LA STIMULATION cérébrale profonde est une technique qui a été mise au point à la fin des années 1980 par l’équipe française du Pr Alim-Louis Benabid pour traiter des sujets souffrant de troubles parkinsoniens sévères, peu répondeurs au traitement par L-Dopa ou par agoniste dopaminergique. Cette équipe a mis en évidence que la stimulation bilatérale du noyau sous-thalamique entraînait une amélioration de la composante « akinétique » et de la composante « tremblements » de la maladie de Parkinson. La technique consiste à stimuler des zones cérébrales profondes à l’aide d’électrodes implantées à l’intérieur de cibles, déterminées en fonction du type de symptômes sur lesquels on veut agir : le noyau sous-thalamique pour la maladie de Parkinson, le pallidum interne pour les dyskinésies, certaines parties du thalamus pour les tremblements essentiels. Ces électrodes sont reliées à un boîtier, puis à un générateur positionné en position sous-claviculaire, lequel permet de délivrer le courant. Ce type d’approche, par rapport aux interventions chirurgicales pratiquées auparavant, a l’avantage d’être réversible, puisqu’il n’entraîne pas de lésion définitive. De plus, comme avec n’importe quelle technique d’électrostimulation, il est possible de régler le voltage, l’intensité et la durée des ondes d’impulsion.
Recherche expérimentale et thérapeutique.
Au cours de la maladie de Parkinson, les neurologues ont observé que, au-delà de la symptomatologie neurologique motrice, il existait aussi des anomalies des fonctions cognitives et associatives, ainsi qu’un certain nombre de manifestations psychiatriques, dont des syndromes dépressifs. Un travail, publié en 2002 par l’équipe de la Pitié-Salpêtrière, a mis en évidence, à partir de deux cas de patients souffrant de troubles parkinsoniens et d’un trouble obsessionnel compulsif, que la stimulation bilatérale du noyau sous-thalamique était capable d’améliorer, non seulement la dimension motrice de la maladie de Parkinson, mais aussi la symptomatologie obsessionnelle (les obsessions et compulsions, notamment les rituels de vérification). Ces résultats ont conduit à la création d’un projet hospitalier de recherche clinique, incluant une dizaine de centres en France dont le CHU de Rennes. Il s’agit d’une étude multicentrique évaluant l’efficacité de la stimulation cérébrale profonde chez des patients souffrant de troubles obsessionnels compulsifs sévères, résistant aux traitements habituels. Ce projet à la particularité de réunir à la fois des neurochirurgiens, qui mettent en place les électrodes au sein des structures concernées, des neurologues qui s’intéressent particulièrement à la physiologie et qui règlent les électrodes, et enfin des psychiatres qui ont en charge les patients pour lesquels cette proposition d’intervention thérapeutique a été faite.
Or un certain nombre d’effets indésirables d’ordre psychiatrique ont été observés chez les parkinsoniens opérés. Certains patients présentent en effet, au décours de l’intervention, un syndrome apathique se traduisant par une indifférence et un manque de préoccupation par rapport à la symptomatologie parkinsonienne qui, pourtant, s’améliore de façon très importante sur le plan moteur. Cet état d’indifférence semble se distinguer d’authentiques épisodes dépressifs, diagnostiqués chez des patients stimulés.
D’autres réactions psychiatriques aiguës telles qu’un état hypomaniaque ou d’euphorie pathologique ont aussi été signalés.
La stimulation cérébrale profonde suscite un intérêt croissant dans d’autres types de pathologies psychiatriques, en particulier chez les sujets présentant une dépression résistante et chronique. Aux Etats-Unis, des patients dépressifs ont déjà été opérés, notamment en stimulant certaines aires cérébrales qui semblent plus particulièrement jouer un rôle dans la dépression (partie subgénuale du cingulum), avec des résultats qui sont encourageants.
La stimulation cérébrale profonde constitue donc aujourd’hui un domaine de recherche expérimentale et thérapeutique en plein développement.
Cette technique a de fait un grand intérêt physiopathologique puisqu’elle favorise une meilleure connaissance de troubles extrêmement complexes, mettant en jeu des facteurs environnementaux, mais aussi des facteurs cérébraux. C’est aussi la possibilité, à plus ou moins long terme, de pouvoir proposer un traitement efficace à des patients résistant aux traitements habituellement proposés.
Les aspects éthiques sont aussi importants à considérer. Il s’agit de réfléchir à ces nouveaux outils thérapeutiques de chirurgie fonctionnelle, en associant les professionnels de santé au sein d’équipes de recherche, avec les patients, autour d’un projet de recherche scientifiquement bien mené.
D’après un entretien avec le Pr Bruno Millet, CHU de Rennes.
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