sa famille, le caractère attendu ou non de la mort revêt lui aussi une extrême importance. Dans la mesure où dans le premier cas, « le rôle technique et thérapeutique du praticien s’efface pour laisser place à l’accompagnement ».
Les médecins sont-ils vraiment préparés à tenir ce rôle finalement plus social que médical ? A en croire tel généraliste qui explique sa technique de mise à distance par l’établissement de barrières horaires strictes, « A 19H, le cabinet est fermé », tous ne le sont pas. L’étude revient aussi sur certaines idées reçues. Comme le fait qu’être médecin protègerait les praticiens d’une crainte face à leur propre mort, qui n’apparaît pas particulièrement fondée.
Reste qu’une constante se dégage du travail conduit par le Pr Levasseur. Si l’apprentissage autodidacte de de la formation des généralistes basée sur leurs expériences à la fin de vie « semble incontournable », disposer de clés pour mieux comprendre «certaines conceptions de la mort d’un point de vue socioculturel ou de bases de psychologies indispensables à l’accompagnement au deuil » leur permettraient de trouver plus aisément la bonne distance. Et, peut-être d’être eux-mêmes moins seuls, « sans refuge émotionnel », face au décès de certains de leurs patients.
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