CHAQUE ANNÉE, 30 milliards de tasses de café sont bues en France. Cette boisson reste la plus demandée après l’eau. Mais elle ne plaît pas à tout le monde. Certains lui préfèrent notamment le thé, qui contient de la caféine à des doses moindres : 10 à 20 cg de caféine pour une tasse de café contre 5 à 10 pour une tasse de thé.
Parmi les bienfaits du thé, ses vertus antioxydantes sont indiscutables. « Les polyphénols du thé agissent contre les espèces oxydantes qui attaquent nos membranes lipidiques. Le thé vert est séché de manière à ne pas altérer ses constituants : il est donc très riche en polyphénols. Le thé noir, lui, subit une oxydation par traitement au feu (une sorte de torréfaction modérée) qui lui confère un arôme que n’a pas le thé vert. Je recommande donc de boire davantage de thé vert, auquel on peut ajouter un peu de thé noir pour lui donner un goût plus agréable. Par ailleurs, n’oublions pas que le cacao est également très riche en polyphénols et que le café contient des acides phénols », souligne Pierre Delaveau**, professeur honoraire de l’Université René Descartes (Paris V).
Nul doute, il y a les buveurs de thé et les buveurs de café. Le chocolat, quant à lui, transcende ce clivage, puisqu’il fait appel, d’un point de vue gustatif, à d’autres papilles. Comment peut-on, alors, expliquer que certaines personnes boivent plutôt du thé ou du café ? Les hypothèses de Jean Costentin***, professeur de pharmacologie à la faculté de médecine et de pharmacie de Rouen, offrent des éléments de réponse. « Le thé et le café contiennent de la caféine – un psychostimulant et un pro-médicament – qui est transformée dans le foie en paraxantine, mais à un degré très différent d’un sujet à l’autre. C’est génétique : certains d’entre nous assurent un haut taux de conversion de la caféine en paraxantine. Alors que d’autres sont très paresseux à réaliser cette transformation. »
Les multiples effets de la caféine.
La caféine a des effets anxiogènes plus ou moins importants selon les sujets. Au contraire, la paraxantine a des effets anxiolytiques. « Les personnes qui transforment intensément la caféine en paraxantine bénéficient alors des effets positifs du café : la stimulation de la caféine, avec en plus, une anxiolyse due à la paraxantine. À l’inverse, chez ceux qui ne transforment pas la caféine en paraxantine, le taux de caféine l’emporte sur celui de paraxantine et les effets anxiogènes dominent les effets anxiolytiques. Ceux-là vous diront qu’ils n’aiment pas le café. C’est que le café ne les aime pas ! », poursuit le Pr Constantin.
Certaines personnes qui se gardent de boire du café se souviendraient, ainsi, des crises d’angoisses aiguës provoquées par cette boisson. Et se reporteraient sur le thé. « Car ils ont, tout de même, besoin d’être stimulés. Dans le thé, la caféine est présente à un moindre taux. Et la théanine du thé (dérive de l’acide glutamique) a aussi des effets stimulants mais qui vont modérer les effets anxiogènes de la caféine », note le Pr Costentin.
La caféine et les autres membres de la famille des méthylxanthines agissent sur des récepteurs présents dans tout notre organisme. Leurs effets sur notre santé sont multiples : mémoire, humeur, motricité, dépense énergétique... D’après le Pr Costentin, la consommation de café peut être intéressante pour certaines pathologies. Mais il ne remplace pas les médicaments. Par exemple, chez les personnes dépressives, dont le foie transforme bien la caféine en paraxantine, la consommation de café serait un adjuvant utile, en complément des antidépresseurs. « Il peut permettre d’améliorer le statut dépressif car il stimule, donne de l’énergie et de la volonté. »
Le café aurait également un léger effet préventif du développement de la maladie de Parkinson. Et réduirait les symptômes, lorsque l’affection est déclarée. Des effets protecteurs de la consommation de café vis-à-vis de la maladie d’Alzheimer seraient également constatés, notamment chez les femmes.
Chez la femme enceinte, toutefois, il est recommandé de limiter la consommation de café : une ou deux tasses par jours maximum, pour éviter les risques cardiovasculaires, les effets néfastes sur la pression artérielle et sur le placenta. Enfin, peut-on devenir dépendant au café ? « La caféine contenue dans le café peut engendrer une addiction. Heureusement, le plus souvent, le buveur de café cale spontanément sa dose sur celle qui lui apporte le maximum de bienfaits et le minimum d’effets aversifs », conclut le Pr Costentin.
* « Café, thé, chocolat - les bienfaits pour le cerveau et pour le corps », éditions Odile Jacob, mai 2010, 272 pages, 23,90 euros.
** Le Pr Delaveau est également membre de l’Académie nationale de médecine, ancien président de l’Académie nationale de pharmacie.
*** Le Pr Costentin est aussi membre des académies de médecine et de pharmacie. Il a dirigé pendant trente ans une unité de recherche de neuropsychopharmacologie, associée au CNRS.
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