« BEAUCOUP de progrès restent à accomplir dans la prise en charge médicamenteuse de la maladie d'Alzheimer, mais des avancées significatives ont été réalisées au cours des dernières années », souligne le Pr Claude Jeandel (Montpellier). Les seuls traitements disponibles à ce jour sont symptomatiques, explique le Dr Laurent Lechowski (hôpital Sainte-Périne, Paris). Trois d'entre eux sont des anticholinestérasiques (donépézil, galantamine, rivastigmine) et la quatrième un antiglutamate (mémantine).
Les anticholinestérasiques sont indiqués dans le traitement symptomatique des formes légères à modérément sévères de la maladie d'Alzheimer (MA). Leur objectif est de restaurer un certain potentiel cholinergique dans le cerveau, nécessaire à un fonctionnement cognitif correct. Ils ont fait l'objet de plusieurs essais thérapeutiques d'une durée allant jusqu'à un an. Certains montrent que les malades répondent d'autant mieux au traitement qu'ils ont un profil de « déclineurs rapides ». Mais les facteurs prédictifs d'une telle évolution ne sont pas identifiés. Il n'y a pas d'essai en double aveugle comparant les effets des trois anticholinestérasiques, ni de recommandation pour l'arrêt ou le changement d'anticholinestérasique en cas de mauvaise intolérance ou lorsque le traitement paraît inefficace.
Pour le Dr Lechowski, « selon l'AMM, ces médicaments devraient être prescrits chez la majorité des patients ». En ce qui concerne leur efficacité, « on peut attendre probablement un retard du déclin cognitif, avec un effet prolongé après l'arrêt du traitement ». Les essais font aussi apparaître un bénéfice sur d'autres paramètres (qui n'étaient pas des critères de jugement principaux), à savoir les troubles du comportement, le déclin « fonctionnel » et l'impression globale de changement. « Il y a tout lieu de penser qu'il y a un gain en termes de coût induit par les conséquences de la MA et, probablement, un retard à l'institutionnalisation. » Des études à plus long terme permettront de vérifier ces effets. Le Dr Lechowski estime qu'il faut donner aux malades une chance avec un traitement prolongé et souligne la nécessité de réaliser des efforts sur l'acceptation de ce dernier, en évitant les effets secondaires par des traitements symptomatiques.
Les récepteurs Nmda.
La deuxième alternative est représentée par les antiglutamates. Le glutamate est le principal neuroexcitateur du système nerveux central et joue un rôle dans l'apprentissage, la mémoire et le comportement, rappelle le Dr Fabien Tigoulet (CHU, Montpellier). Dans des conditions normales, ce neuromédiateur est maintenu à un niveau très bas dans la fente synaptique. Dans la MA, il existe une hyperstimulation continue et faible des récepteurs Nmda par le glutamate, qui devient alors neurotoxique (dégénérescence neuronale, perte de la plasticité neuronale). La mémantine, premier antagoniste non compétitif des récepteurs Nmda, est indiquée dans le traitement symptomatique des formes modérément sévères à sévères de la MA.
L'étude princeps, randomisée en double aveugle contre placebo, menée sur des patients en ambulatoire, a montré à six mois des différences significatives par rapport au groupe placebo concernant les critères d'évaluation globale et fonctionnelle ainsi que les fonctions cognitives. La poursuite de ce travail montre que le bénéfice thérapeutique est maintenu à un an sur les trois critères pris en compte. En outre, un bénéfice apparaît également pour l'entourage avec moins de sorties d'étude que dans le groupe sous placebo, un gain significatif de temps pour les aidants (48 heures par mois), une entrée en institution à six mois moins fréquente et moins d'agitation ; « des résultats obtenus sans neuroleptiques », précise le Dr Tigoulet. Enfin, la tolérance clinique de la mémantine est bonne. Ce médicament est également disponible en solution buvable, qui peut en faciliter la prise.
Bithérapie.
Une étude ambulatoire sur l'administration de mémantine à des patients déjà sous donépézil a donné des résultats prometteurs à six mois. Evalués sur les échelles utilisées ainsi que la tolérance, ils ont été significativement meilleurs sous bithérapie que sous traitement par donépézil-placebo. Cette étude mérite confirmation.
Par ailleurs, environ 90 % des patients ayant une démence vont présenter au moins un trouble du comportement qui va compliquer la prise en charge, remarque le Dr Sylvie Bonin-Guillaume (hôpital Nord, Marseille). Ces troubles diffèrent selon la démence et sa sévérité. Il faut tout d'abord rechercher une cause ou un facteur déclenchant, iatrogène ou organique, dont le traitement éliminera le trouble. Un changement dans l'organisation socio-environnementale peut aussi être responsables de troubles du comportement. Leur traitement pharmacologique repose, selon les cas, sur les inhibiteurs de la cholinestérase, les neuroleptiques, les antidépresseurs, les benzodiazépines et les normothymiques.
Enfin, le Pr Jeandel signale que les MA avec composante cérébrovasculaire seraient plus fréquentes que les démences vasculaires pures. « Il faut donc reconsidérer la prise en charge des démences à composante vasculaire. » Les résultats d'un essai randomisé international mené sur 592 patients montrent que la galantamine pourrait être intéressante dans ce type de situation.
Amphi « Alzheimer et syndromes apparentés » organisée sous l'égide du Collège professionnel des gériatres français et la coordination scientifique de son secrétaire général, le Pr Claude Jeandel (Montpellier), en coordination avec les Laboratoires Esai/Pfizer et Novartis.
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