LES TRAVAUX menés pour élucider les mécanismes à l'origine des douleurs neuropathiques ont essentiellement été centrés sur les nerfs périphériques, les ganglions rachidiens et les neurones. Récemment, l'attention s'est toutefois portée sur la transmission neuronale, l'activation de la microglie et les réponses immunitaires induites par les lésions nerveuses, car il est établi que les douleurs neuropathiques causées par ces dernières ont une composante neuro-immunitaire centrale. Il a, notamment, été établi que la section des racines nerveuses en L5 est suivie d'une activation gliale qui, elle-même, induit rapidement l'expression de cytokines pro-inflammatoires (TNF-a, IL-1b et IL6) au niveau du SNC. Ces cytokines jouent un rôle déterminant dans le développement de l'hypersensibilité comportementale associée à la douleur neuropathique. Cela étant, les mécanismes reliant ces différents processus entre eux demeuraient jusqu'alors relativement obscurs.
Les cellules du système immunitaire inné - c'est-à-dire les monocytes-macrophages, les lymphocytes NK, les neutrophiles et la microglie - reconnaissent, au sein des micro-organismes pathogènes, certains éléments moléculaires appelés Pamp (voir encadré) par l'intermédiaire de récepteurs présents à la surface de ces cellules : les « Toll-Like Receptors » (TLR). L'un de ces récepteurs, le TLR4, est exclusivement exprimé par la microglie, et différents travaux ont montré qu'il existait peut-être un lien entre ce TLR4 et la production de cytokines pro-inflammatoires, ces dernières participant à leur tour à l'installation d'une hypersensibilité comportementale.
Des expériences chez la souris et le rat.
Tanga et coll., de la faculté de médecine de Darmouth, au Liban, ont donc cherché à établir les liens fonctionnels unissant les TLR4, l'activation de la microglie et l'installation d'une hypersensibilité comportementale. Pour ce faire, ces investigateurs ont eu recours à deux approches. Dans une première série d'expériences, ils ont sectionné les nerfs rachidiens à hauteur de L5 chez des souris normales et chez deux souches différentes de souris mutantes n'exprimant pas TLR4 : une souche présentant une délétion complète du gène codant pour TLR4 et, par là même, incapable de synthétiser l'ARNm ou la protéine de ce récepteur (souris TLR4 KO) et une souche affectée d'une mutation ponctuelle aboutissant à l'expression d'une protéine TLR4 non fonctionnelle (souris C3H/HeJ).
Les trois séries d'animaux ont été soumises à des tests de sensibilité à l'égard de stimuli mécaniques normalement non nociceptifs, avant et après le geste chirurgical, afin de rechercher l'apparition d'éventuelles manifestations d'allodynie secondairement à ce dernier. La sensibilité thermique a été évaluée de la même façon.
Ces expériences chez la souris ont démontré que TLR4 joue un rôle déterminant dans l'induction d'une allodynie après lésion nerveuse et que l'inhibition du récepteur a pour effet d'atténuer l'activation microgliale ; elles ont également confirmé l'existence d'un lien entre l'immunité innée et l'expression rachidienne de cytokines pro-inflammatoires.
Oligodésoxynucléotide.
La seconde approche utilisée par les chercheurs a consisté à étudier l'activation microgliale et le développement d'une hypersensibilité comportementale chez des rats ayant reçu par voie intrathécale un oligodésoxynucléotide (ODN) antisens après section des nerfs rachidiens en L5. Ce traitement a été suivi d'une diminution dose-dépendante de l'hypersensibilité tactile et thermique induite par la section des racines nerveuses ; il a également eu pour effet de déprimer l'expression des ARNm des marqueurs microgliaux et des cytokines pro-inflammatoires.
La conclusion de ces travaux est que les TLR4 constituent le lien entre l'activation microgliale, l'immunité innée et le développement d'une hypersensibilité comportementale. Ces résultats sont importants, dans la mesure où ils ouvrent la voie à des stratégies thérapeutiques qui permettraient de traiter ou, mieux, de prévenir les douleurs neuropathiques.
Tanga YF et coll. « Proc Natl Acad Sci USA », édition avancée en ligne.
Les « Toll-Like Receptors »
L'immunité innée constitue la première ligne de défense de l'organisme contre les agents pathogènes. Les « Toll-Like Receptors » (TLR ; récepteurs gendarmes) jouent un rôle clé dans la reconnaissance de ces derniers et le déclenchement de la réponse inflammatoire.
Les TLR sont des récepteurs transmembranaires qui reconnaissent sélectivement les Pamp (Pathogen-Associated Molecular Patterns), qui sont des motifs conservés associés aux micro-organismes pathogènes. Ainsi, TLR4 détecte les endotoxines et TLR2 les bactéries Gram positif.
La stimulation des TLR conduit à l'activation de facteurs de transcription permettant la phagocytose de l'agent pathogène, la production de cytokines pro-inflammatoires et l'apoptose des cellules infectées. La partie cytosolique des TLR possède un domaine de signalisation commun avec celui du récepteur à l'interleukine 1 et qui est appelé « domaine TIR » (« Toll/Interleukine 1 Receptor »). Ce domaine TIR est directement impliqué dans l'activation de la voie de signalisation.
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