Une agression psychique majeure. La réanimation si elle sauve des vies s’accompagne souvent de symptômes psychiques. Un tiers à deux tiers des patients en présentent selon les études :« 15 % des patients ont eu peur d’être assassinés, 19 % d’être abandonnés, 30 % ont souffert d’hallucinations, 37 % d’un sentiment de mort imminente, 51 % ont eu des douleurs et 54 % ont ressenti un étouffement » décrit le Dr Frédéric Pochard (Hôpital Saint-Louis, Groupe FAMIREA, Paris) lors d’une séance à l’Académie de Médecine. Il existe des facteurs de vulnérabilité individuelle et des antécédents psychiatriques sont présents dans 20 % des cas. La réanimation peut aussi démasquer un syndrome de sevrage tabagique, médicamenteux ou alcoolique et la sédation morphinique ou l’administration de benzodiazépines, les corticoïdes et certains antibiotiques sont des facteurs favorisants.
Perte des repères
Pour autant, les symptômes psychiques ont des conséquences sur la morbi-mortalité et la charge de soins infirmiers. « Une crise de panique peut conduire à l’extubation » indique le spécialiste. Les conditions du séjour en réanimation contribuent à l’éclosion de troubles psychiques. La perte des repères, une impossibilité à communiquer, le bruit et la lumière permanente sont des facteurs de décompensation. Conséquences : anxiété, troubles du sommeil, irritabilité, troubles de la conscience ou confusion mentale . Dans certains cas, existe une dissociation péri-traumatique avec déréalisation, dépersonnalisation, altération de l’expérience du temps. « Ce syndrome de stress post-traumatique laisse une idée fixe qui fait intrusion dans la pensée » explique le Dr Pochard. Le syndrome de stress post-traumatique s’apparente aux réactions collective lors d’une catastrophe collective : peur intense, impuissance, horreur. Ces souvenirs peuvent faire intrusion dans la pensée avec des symptômes d’évitement ou des troubles neuro-végétatifs tels qu’irritabilité, accès de colère, hypervigilance ou difficultés de sommeil. Il concerne 1,2 % des hommes et 2,7 % des femmes. Il a plus de chances de survenir en cas de dépersonnalisation, d’un faible niveau de souvenir réel, de l’existence de faux souvenirs ou de la perception d’une expérience effrayante ou vitale. Les antécédents anxio-dépressifs, le niveau de sédation par les benzodiazépines et le jeune âge sont aussi des facteurs de risque. L’aspect prévention est primordial. « Il faut créer un sentiment de sécurité, d’efficacité de calme et maintenir la relation et l’espoir » souligne le Dr Pochard. « Les alarmes et les discussions du personnel sont considérées comme les plus gênantes par les patients ». A posteriori, des paroles malencontreuses sont très mal vécues par des malades qui sortent du coma.
Carnet de bord
Pour améliorer le confort, il suggère de réduire le bruit et la lumière, de faciliter l’orientation spatio-temporelle, d’encourager les visites des familles et de mettre en place un traitement psychotrope si besoin. Après le séjour, l’anxiété concerne 12 à 47 % des patients et la dépression affecte 10 à 30 % des cas mais la tendance est une diminution des symptômes avec le temps. Ils se prolongent parfois par de l’asthénie, des troubles de concentration ou des insomnies. Une consultation en fin de séjour avec la famille permet de reconstruire une trame narrative et de la rendre moins traumatisante. Le carnet de bord est une initiative efficace car elle garde la trace de ce qui s’est passé. « C’est une des voies les plus prometteuses » remarque le spécialiste. Les visites 24 h sur 24 comme l’autorisent certains services est également une aide pour les patients en réanimation. Les études montrent qu’elles ne s’accompagnent pas d’une augmentation des infections nosocomiales. L’information des familles reste un enjeu important. Pour le Dr Elie Azoulay (Hôpital Saint Louis), « une famille sur deux n’est pas en mesure de dire pourquoi le malade est là ! » . Il ya certes du déni mais l’incompréhension du jargon médical y contribue. « Pour chaque malade en réanimation, l’information médicale prend 16 minutes par patient et par jour, soit un mi-temps médical pour 20 malades ». La cohérence des messages entre les différents intervenants renforce le sentiment de confiance. « L’information doit être organisée et il faut savoir écouter » a expliqué le Dr Azoulay. « L’aide à la famille par le médecin de famille est précieuse, elle réduit les symptômes anxio-dépressifs »
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature