LE MARCHÉ MONDIAL du médicament continue de croître, mais plus modérément qu'avant. C'est ce qui ressort de la dernière étude d'IMS, qui constate que « la croissance du marché pharmaceutique mondial continue mais s'érode ». Pour Corinne Segalen, présidente d'IMS, le marché américain a même enregistré sa plus faible croissance depuis dix ans, avec une hausse en valeur de 7,8 %, alors qu'entre 1999 et 2003 la croissance moyenne annuelle s'établissait à 13,7 %. Ailleurs, les résultats 2004 sont assez contrastés, avec un marché européen en croissance de 5,7 %, et les marchés asiatique, africain, australien et sud-américain en hausse oscillant entre 13 % et 13,4 %. En Europe, la hausse la plus modeste revient sans conteste à l'Allemagne, dont le marché pharmaceutique n'a crû que de 1,6 %, conséquence manifeste d'une réforme « brutale » du système de santé.
Autre enseignement de cette étude : la contribution à la croissance globale du marché des vingt médicaments les plus vendus au monde a régressé, passant de 56 % en 2000 à 41 % en 2004. Signe d'une industrie pharmaceutique qui cherche mais ne trouve pas toujours. De plus, parmi les dix premiers laboratoires pharmaceutiques mondiaux, seuls Sanofi-Aventis et Roche ont connu au cours de l'année 2004 une croissance supérieure à la moyenne dans les trois marchés clés que constituent les Etats-Unis, l'Union européenne et le Japon.
Signaux d'alerte.
Les signes de ralentissement de l'activité pharmaceutique mondiale sont légion dans cette étude. Depuis près de dix ans, les lancements de nouveaux médicaments ne cessent de décroître : on est passé de 52 nouveaux médicaments lancés en 1997 à 31 en 2004, et les chiffres de 2005 ne devraient pas inverser la tendance. Ce n'est pas tout. Toujours selon l'étude IMS, l'épisode du Vioxx - un anti-inflammatoire non stéroïdien (Ains) de la catégorie des COX-2, retiré du marché en septembre dernier - a « mis les agences réglementaires en ébullition ». Elles exigeraient désormais des études supplémentaires avant toute mise sur le marché, ce qui pourrait conduire à terme à un ralentissement des procédures d'enregistrement. Le retrait du Vioxx a eu des effets immédiats sur la consommation mondiale d'Ains : selon Corinne Segalen, « tout le marché des COX-2 s'est effondré, et celui, plus général, des Ains n'a pas augmenté. Il y a donc eu des patients perdus ». Enfin, ces retraits ont eu un effet négatif sur l'opinion publique : si, en 1997, 79 % de la population américaine avait une perception positive de l'industrie pharmaceutique, ce pourcentage est tombé à 44 % en 2004. Même si, pour Corinne Segalen, le retrait du Vioxx n'est pas la seule explication : « Je crois que l'industrie pharmaceutique devrait améliorer sa communication en direction du grand public en disant qu'elle travaille, certes, pour sa santé et son bien-être, mais qu'elle obéit aussi à des impératifs économiques, ce qui jouerait la franchise et augmenterait sa crédibilité. » Car c'est aussi cela l'enjeu, après une année 2004 marquée par plusieurs retraits de médicaments qui ont marqué l'opinion publique.
L'irruption de la Chine.
L'étude ne s'arrête pas à l'analyse des chiffres de l'année et se risque à un peu de prospective. Pour IMS, l'un des principaux marchés pharmaceutiques des prochaines années sera incontestablement la Chine, qui devrait devenir le 8e marché mondial dès 2008. Plusieurs raisons expliquent cette longue marche : la Chine devient de plus en plus attrayante pour les investisseurs étrangers ; la croissance semble y être durablement installée ; le gouvernement chinois commence à mettre en place une politique de santé et le pays devrait, d'ici à 2050, constituer un marché, unique au monde par sa taille, de 350 millions de personnes âgées de plus de 65 ans. Tout comme l'Inde, la Chine est actuellement principalement consommateur de médicaments génériques, mais avec la hausse de leur pouvoir d'achat, les habitants de ces deux gigantesques pays vont constituer ensemble dans les prochaines décennies le principal marché pharmaceutique mondial.
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