LA STEATOSE HEPATIQUE est due à l’accumulation d’acides gras sous forme de triglycérides dans les hépatocytes. Très fréquente et longtemps considérée comme bénigne, on sait aujourd’hui qu’il n’en est rien. « Non seulement, la stéatose, surtout lorsqu’elle est associée à des lésions inflammatoires, est susceptible d’évoluer vers la cirrhose et/ou le carcinome hépatocellulaire. Mais en plus, elle peut favoriser la survenue d’un diabète ou rendre plus difficile à équilibrer, un diabète déjà existant. La stéatose représente enfin un facteur de risque cardiovasculaire à part entière… » précise le Dr Serfaty.
Stéatose hépatique et surpoids : des liens étroits.
La présence de lésions de type hépatite alcoolique chez quelqu’un qui ne boit pas (NASH ou non alcoholic steatohépatitis), c’est-à-dire, qui consomme moins de 20 grammes d’alcool par jour (deux verres), est plus fréquente en cas d’obésité, de diabète et/ou de syndrome métabolique et d’insulinorésistance. Dans une moindre mesure, les patients infectés par le VIH et sous antirétroviraux peuvent également être concernés, car ces traitements sont à l’origine de troubles métaboliques, tout comme les patients ayant une hépatite C. « Sans surprise, des études américaines ont ainsi retrouvé une prévalence de la stéatose hépatique dans la population générale de l’ordre de 25 %, que l’on peut mettre en parallèle avec l’épidémie d’obésité. Dans une récente étude américaine réalisée auprès de 400 militaires non-buveurs, les examens révélaient une stéatose, une NASH et une cirrhose, chez respectivement 40 %, 15 % et 3 % d’entre eux. Or là encore, les principaux facteurs de risque étaient l’association d’un surpoids et d’un diabète » souligne le Dr Serfaty.
En France, comme il y a moins d’obèses qu’aux États-Unis, on peut s’attendre à une prévalence de la NASH moins élevée. Mais preuve que c’est une pathologie en augmentation, la cytolyse inexpliquée est devenue le premier motif de consultation en hépato-gastro-entérologie ! On estime ainsi qu’environ 10 % des cirrhoses sans cause retrouvée relèvent d’une NASH… Outre ce retentissement hépatique, la NASH est également un facteur de risque de diabète et d’accident cardiovasculaire. À l’inverse, l’obésité est un facteur de risque de cirrhose et de carcinome hépatocellulaire. De même, le diabète est un facteur de risque de cancer du foie…
En cas de suspicion de stéatose non alcoolique, un bilan métabolique complet s’impose, avec la mesure du tour de taille, la glycémie, les triglycérides, le HDL-cholestérol, la mesure de la tension artérielle, le score de HOMA (pour apprécier le degré d’insulinorésistance) et éventuellement un clamp hyperglycémique (pour déterminer de façon concomitante l’insulinorésistance et l’insulinosécrétion). « Une fois ce bilan métabolique réalisé, la question est de déterminer si le patient a une stéatose pure, d’évolution le plus souvent bénigne, ou associée à des lésions de NASH avec ou sans fibrose. C’est tout l’enjeu du NAS-Score, obtenu à partir d’une biopsie hépatique et qui tient compte de la stéatose, de l’inflammation portale et de la ballonisation hépatocytaire. Entre 0 et 3, la NASH est peu probable. Entre 3 et 5, elle est probable. Au-dessus de 5, elle est certaine » explique le Dr Serfaty. Seul bémol : la biopsie hépatique n’étant pas un examen anodin, elle ne peut être réalisée en première intention. Les hépatologues proposent plutôt dans un premier temps, de faire une échographie hépatique (bien que cet examen manque de sensibilité), voire un scanner ou des tests sanguins pour évaluer le degré de stéatose d’un foie. Attention, les transaminases ne sont pas un bon marqueur de NASH, mais en contrepartie, il existe de nombreux tests de fibrose (fibrotest, fibromètre, fibroscan…) et de cirrhose (fibroscan) intéressants. « Ces marqueurs ne remplacent pas la biopsie hépatique mais permettent de mieux faire le tri entre les patients qui relèvent de la biopsie et les autres. À défaut d’avoir mieux, ce sont eux qui nous sont le plus utiles pour l’instant » insiste le Dr Serfaty.
La prise en charge du surpoids et du diabète est indispensable.
« Le régime – avec une perte maximale de 1 kg par semaine, mais pas plus pour ne pas favoriser un afflux d’acides gras dans le foie, au risque d’aggraver les lésions - et l’exercice sont incontournables, car ils améliorent indéniablement les lésions histologiques, en particulier la stéatose et dans une moindre mesure, l’inflammation. La fibrose en revanche, est beaucoup plus longue à régresser ». Le type d’alimentation compte aussi pour beaucoup : avec les régimes pauvres en vitamines C, E et acides gras insaturés, mais riches en fructose, le risque de NASH est accru. C’est pourquoi dans la prise en charge d’un patient avec une NASH, le concours de médecins nutritionnistes, de diabétologues, de psychologues comportementaux, en plus de l’hépato-gastro-entérologue, est essentiel.
Lorsque les règles hygiéno-diététiques ne donnent pas de résultats suffisants, ce qui est souvent le cas lorsque les patients manquent d’observance, des traitements insulino-sensibilisants (glitazones) ou hépatoprotecteurs (vitamine E, acide ursodésoxycholique) peuvent être proposés surtout en cas de fibrose significative. Là encore, une régression de la stéatose et de l’inflammation est obtenue (pas de la fibrose, en revanche). Enfin, en cas d’obésité morbide (avec une IMC ≥ 40), la chirurgie bariatrique a des effets positifs sur le foie puisqu’elle améliore la stéatose et l’inflammation.
D’après un entretien avec le Dr Lawrence Serfaty, gastro-entéro hépatologie, CHU St Antoine à Paris.
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