De notre correspondante
à New York
ON SAIT QUE la phase chronique de l'infection par le VIH est caractérisée par une disparition progressive, généralement lente, des lymphocytes T CD4+ (cellules T helper), aussi bien de type naïf (non spécifiques) que de type mémoire (spécifiques d'un antigène et d'un microbe précédemment rencontré).
Pour ce qui est de la phase aiguë, la perte des cellules T CD4+ dans la circulation sanguine est considérée comme modeste et transitoire.
Des études récentes ont toutefois révélé que les infections aiguës par le VIH et le VIS (virus de l'immunodéficience simiesque) sont accompagnées d'une disparition considérable des cellules T CD4+ mémoire dans les tissus muqueux. Mais quel est le mécanisme responsable de cette déplétion précoce des cellules T CD4+ mémoire ? Deux équipes, dirigées par le Dr Mario Roederer (Niaid, NIH, Bethesda) et le Dr Ashley Haase (université du Minnesota, Minneapolis), éclaircissent cette question. Leurs études réalisées chez le macaque démontrent que le virus VIS infecte et détruit de façon massive les cellules T CD4+ mémoire.
Matapallil, Roederer et coll. ont examiné au cours du temps l'effet de l'infection par le VIS (inoculé par voie intraveineuse) sur les sous-groupes de cellules T (naïf et mémoire) présents dans le sang, le ganglion inguinal, les ganglions associés à la muqueuse et le tissu muqueux. Ils ont comparé les taux trouvés avec les valeurs observées avant l'infection.
« Nous avons découvert que l'infection par le VIS aiguë s'accompagne d'un taux étonnamment élevé d'infection et de destruction consécutive des cellules T CD4+ mémoire dans un large spectre de tissus de l'hôte », déclarent les chercheurs.
De 24 à 48 % des CD4 mémoire éliminés entre le 10e et le 14e jour.
A la lumière de leurs résultats, 30 à 60 % des cellules T CD4+ mémoire distribuées dans tout l'organisme sont infectées par le VIS au moment de la virémie maximale, dix jours après l'infection. Ce taux élevé d'infection ne dure que quelques jours. En effet, dans les quatre jours suivant le pic de la virémie, 80 % des cellules infectées sont éliminées. Ainsi donc, 24 à 48 % des cellules T CD4+ mémoire sont éliminées entre le dixième et le quatorzième jour après l'infection ; après quoi, la perte se poursuit mais plus lentement.
« Il existe une perte considérable des cellules T CD4+ mémoire non seulement dans les tissus muqueux (où réside la majorité des cellules T CD4+) mais aussi dans les ganglions organisés et le sang périphérique », soulignent les chercheurs. « Il est clair qu'un objectif central des vaccins (ou des interventions pharmacologiques précoces) doit être de prévenir cette destruction massive du compartiment CD4+ mémoire en atténuant la charge virale cellulaire au moment du pic », concluent-ils.
Le tissu lymphatique intestinal après contamination par voie vaginale.
Li, Haase et coll. ont étudié l'effet de l'infection par le VIS (inoculé par voie vaginale) en se concentrant, quant à eux, sur le tissu lymphatique associé à l'intestin, lequel représente 60 % du système lymphoïde secondaire.
Ils montrent que le pic de production virale dans le tissu intestinal coïncide avec le nombre maximal de cellules T CD4+ mémoire infectées. Les premières cellules mémoire infectées ne sont pas des cellules activées mais des cellules « au repos » , capables toutefois de permettre une réplication virale. Cette production virale induit une activation immune, qui fournit des cellules T CD4+ activées pour soutenir l'infection ; elle déclenche également une voie apoptotique Fas dans les cellules T CD4+ qui conduit à leur destruction.
« Par conséquent, le VIS exploite une vaste population de cellules T CD4+ mémoire qui réside dans le tissu lymphatique associé à l'intestin, afin de produire des taux maximaux de virus qui directement (par infection lytique) et indirectement (par apoptose des cellules infectées et non infectées) éliminent les cellules T CD4+ dans le bras effecteur du tissu lymphatique associé a l'intestin », déclarent les chercheurs.
« L'étendue et la rapidité de la déplétion des cellules T CD4+ dans ce tissu lymphatique majeur au cours des infections VIS et VIH sont, à notre avis, une raison majeure de s'attacher à développer des contre-mesures pour attaquer ces virus au moment de la transmission ou peu après, en particulier dans les tissus cervico-vaginaux qui représentent la porte d'entrée globalement prédominante du VIH1 », concluent ces auteurs.
« Nature », 28 mars 2005, http://www.nature.com/nature,
DOI : 10.1038/nature03501, DOI : 10.1038/nature03513).
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