Enregistrement de l'amygdale cérébrale

Des mots subliminaux déclenchent des émotions

Publié le 16/05/2005
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QUEL TRAITEMENT le cerveau réserve-t-il à la visualisation « flashée » d'un mot, présenté au niveau infraliminal (au-dessous du seuil de la conscience) ? Une équipe de la Pitié-Salpêtrière (Lionel Naccache et coll.) s'est penchée sur cette question de psychologie cognitive, objet de nombreux débats. On savait déjà, après la publication de Marcel et coll. (1983), qu'il existe un accès non conscient au sens des mots dans le « paradigme de l'amorçage masqué » : soumis à une tâche lexicale, un sujet répond plus vite lorsqu'il y a eu immédiatement auparavant un amorçage par un mot masqué proche sémantiquement (par exemple : lion-tigre).
Les chercheurs (unité d'épileptologie) ont saisi l'opportunité d'enregistrer les réponses locales de l'amygdale cérébrale humaine, chez trois patients souffrant d'épilepsie réfractaire, auxquels on a implanté des électrodes, précisément dans la région de l'amygdale. Rappelons que l'amygdale est un centre traitant les informations émotionnelles.
Selon la qualité menaçante ou neutre des mots masqués présentés aux patients, les réponses enregistrées ont été différentes. « Nous présentons une démonstration directe d'un accès sémantique à des mots qui n'ont pas été vus au niveau conscient. » On observe que l'activité de l'amygdale est modulée dans les mêmes régions que celles qui sont impliquées dans l'évaluation consciente de la valeur émotionnelle des mots.

Un seul mot présenté en 29 ms.
L'expérience a consisté à présenter des mots subliminaux en adaptant le paradigme de l'amorçage masqué classique. Chaque fois, un seul mot a été présenté brièvement (29 ms), précédé et suivi par des masques, sous la forme de bandes de caractères non signifiants (lignes de # ou de &...) d'une durée de 71 ms chacune. Les expériences de mots masqués ont été alternées avec des expériences de mots visibles (présentés pendant la même durée, mais sans les bandes de signes servant de masque). Les sujets ont dû presser un bouton pour indiquer si le mot est menaçant ou non. On a fait alterner des mots comme danger-cousin ou poison-sonate.
Les enregistrements montrent que l'activité de l'amygdale a été modulée avec une latence prolongée : supérieure à 800 ms.

Des résultats convergents avec des données IRM.
Ces résultats sont convergents avec les observations en neuro-imagerie IRM, qui ont démontré que les visages, les sons ou des stimuli abstraits activent l'amygdale an l'absence d'une perception consciente du stimulus. « Notre travail complète ces résultats antérieurs en démontrant que l'activation infraliminale survient avec une longue latence et pour des stimuli abstraits que sont les mots. »
Jusque-là, les processus de traitement sémantique au niveau infraliminal par le cerveau n'avaient été montrés que pour des nombres masqués.

« Proc Natl Acad Sci USA », 24 mai 2005, vol. 12, n° 21, pp. 7713-7717.

> Dr BÉATRICE VUAILLE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7750