Accès à la cardiologie interventionnelle

Des inégalités territoriales persistent

Publié le 09/12/2010
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LA LOI hôpital, patients, santé, territoire (HPST), votée en 2009, pourrait-elle permettre de corriger certaines inégalités territoriales dans l’accès à des soins de cardiologie aiguë et interventionnelle ? Tel est en tout cas le souhait formulé par le Pr Patrick Assayag, chef du service de cardiologie de l’hôpital Bicêtre, situé au Kremlin-Bicêtre dans le Val de Marne. « On espère que cette loi pourra permettre d’établir une réelle égalité d’équipement pour la cardiologie lourde et une égalité d’accès aux soins pour certains territoires moins bien pourvus que d’autres. Ce serait un élément positif de cette loi, même si je suis conscient que, pour l’instant, cela reste encore assez théorique », indique le Pr Assayag, en évoquant le cas de son propre établissement où il n’existe pas aujourd’hui d’activité de cardiologie interventionnelle. « Nous avons un petit service de cardiologie dans un grand hôpital d’urgences. L’hôpital Bicêtre, en effet, est le vaisseau amiral des urgences pour tout un territoire de santé, le 94-Ouest. Ce territoire regroupe près de 400 000 personnes. Et il ne compte aucune salle de coronarographie, ni activité interventionnelle coronaire ou rythmologique. Dans ce territoire de santé, il n’y a pas non plus, à ma connaissance, une seule unité de soins intensifs de cardiologie (USIC). C’est, je crois, un cas unique en Ile-de-France », souligne le Pr Assayag, en ajoutant que l’Agence régionale de santé (ARS) est probablement consciente du problème. « L’Agence régionale d’hospitalisation (ARH) a récemment fait une analyse département par département pour toute la région parisienne. Et il est apparu que le département du 94 présentait un déficit de coronarographies et d’angioplasties, de loin le plus important d’Ile-de-France. De même, il y a un fort déficit en lits d’USIC pour le 94-Ouest. Le résultat est que les patients sont orientés soit vers Paris, soit vers l’Est (Créteil), soit vers l’Ouest (Antony, Le Plessis-Robinson, Clamart ou Massy), ou pas orientés du tout », constate le Pr Assayag.

Des projets peu réalistes.

Un problème, selon lui, est le fait que coexistent sur l’Ile-de-France, deux logiques qui, parfois, ne sont pas toujours convergentes : une logique de couverture égalitaire du territoire (objectif de l’ARS) et la logique « historique » des hôpitaux. «L’AP-HP n’a pas toujours été dans une logique de répartition territoriale des moyens, mais cela va sûrement changer», explique le Pr Assayag, qui se montre, par ailleurs, assez critique sur le volet « hôpital » de la loi HPST, qui a eu pour effet de renforcer le pouvoir des directeurs d’établissement. « Cette réforme, qui consiste à mettre tous les pouvoirs de décision dans les mains d’une administration centrale, contribue à éloigner les directions des responsables médicaux sur le terrain. Les conséquences de cette situation se font sentir au quotidien dans les services : nous sommes confrontés à des réductions de personnel et à des projets de restructuration parfois peu réalistes. Au jour le jour, le fonctionnement des services devient plus difficile. Il faut dépenser le double d’énergie pour essayer de maintenir un minimum d’efficacité et de qualité », souligne le Pr Assayag.

Celui-ci se montre également réservé sur la logique de certains éléments du plan stratégique de l’AP-HP (2010-2014), qui a entériné le regroupement des établissements au sein de grands groupes hospitaliers. « L’hôpital Bicêtre (Le Kremlin-Bicêtre, 94) est associé, au sein d’un même groupe, à Paul-Brousse (Villejuif, 94) et à Antoine Beclère (Clamart, 92). Bicêtre, seul centre d’urgences de tout un bassin de population et le plus gros hôpital d’urgences du groupe, situé, de plus, dans un territoire dépourvu d’autre structure cardiologique, ne dispose d’aucune structure ni équipements cardiologiques lourds. Peut-on imaginer que la prise en charge cardiologique d’un tel hôpital d’urgences puisse être "délocalisée" vers des structures situées loin en dehors de son territoire de santé ? De tels projets, élaborés sans l’avis de responsables médicaux directement concernés, ne sont pas réalistes. Nous reviendrons, je l’espère, à des projets de renforcement de la cardiologie là où il y a un besoin criant ! », indique le Pr Assayag, en ajoutant que la prise de l’avis des responsables médicaux de terrain ne peut que permettre d’améliorer la pertinence des restructurations nécessaires en cours.

D’après un entretien avec le Pr Patrick Assayag, chef du service de cardiologie de l’hôpital Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne).

 ANTOINE DALAT

Source : Bilan spécialistes