Le Généraliste. On a le sentiment que le Médiateur reçoit de plus en plus de requêtes qui concernent des questions de santé, est-ce votre avis ? Est-ce le signe que vous êtes de plus en plus connu ou qu’il y a davantage de problèmes dans le domaine de la santé ?
Jean-Paul Delevoye. Je ne crois pas au raisonnement cartésien qui consiste à dire que l’augmentation du nombre de réclamations est un facteur de lecture d’une dégradation de la relation entre patients et professionnels de santé. En revanche, ce qui est intéressant c’est que plus on a de réclamations, plus on peut en mesurer la densité et la teneur, et savoir ainsi quelles leçons on peut en tirer. Depuis la création du pôle santé sécurité soins, il y a deux ans, nous sommes passés de 2 500 appels téléphoniques à près de 12 000 cette année, parmi lesquels, 18% émanent de professionnels de santé.
Une requête sur cinq ! Comment expliquez-vous cet état de fait ?
J.-P. D. Avec les avancées scientifiques on est capable de faire des miracles en termes de soins, mais on ne complète pas cet apport technologique par la réponse au besoin affectif des patients. Nous devons être attentifs à ce déséquilibre. Le lien de confiance entre un médecin et son patient, c’est aussi l’écoute, la compréhension de la personne dans sa dimension humaine, mais aussi dans son environnement socio-économique, familial. C’est peut-être en cela que la pression exercée sur les médecins généralistes est aussi importante.
Peut-on déjà dresser un bilan des six mois de la convention passée entre le Médiateur et l’Ordre des médecins ?
J.-P. D. Nous avons rapproché de l’Ordre des médecins sur son volet disciplinaire, mais nous avons aussi été interpellés sur des conflits entre praticiens, notamment sur le sujet très compliqué qui est celui de la rupture d’association. Nous sommes dans un moment où les maisons médicales ont plutôt le vent en poupe. Je crois que cela mérite d’alerter les professionnels de santé sur la nécessité d’être extrêmement exigeant sur la nature et la rédaction des contrats qui mettent en place une association. Enfin, nous travaillons aujourd’hui sur le problème des assurances de la prévention des risques. Pour l’heure, nous avons rencontré les grands organismes d’assurance. L’idée étant évidemment d’éviter la création d’une logique où un médecin choisirait son exercice, non plus en fonction de son intérêt pour la pratique mais des risques qu’il pourrait encourir.
Près de dix ans après la loi Kouchner, le gouvernement a décidé de faire de 2011 « l’année des patients ». Selon vous où en est-on de l’application de ces droits ? Sont-ils assez reconnus aujourd’hui ?
J.-P. D. Nous avons organisé un colloque l’année dernière sur la question de savoir s’il fallait réformer la loi Kouchner, notamment sur le terrain de l’indemnisation par voie amiable des victimes d’accidents médicaux. Car, encore aujourd’hui, c’est souvent la voie du procès qui l’emporte, alors même que les CRCI (Commissions régionales de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales) avaient été créées pour les éviter. À ce propos, nous nous sommes rendus compte qu’une cohérence était nécessaire entre les CRCI, les taux d’indemnisation pouvant être très variables d’une région à l’autre. Nous souhaitons donc qu’il y ait une nomenclature homogène sur l’ensemble du territoire.
Vous êtes aussi depuis l’automne dernier le nouveau président du Conseil économique social et environnemental. Quelle place occupe les questions de santé en son sein ?
J.-P. D. Lorsque j’ai installé les sections du Conseil j’ai introduit la notion d’éducation, de prospective, mais aussi la notion de santé, qui n’existait pas. Nous avons donc aujourd’hui une section qui peut appréhender les problèmes de santé. Nous avons été saisis par le gouvernement pour travailler sur la protection complémentaire et la prévention santé. Nous avons également été saisis sur la problématique de la dépendance et c’est depuis le Conseil économique social et environnemental que le président de la République est venu lancer le colloque national sur la dépendance. Nous remettrons un rapport sur ce sujet en juin.
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