Les Françaises multiplient les régimes, en 2007, un français sur 4 déclare avoir suivi un régime pour perdre du poids (étude Inca-2). Trois ans plus tard, ils sont un tiers selon un sondage*. Une pratique plus fréquente chez les femmes puisqu’elle concerne près de la moitié d’entre elles (45 %) contre un homme sur 4 seulement. Parmi elles, 60 % déclarent en avoir déjà suivi au moins deux et 21 % au moins cinq. Un culte de la minceur qui a favorisé en quelques années le développement d’un arsenal varié de régimes amaigrissants.
Des pratiques à risque dénoncées par l’Anses
Saisie par le Ministère de la santé, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) a passé au crible quinze des régimes les plus populaires** : Le régime Dukan, Weight watchers, la soupe aux choux, Atkins, Mayo, le régime du Dr Cohen, du Dr Fricker, la méthode Montignac et les régimes détoxifiants. Conclusion : non seulement ces régimes ne font pas maigrir à long terme (80 % des sujets reprennent du poids après un an), mais ils entraînent des déséquilibres nutritionnels parfois graves. Pour le Dr Jean-Michel Lecerf (chef de service nutrition, Institut Pasteur Lille), qui a présidé ce travail, ces régimes ne comportent pas assez de fibres, de vitamines, de minéraux, de glucides et, en revanche, beaucoup trop de sel. « Et ils sont pour la plupart pratiqués sans recommandation ni suivi par un spécialiste » constate-t-il. Selon le rapport, les régimes Atkins et Dukan apparaissent comme les plus déséquilibrés, contrairement à celui de Weight Watchers qui gagne plutôt la considération des experts. Ceux-ci relèvent parmi les conséquences néfastes de ces régimes, une fonte musculaire, une diminution du capital osseux (avec risque d’ostéopénie), des troubles du rythme cardiaque et -pour les régimes très hypocaloriques- des inflammations et fibroses hépatiques, des calculs biliaires et un risque de mort subite. Au niveau digestif, ils notent des troubles transitoires (constipation, diarrhée) et évoquent un risque accru d’hémorroïdes et de diverticulose. « Sans compter les perturbations psychologiques amenant à des troubles sévères du comportement alimentaire pouvant, à leur tour, aggraver le problème pondéral » alerte J-M Lecerf.
En consultation, priorité au « sur-mesure »
Les conclusions alarmantes de l’expertise de l’Anses posent alors la question de la prise en charge des patients en surpoids. « Celle-ci dépend de ce qui motive la demande du patient » signale le Dr Patrick Serog. Ce médecin nutritionniste, auteur de nombreux ouvrages sur la nutrition distingue trois cas de figure : (1) le patient vient suite à un problème mécanique (genou, dos…) qui nécessite une perte de poids ; (2) la découverte d’anomalies métaboliques exige un amaigrissement ; (3) le patient consulte parce qu’il ne supporte plus son surpoids. « Dans les deux premiers cas, la perte de poids est indispensable et elle sera facilitée par la motivation santé du patient » explique P. Serog. Le dernier cas est plus particulier. « La perte de poids n’est pas toujours nécessaire » constate-t-il. Faut-il pour autant rassurer le patient et le laisser rentrer chez lui sans objectif ? « Surtout pas ! » réagit le spécialiste qui assure que « ce serait une solution de désespérance au possible pour le patient qui risquerait de tenter seul n’importe quel régime ». Selon lui, cette demande d’amaigrissement peut masquer une souffrance psychologique. « Il est impératif de faire une analyse psychologique fine du patient, s’intéresser à ses motivations, sa personnalité, son entourage, son environnement… » recommande-t-il. Un point de vue partagé par Jean-Michel Lecerf, qui conseille, lui aussi, de ne pas « se précipiter sur l’alimentation ». Pour lui, le premier objectif du médecin devra être d’aider son patient à trouver les raisons de sa prise de poids. « Reconstituer son histoire pondérale, rechercher d’éventuels changements de mode de vie, une baisse d’activité physique, des facteurs psychologiques, hormonaux, liés au stress ou à l’avancée en âge » précise-t-il. Si une souffrance est confirmée, le patient peut être redirigé vers un psychologue. « Mais le patient n’en ressent pas toujours la nécessité » regrette P. Serog. « Il faut quoi qu’il en soit répondre à sa souffrance psychologique… quitte parfois à lui proposer de perdre ne serait-ce que 1 ou 2 kg » reconnaît-il. Là encore, un processus de réflexion est nécessaire. « Le médecin doit s’assurer que son patient est prêt à faire cet effort au vu de son mode de vie, de son équilibre psychologique et de sa vie sociale actuelle » préconise JM Lecerf.
Penser l’alimentation dans sa globalité
Fin 2010, une étude Suédoise*** fait la « Une » des journaux de nutrition. Des chercheurs ont déterminé le régime idéal pour éviter de reprendre du poids : riche en protéines et à index glycémique bas. L’étude est réalisée dans huit pays européens auprès de 772 familles. « Des résultats intéressants mais très modestes puisqu’après 26 semaines de suivi, seulement un kilo et demi sépare les patients qui ont maintenu leur poids de ceux qui en ont pris » observe JM Lecerf. Pour lui, l’alimentation est plus qu’une simple histoire de nutriments ou de bons et mauvais aliments. « Le patient doit prendre conscience des tenants et aboutissants de son comportement alimentaire » affirme-t-il. Il évoque l’apprentissage de ce qu’est « la gestion alimentaire » : apprendre à ne pas manger quand on n’a pas faim, à manger quand on a faim, à arrêter de manger quand on a plus faim, à retrouver le plaisir et les sensations alimentaires, faire des choix alimentaires et culinaires judicieux, mieux gérer les quantités et enfin, remettre en place l’activité physique. Parallèlement, les mesures diététiques doivent être raisonnables et adaptées au patient. « On vise une réduction modérée des calories dans leur ensemble plutôt que la réduction des graisses ou des glucides ». Et d’ajouter qu’il « faut essayer de partir de ce que le patient fait et prendre en compte ce qu’il est capable de faire ». P. Serog est, lui aussi, convaincu que l’alimentation idéale est celle que le patient pourra suivre sur le long terme et avec laquelle son poids restera le plus stable possible. Pour l’aider, le suivi régulier – une consultation par mois au début - est indispensable. « Il permet de réagir vite aux problèmes qui pourraient se poser » souligne-t-il. « On veillera bien sûr à encourager le patient et à ne pas le culpabiliser en cas d’échec » ajoute JM Lecerf pour lequel « l’alimentation est une aide et un moyen mais certainement pas un objectif ».
* MAAF - MMA-LH2 - novembre 2010.
** ANSES. Évaluation des risques liés aux pratiques alimentaires. Rapport d’expertise collective. Novembre 2010
*** Larsen TM et coll. Diets with High or low protein content and glycemic index for weight-loss maintenance. 2010 ;363 :2102-13.
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