ZAPI 3, un acronyme à la triste réputation : plusieurs rapports (celui du parlementaire Louis Mermaz en 2000, celui de Médecins du Monde en 2003) ont épinglé cette zone administrée par la PAF (Police de l'air et des frontières), qui accueille plus de 96 % des demandeurs d'asile qui débarquent en France. Depuis deux ans, les procédures médicales ont été revues, pour tenter d'améliorer les conditions sanitaires et médicales réservées à ces quelque 20 000 migrants qui arrivent ici chaque année de toutes les régions du monde. Désormais, des médiateurs de la Croix-Rouge française sont présents vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept. « Ils remplissent une fonction de soutien psychologique à l'égard d'une population soumise à un stress évidemment important et ils sont capables de s'exprimer dans une quinzaine de langues, explique Cédric de Torcy, directeur des opérations de solidarité à la CRF. Et quand on ne peut pas faire autrement, on recourt aux services d'un interprète qui intervient par téléphone. »
A l'infirmerie du Zapi, ouverte elle aussi quotidiennement, mais seulement durant la journée (8 h-20 h), on procède de la même manière pour communiquer avec les patients. « C'est important pour ces personnes angoissées, quand elles tombent malades, de pouvoir s'exprimer dans leur langue », souligne le Dr Daniel Zarka, chef du service de réanimation de l'hôpital Robert-Ballanger. C'est cet établissement qui, en application d'un contrat passé avec la PAF, assure les consultations à l'intérieur du Zapi, avec des praticiens urgentistes et des infirmières détachées sur place.
Problème de langue et erreur médicale.
« Un anglais approximatif permet de faire face à la majorité des situations, mais le recours à l'interprète via un téléphone à mains libres, peut être indispensable, poursuit le Dr Zarka. Je me souviens par exemple d'un patient libanais extrêmement agité qui présentait un tableau d'urgence chirurgicale, mais qui repoussait tout le monde. Ce n'est que lorsque l'interprète est intervenu qu'on a compris la raison de son comportement : en fait, il souffrait de maladie périodique et il était paniqué à l'idée qu'on risque de l'opérer. Dans ce cas, le problème de la langue a bien failli être la cause d'une erreur médicale. »
Le Dr Soy Lam est l'un des trois praticiens affectés à temps plein au Zapi. D'origine chinoise, il peut ainsi dialoguer sans peine avec les migrants qui viennent de ce pays. « Les seules patients pour lesquels nous ayons des problèmes de communication sont les arabophones, observe-t-il . Nous nous tournons souvent vers leurs ambassades où nous obtenons facilement le concours d'interlocuteurs bilingues. »
« Les compagnies d'aviation nous sont aussi d'une aide précieuse, ajoute le Dr Michel Clerel, médecin-chef d'Aéroports de Paris et qui, à ce titre, intervient en urgence au Zapi (les médecins d'ADP travaillent selon les modalités d'une antenne Smur). On trouve en général des chefs d'escale bilingues dans des langues très peu courantes, comme l'azerbaïdjanais ou l'ouzbek. »
« Mais, dans la pratique courante, ces problèmes de communication avec les patients ne sont pas notre souci numéro un, estime le Dr Lam. Les problèmes les plus épineux à résoudre surviennent avec les patients qui ont des traitements au long cours, quand il s'agit de leur trouver les médicaments appropriés. Rares en effet sont les malades qui connaissent la dénomination commune internationale. »
En dehors de ces difficultés très techniques, les praticiens de Roissy s'accordent sur la valeur sûre que représente en tout état de cause « la clinique parlante », selon la formule du Dr Clerel, autrement dit « le langage empirique des sourds-muets. Dans la plupart des cas, nous parvenons par la simple gestuelle à faire passer le message, quelle que soit la langue du patient. On lui explique sans parole son ordonnance, comme on le fait avec un enfant de trois ans. »
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