Les motifs de consultation varient peu : douleurs, impotence relative, difficultés de chaussage, préjudice esthétique. Les femmes sont au centre du problème. L'hallux valgus unilatéral est plus mal supporté (chaussage) que l'hallux valgus à peu près symétrique.
Clinique au cas par cas
L'angulation du 1er rayon, l'oignon essentiellement, est mal vécue par les femmes jeunes et moins jeunes. Comme la géométrie métatarsienne néfaste se transmet, elles ont souvent vu l'évolution parfois extrême de cette déformation chez leur mère et leurs grands-mères qui l'ont supportée avec patience et sans grand souci de coquetterie. Mais les temps ont changé et elles viennent quémander une solution.
Nos propositions de traitement seront réellement « à la carte », médicales d'abord, en principe, éventuellement chirurgicales, après réflexion.
La chaussure à bout pointu et à talon haut a souvent été clouée au pilori. La culpabilité du pied nous paraît plus importante encore.
Le médecin ne doit pas baisser les bras et attendre l'heure chirurgicale.
Bien entendu, nous ne pouvons guérir un hallux valgus, mais des mesures préventives, stabilisatrices ou palliatives sont possibles.
Généralement, surtout si l'hallux est long, la dérive du gros orteil a déjà commencé, ce qui facilite la tâche car le patient consulte pour ses pieds et ne refusera pas l'orthèse plantaire.
L'orthèse plantaire.
Il s'agit, dans la grande majorité des cas, d'un pied creux « combiné » (photo 1) étroit en arrière, large et plat transversalement en avant.
Le relief essentiel de l'orthèse plantaire est une barre métatarsienne rétrocapitale à renflement médian, gouttières latérales et ailerons de bordure (photo 2). Ainsi, l'éventail métatarsien est-t-il resserré (il est trop ouvert), cintré (les têtes métatarsiennes moyennes sont surchargées) et relevé (le creux longitudinal est généralement antérieur par plongeon métatarsien). Le premier rayon reprend alors quelque force car la première tête sera (modestement) « démarginalisée » et les appuis capito-métatarsiens globalement rééquilibrés. De surcroît, un point d'ancrage est fourni à l'hallux, une élevure transversale dite haricot, sise sous sa première phalange renforçant ou rétablissant l'agrippement pulpaire. Une telle orthèse est à la fois préventive et stabilisatrice.
De toutes manières, il vaut mieux, de façon à ce que personne n'ait de regret, que le patient ait l'expérience de l'orthèse plantaire, de ses vertus et de ses inconvénients avant la chirurgie.
La rééducation est illusoire. Les soins de pédicurie ont leur place dans la surveillance d'un hallux valgus.
Dans le domaine des complications, l'apparition d'une « bursite » n'est pas rare. Elle majore la douleur et les difficultés de chaussage et doit être ponctionnée en un point non déclive et en peau saine afin de la dégonfler, de soulager et d'éviter sa fistulisation.
A propos de quelques erreurs d'appareillage
L'
écarteurstandardisé de l'hallux, petite bobine aplatie placée entre le 1er et le 2e orteil, est une hérésie : il est non seulement inefficace mais nocif car il accroît le metatarsus varus.
L'
attelle nocturneen est une autre. Certes, elle redresse l'hallux et évite, grâce à un contre-appui métatarsien, l'inconvénient précédent, mais, l'attelle aussitôt enlevée, l'hallux reprend sa vilaine place. Or il est absurde de le forcer car on ne peut jouer à la fois sur toutes les contraintes anatomiques. Elle jouirait cependant d'une modeste vertu antalgique.
L'
orthèse en silicone, sur mesure, du gros orteil comportant une butée en arrière du bunion le protégeant ainsi de la pression de l'empeigne de la chaussure, encombre quelque peu l'avant-pied (photo 3) : elle est strictement palliative.
Le choix du chaussage
La chaussure est l'orthèse que nous portons tous et nos prescriptions ne doivent pas s'arrêter à l'orthèse plantaire.
Chez les hommes qui sont les moins impliqués dans cette pathologie, d'autant qu'ils se chaussent confortablement, quelques conseils utiles peuvent être prodigués : choisir des chaussures anglaises dont la largeur, à pointure égale, est plus grande. Préférer les « derby », chaussures à oreilles lacées s'accommodant d'un « cou de pied » (saillie du dos du pied) fort, d'autant qu'il sera un peu soulevé par l'orthèse plantaire (photo 4).
Chez les hommes, comme chez les femmes, il conviendra d'attirer l'attention sur la qualité et la façon de la tige de la chaussure (tout ce qui se trouve au-dessus de la semelle) ; sur l'empeigne (ou claque), qui doit avoir du prêtant afin de se faire au pied, comme en particulier le veau retourné (« daim »), le chevreau ou le tressé (mais qui est source de distensions disgracieuses) et ne comporter aucune ligne ou zone de contrainte (piqûres, surpiqûres, applications, plateau) au niveau de l'oignon; sur la forme de la chaussure qui est appréciée en la retournant. Il faut en effet choisir des souliers non à « planche directe », rectilignes dont l'axe talonnier prolongé suit le 2e rayon mais à « planche tournante » (photo 5), dont l'avant-pied est élégamment déporté en dedans (ce qui est déjà beaucoup plus physiologique), si bien que l'axe talonnier se retrouve le long du 4e rayon. Ainsi, l'angulation du 1er rayon se place-t-elle mieux.
Enfin, si nécessaire, l'orthésiste ou le cordonnier doivent user d'un antique instrument : la pince à cor ou à oignon qui ressemble (en grand) à un dénoyauteur et façonne immédiatement, sans abîmer la chaussure, la niche dans laquelle se logera l'oignon (photo 6).
Cela dit, les femmes choisiront de préférence des modèles « derby » ou « lamballe » (photo 7), mais les escarpins sont parfaitement portables en sélectionnant bien la découpe du « décolleté », qui ne doit pas couper le dessus de l'oignon. Le talon sera raisonnable mais présent ; trotteur (3 cm), bottier bas (4 cm) ou haut (5 cm). Le bottier dit Céline (6 cm) sera toléré pour une soirée car il faut donner des gages à la coquetterie féminine. Par ailleurs, les chaussures dites pour pieds sensibles, que l'on peut être contraint de conseiller car leur largeur (périmètre de l'avant-pied) à pointure égale est nettement plus grande, sont devenues presque gracieuses.
Quant aux chaussures thérapeutiques de série atypique (à tige modulable car élastique ou thermoformable), voire thérapeutiques sur mesure, elles ont toutes des indications plus ou moins palliatives.
In fine, si le traitement médical est assez limité, il doit cependant être tenté car les interventions pour hallux valgus ne sont pas exemptes d'aléas, même si le traitement chirurgical a fait de grands progrès.
(1) Président d'honneur de la Société française de médecine et chirurgie du pied, directeur de rédaction de la revue « Médecine et chirurgie du pied ».
(2) Ex-directeur d'enseignement de la podologie à l'université René-Descartes (Paris-V). Président d'honneur de la Société française de médecine et chirurgie du pied.
(3) Directeur technique des établissements Ledos (Paris).
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