Organisation de l'offre de soins

Dans la Creuse, les généralistes hésitent à se lancer dans l'aventure des maisons de santé

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Publié le 08/02/2018
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« Le problème n’est pas aigu pour l'instant mais il pourrait le devenir très rapidement… » Généraliste à Ahun et président de l’Ordre départemental des médecins de la Creuse, le Dr Jean-Paul Lamiraud, entrevoit des jours difficiles pour sa profession.

Avec 96 généralistes en exercice, âgés en moyenne de 57 ans, il redoute à court terme une multiplication de « mini-déserts médicaux » dans ce département, si rien n’est fait. À cet égard, le plan pour l'accès aux soins annoncé en octobre par le Premier Ministre à Châlus (Haute-Vienne), prévoyant un millier de maisons de santé pluridisciplinaires (MSP) supplémentaires à l'horizon du quinquennat, ne lui paraît pas la panacée…

Le risque de l'improvisation

« Construire des structures est relativement facile, objecte le responsable ordinal, mais encore faut-il trouver des professionnels motivés pour y exercer ! Ici en Creuse, plusieurs MSP se sont ouvertes, comme chez nous à Ahun, mais dans la précipitation, sans réflexion ni concertation, ce qui a fait que nous nous sommes retirés du projet ».

Ce manque de coordination étroite avec les médecins explique les difficultés dans la concrétisation de certains dossiers – ainsi à Saint-Vaury où l’on a posé la première pierre d’une structure en novembre après… huit ans de réflexion. D’autres projets sont en gestation comme à Guéret et ses environs (25 communes) où l'on prévoit une maison à Sainte-Feyre, et une troisième en cœur de ville, avec la prudence des élus. La capitale creusoise ne manque pas de généralistes – 15 intra muros, 23 sur l'agglomération – mais peu de médecins de famille paraissent décidés à tenter l’aventure en quittant dès à présent leur cabinet pour une structure pluriprofessionnelle.

« Aujourd'hui, nos médecins s’adaptent, explique le Dr Lamiraud, ils font en sorte de ne pas laisser de malades en déshérence mais la situation risque de devenir plus difficile. Nous ne sommes pas encore à l’alerte rouge mais orange… Au-delà des maisons de santé, il faudrait des décisions politiques fortes avec une priorité : remplacer les praticiens sur le départ par des jeunes en leur garantissant un avenir. Tout est incertain ici, y compris la pérennité de l’hôpital, les transports aléatoires ou les schémas départementaux et régionaux proposés par l’ARS… »

Les internes en renfort

De fait, peu de jeunes praticiens prospectent pour s'implanter sur place en raison d'un manque d’attractivité. La télémédecine ? Une « amorce de solution », juge le responsable ordinal qui plaide pour la télé-expertise davantage que pour la téléconsultation.

La Creuse est-elle pour autant condamnée à subir la désertification médicale dans les prochaines années ? Cette hypothèse est écartée à Royère-de-Vassivière, où un pôle de santé pluriprofessionnel desservant quatre autres villages accueille des internes au côté des médecins déjà implantés. Une formule payante : deux d’entre eux envisagent une installation locale. 

L’expérience locale a même retenu l’attention du Dr Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des médecins de France (FMF), qui réclame des incitations fortes pour garder les jeunes médecins en formation dans les secteurs qui en ont besoin. « Nous sommes dans la société des 35 heures, souligne le généraliste de Clamart (Hauts-de-Seine). Comment voulez-vous donner envie à des jeunes d’exercer 12H par jour avec 2 000 euros ? Il faut une augmentation notable des internes, comme on l’a fait en Corse ». En tout état de cause, l’ouverture de stages extra-hospitaliers est jugée prometteuse pour maintenir une présence médicale. 

« L’idée est bonne, abonde le Dr Lamiraud. Il faut développer ces stages ambulatoires qui peuvent donner envie de s’installer. Nous avons le potentiel de patients pour faire vivre nos médecins… Reste à convaincre les jeunes que la Creuse n’est pas une terre d’exil. »  

De notre correspondant Jean-Pierre Gourvest

Source : Le Quotidien du médecin: 9638