Prise en charge psychologique du cancer
AUX ETATS-UNIS, compte tenu du vieillissement de la population, le nombre de sujets vivant avec un cancer va passer de 1,3 million à 2,6 millions entre 2000 et 2050. Qu'il s'agisse des difficultés psychologiques survenant au moment du diagnostic, pendant le traitement, de la peur des récidives, du choc provoqué par la découverte de celles-ci, des conséquences d'un cancer (même guéri) sur la vie sociale, familiale, sexuelle, affective, les psychiatres et les oncologues ont et auront de plus en plus d'occasions de devoir accompagner des patients sur ce parcours. D'où l'intérêt de mieux connaître les conséquences psychologiques des cancers et de proposer des stratégies spécifiques de prise en charge.
Le DSM IV fait une place à part aux syndromes dépressifs liés aux maladies somatiques ou à l'abus de substance. De manière à les distinguer des dépressions primaires sans relation avec une maladie somatique. La comorbidité entre les deux affections est très fréquente, un syndrome dépressif est constaté chez près de 50 % des sujets ayant une sclérose en plaques, chez 30 à 50 % de ceux ayant eu un accident vasculaire cérébral, chez 40 % des sujets atteints de Parkinson et chez 33 % des diabétiques. Elle n'est pas plus fréquente chez les sujets atteints de cancer (42 %), mais prend une forme complexe. En effet, dans cette maladie, la distinction entre un trouble dépressif comorbide et des effets secondaires des traitements, en particulier des chimiothérapies, est souvent ardu. Une chimiothérapie au cisplatine, par exemple, peut engendrer des symptômes équivalents à ceux d'un trouble de l'humeur, qu'il s'agisse de perte de poids, de douleurs neuropathiques, de troubles de l'endormissement ou de difficultés de concentration. Les effets secondaires de l'interféron alpha peuvent ressembler à s'y méprendre aux symptômes d'un trouble dépressif. Certains traitements hormonaux du cancer de la prostate ou le tamoxifène proposé dans le cancer du sein peuvent, eux aussi, favoriser l'apparition de symptômes dépressifs. Par ailleurs, certains cancers, tumeurs pancréatiques ou pulmonaires, par exemple, sont en eux-mêmes générateurs de syndromes dépressifs par les troubles neuro-endocriniens qu'ils provoquent. « Le terme de dépression est souvent mal ressenti par certains patients atteints de cancer et vécu comme une stigmatisation de plus, d'où l'intérêt parfois de l'emploi de termes différents comme détresse ou souffrance », a affirmé le Pr Michelle Riba, ce terme désignant alors une expérience émotionnelle désagréable de nature psychologique, sociale ou spirituelle à même d'interférer avec les capacités du patient à lutter contre sa maladie.
Réglette et autoquestionnaire.
Cette détresse peut et doit être évaluée avec des outils adaptés. L'équipe de l'université du Michigan utilise une sorte de réglette visuelle analogique d'évaluation de la détresse et de la souffrance globale, de 0 à 10, élaborée sur le modèle des échelles visuelles analogiques de mesure de la douleur physique. Les données de cette échelle sont complétées par celles d'un autoquestionnaire, rempli par le patient avant sa rencontre avec le cancérologue, abordant les difficultés de fonctionnement dans sa vie affective, sexuelle, sociale et professionnelle. Ces renseignements servent alors de base et d'amorce à un dialogue avec le médecin. Les équipes soignantes, et les médecins oncologues en particulier, doivent questionner explicitement leurs patients sur leur état psychique. Car les patients atteints de cancer répugnent à parler spontanément de leur souffrance et de leur désarroi devant la maladie et ses conséquences, rappelle M. Riba, de peur d'être mal jugés, déconsidérés et donc traités différemment par leur cancérologue. Trop souvent, souligne la psychiatre, les patients appliquent la règle du « Ne rien demander et ne rien dire », ce qui arrange parfois les cancérologues démunis devant la souffrance psychique de leurs patients. Les médecins amenés à les prendre en charge doivent donc apprendre à repérer des symptômes traduisant l'anxiété, la dépression et tenir compte dans leur évaluation de variables telles que le stade du cancer, le support psychologique, familial ou social, le type de traitement reçu.
D'après un symposium du Collège international de médecine psychosomatique.
La médecine psychosomatique
Cette discipline scientifique et clinique, à l'interface entre la médecine et la psychiatrie, bénéficie désormais aux Etats-Unis d'une reconnaissance officielle. Elle dispose donc de sa « bible » : le premier Textbook officiel de l'Académie de médecine psychosomatique, qui détaille spécialité par spécialité les diverses manifestations psychologiques et psychiatriques des affections somatiques et leurs prises en charge spécifiques.
American Psychiatric Press Textbook of Psychosomatic Medicine., éditions J.-L. Levenson ; American Psychiatric Press ; Washington. 2005.
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