DE NOTRE CORRESPONDANTE
UNE MAJORITÉ d'administrateurs refusait de voter un budget de près de 1 milliard d'euros, présentant un déficit de 40 millions, impossible à combler avant la fin de l'année... quand le miracle est arrivé : le ministère de la Santé a dégagé 15 millions d'euros, somme peut-être insuffisante, mais qui était au moins nécessaire pour faire adopter ce budget. Ce qui fut fait par 17 voix contre 4 et 7 abstentions. Comme l'explique son directeur, Guy Vallet, « l'AP-HM travaillait depuis plusieurs mois avec le ministère sur la tarification à l'activité [T2A, ndlr] , une réforme qui reste une bonne idée, mais qui pénalise les gros CHU, car les tarifs ne sont pas à la hauteur de ce qu'il faudrait, un accompagnement est donc nécessaire ». Il faut noter que d'autres hôpitaux, comme l'AP-HP ou le CHU de Toulouse, avaient déjà obtenu que le ministère puise pour eux dans ses réserves.
L'Assistance publique de Marseille méritait d'autant plus ce coup de pouce qu'elle est en pleine restructuration : au terme du projet d'établissement 2004-2009, un programme de 1,1 milliard d'euros devrait métamorphoser d'ici à 2008 les établissements marseillais. D'ores et déjà, un nouveau bâtiment de médecine néonatale permet une liaison directe avec la maternité de la Conception et la classe en niveau 3, un centre de l'immunodéficience vient d'ouvrir ses portes à Sainte-Marguerite. Tous les hôpitaux se mettent aux normes, réorganisent les services, et de nouvelles structures sortent de terre : le « bloc médico-technique » qui sera commun à tous les services de la Timone auxquels il sera relié par des tunnels et des passerelles ; l'hôpital parents-enfant qui sera en 2008 le plus grand établissement européen de ce type ; le centre de traumatologie d'urgences de l'hôpital Nord qui ouvrira au début de 2006 ; le pôle néphrologique de la Conception, qui, dès la fin de cette année, sera le centre de référence le plus important d'Europe. Parallèlement, une plate-forme logistique avec centrale d'achat et des innovations informatiques devraient permettre de rationaliser les dépenses.
Travaux contre économies.
Ce vaste remaniement a été approuvé par les autorités de tutelle, afin, justement, de dégager des économies... à terme. Comme le souligne Guy Vallet, « tous les projets envisagés sont en cours, nous n'avons pas pris une journée de retard dans les travaux, deux nouveaux bâtiments sont déjà ouverts, des lits qui avaient dû être fermés pour des raisons de sécurité et qui ont fait baisser notre activité de 1,5 % en 2004 ont pu être rouverts et nous amorçons une remontée d'activité de 3,5 % depuis le début de l'année ». Depuis son arrivée à Marseille, il y a trois ans, le directeur de l'AP-HM constate également une progression des activités purement universitaires « qui sont la principale raison d'être d'un CHU », mais qui étaient auparavant grignotées par des activités de médecine de proximité, plus importantes à Marseille que dans les autres CHU. A la suite de l'intégration dans le projet d'établissement d'un projet social débattu avec tous, il se félicite d'une baisse significative de l'absentéisme, qui, après avoir atteint des sommets, se cantonne actuellement dans « la bonne moyenne des CHU ». Enfin, d'autres postes de dépense, tels queles repas, ont déjà pu être limités (voir encadré).
Malgré tout, sans la rallonge qui vient de tomber dans son escarcelle, « le fonctionnement même des hôpitaux de Marseille et le plan de travaux en cours étaient compromis, souligne Guy Vallet : les pouvoirs publics m'auraient demandé 40 millions d'économies, ce qui revenait à supprimer de 1 000 à 1 500 emplois. On n'a jamais vu un hôpital arriver à survivre avec une diminution de budget de 4 % ». Si le budget n'avait pu être voté, il aurait été transmis à la chambre régionale des comptes, laquelle a déjà sur les bras deux autres budgets « impossibles » d'hôpitaux de la région, refusés par leurs conseils d'administration, et voit donc avec soulagement s'éloigner cet énorme fardeau.
Reste, bien sûr, encore un déficit de 25 millions. Outre les espoirs encore mis dans les réserves régionales et nationales, la direction de l'AP-HM compte sur la poursuite d'augmentation de son activité et sur l'Ondam (objectif national des dépenses d'assurance-maladie). « Nous allons essayer de passer les trois ou quatre prochaines années en terminant les travaux et, dès 2008-2009, nous toucherons les bénéfices de nos regroupements et serons alors plus efficients », affirme Guy Vallet.
Sept mille cinq cents repas informatisés
Alors que le service de diététique relevait auparavant à la main les menus des patients, ce sont désormais les infirmières - elles ont accepté difficilement cette nouvelle charge de travail - qui en assurent la saisie informatique. Manipulant déjà depuis quelques années un logiciel de « mise en lits », elles y ajoutent désormais à chaque arrivée de malade, et en cas de modification en cours d'hospitalisation, une grille sur le régime prescrit par le médecin (sans sel, sans sucre, allergies, etc.), notent le choix de petit déjeuner et d'un éventuel plateau d'accompagnant. La grille est aussitôt transmise au logiciel de gestion-nutrition Datameal auquel ont accès une cinquantaine de diététiciens qui établissent des « cartes-plateau » nominatives. Ils adaptent ainsi aux plats du jour les prises en charge particulières et y ajoutent, si besoin, des compléments alimentaires. Ces cartes sont transmises trois fois par jour à l'unité relais-cuisine de chacun des quatre sites hospitaliers marseillais qui dispose les produits sur les plateaux.
Cette adéquation entre repas et patients vise à maîtriser les coûts en limitant les erreurs et le gaspillage, tout en améliorant la qualité, comme le souligne le directeur de l'AP-HM qui estime avoir, grâce à ce système, réalisé 800 000 euros d'économie en 2004 pour un investissement de 170 000 euros. C'est aussi le moyen de permettre une traçabilité qui évite les détournements de livraisons de produits et de plateaux.
Pour l'ensemble de cette application, l'AP-HM est le premier établissement hospitalier à avoir été sélectionné pour le trophée des Entreprises et Sociétés, qui distingue chaque année les meilleures stratégies informatiques.
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