GRACE AUX PROGRES réalisés dans la connaissance de la maladie d'Alzheimer, le nombre de patients diagnostiqués à un stade précoce est en augmentation. Et les médecins sont de plus en plus confrontés à un nouveau profil de malades : un patient plus conscient de ce qui lui arrive, qui revendique le droit de savoir et d'être un acteur de sa prise en charge.
Or, ce droit, il ne l'a que rarement. Dans une enquête anglaise de 2000, 40 % seulement des psychogériatres annoncent le diagnostic à leurs malades. Une étude, réalisée en France en 2004, donne un pourcentage beaucoup plus élevé (70 % des neurologues, psychiatres et gériatres participant à une consultation mémoire), mais 11 % n'ont pas d'attitude systématique et 19 % ne se résolvent toujours pas à annoncer le diagnostic. Quant à l'implication dans le projet de soins, les témoignages de patients, de soignants et d'acteurs associatifs tendent à montrer le contraire. « Quand je vais en consultation, le docteur parle à mon épouse... Moi, je ne suis plus qu'un tas de mots neurologiques qui ne veulent rien dire. » (témoignage recueilli sur le site de France Alzheimer).
C'est pour changer cette situation que le ministère de la Santé et l'Inpes (Institut national de prévention et d'éducation pour la santé) lancent, dans le cadre du programme Alzheimer et maladies apparentées 2004-2007, un outil d'éducation pour la santé du patient. Il s'agit d'une mallette qui contient un guide pour le médecin, 10 livrets patients et une affichette pour la salle d'attente.
L'annonce au bon moment.
Le guide pour le médecin, très bien fait et agréablement illustré, explique l'intérêt d'une démarche éducative centrée sur le patient et en détaille les différentes étapes. De nombreux exemples de dialogue médecin-patient permettront au praticien d'explorer les représentations et les croyances du patient et de ses proches sur la maladie et d'annoncer le diagnostic en ayant évalué au préalable le souhait et la capacité du malade à l'entendre. Il pourra en connaissance de cause négocier un projet de soins adapté et aider le patient et son entourage à affronter les difficultés et conflits relationnels qui pourraient surgir. Une grille d'autoévaluation complète ce précieux guide.
Le livret patient (il y en a 4, un par consultation) permet de connaître ses sentiments face à la maladie (optimiste, combatif, révolté, résigné, angoissé, déprimé, en colère...), ses activités au quotidien, son réseau de soutien, ses relations avec son entourage (écouté, respecté, incompris, coupable, aimé, surveillé...), ses réactions aux médicaments, ce qu'il attend de la consultation et des soignants.
Ce livret peut être utilisé de deux façons : le médecin le remet au patient trente minutes avant la consultation et l'invite à le compléter avec l'aide éventuelle d'un membre de l'équipe de soins (secrétaire médicale, infirmière, externe...) ; ou bien il le lui remet après la consultation et lui demande de le rapporter complété lors de la prochaine visite.
Le kit d'intervention, que l'on peut se procurer auprès de l'Inpes*, est destiné en priorité aux médecins chargés des consultations mémoire, mais peut être utilisé par d'autres, des praticiens ou des membres de l'équipe médicale .
Autre témoignage (recueilli à l'hôpital de jour de Bretonneau) : « Mon médecin est une personne d'expérience. Elle a su m'écouter. Elle m'a soutenue quand mes enfants ont voulu me retirer mon chéquier en estimant que je n'étais plus apte à m'occuper de moi. Elle a su me mettre en confiance. J'attends de mon médecin qu'il m'écoute et essaie de me comprendre. Un médecin qui sait écouter et comprendre soigne mieux. ».
* Les livrets sont téléchargeables sur le site www.inpes.sante.fr. Pour demander le kit : tél. 01.49.33.22.22.
Près de 800 000 malades
En 2004, on recensait près de 800 000 personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer, soit 18 % des plus de 75 ans. Actuellement, il y a près de 165 000 nouveaux cas par an, mais, compte tenu du vieillissement de la population, ce nombre devrait rapidement augmenter.
La prévalence de la maladie est plus élevée chez les femmes. Elle augmente avec l'âge : de 1,5 % à 65 ans, elle double tous les quatre ans, pour atteindre 30 % à l'âge de 80 ans. Des formes précoces peuvent survenir avant 65 ans.
On distingue trois grands stades dans la progression de la maladie : le stade de début (troubles, notamment de la mémoire et du langage, discrets mais pouvant altérer l'accomplissement de tâches quotidiennes), le stade modéré (les troubles s'accentuent, désorientation temporelle et spatiale nette, jugement et affectivité perturbés) et le stade sévère (perte de la mémoire, langage déstructuré, fonctions exécutives nulles, comportement perturbé).
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