DEPUIS le dernier élargissement de 2004, l'Union européenne compte en son sein un certain nombre de « Peco » (pays d'Europe centrale et orientale) : la Hongrie, la Pologne, la République tchèque, la Slovénie, la Lettonie, la Lituanie et la Slovaquie. Autant de nations qui disposent souvent d'une industrie pharmaceutique dynamique, bien qu'elle soit fortement spécialisée dans la copie générique de médicaments.
A la suite de la chute de l'Union soviétique et de la fin de sa domination sur cet ensemble de pays, l'industrie pharmaceutique de pays du Peco a été presque totalement privatisée, et les grands groupes occidentaux ont souvent pris des parts importantes dans leur capital, quand ils n'ont pas absorbé purement et simplement ces laboratoires pharmaceutiques. En République tchèque, par exemple, le Laboratoire Leciva, qui contrôle 14 % du marché intérieur, a été racheté par un investisseur américain. Même chose pour son concurrent Galena, racheté par des fonds américains. Un troisième groupe tchèque a été racheté par un laboratoire pharmaceutique croate. Seule exception à ce phénomène de privatisation-rachat par l'étranger : la Pologne, où un laboratoire pharmaceutique seulement a été racheté par des capitaux étrangers, alors que deux autres, qui réalisent près de 40 % de leur chiffre d'affaires à l'export, restent des entreprises publiques.
Malgré tout, quelques laboratoires sont restés aux mains de capitaux nationaux après leur privatisation, comme le hongrois GedeonRichter (numéro un dans son pays) ou le slovène Lek. Des laboratoires qui doivent leur survie à leur adéquation à un marché local caractérisé par le faible coût d'achat des médicaments.
L'industrie pharmaceutique des pays entrants de la zone Peco est caractérisée par une production essentiellement tournée vers le médicament générique pour des raisons historiques autant qu'économiques : le très faible investissement qu'ils supposent en recherche & développement (R&D) permettait d'obtenir un prix public abordable dans des pays caractérisés par un faible pouvoir d'achat.
Depuis leur intégration à l'Union européenne, ces Peco, qui réalisent déjà la majeure partie de leurs exportations vers les pays de la CEI (Communauté des Etats indépendants, pays issus de l'éclatement de l'Union soviétique), souhaitent naturellement se tourner vers l'Ouest pour augmenter leurs exportations. Un pari tentant et facile dans la mesure où ces médicaments génériques, fabriqués par une main-d'œuvre qualifiée, mais bon marché, et n'ayant pas nécessité d'investissements en matière de R&D, peuvent ainsi arriver sur le marché européen à des prix très attrayants. Mais l'Union européenne, peu pressée de voir le marché du médicament envahi par des importations parallèles, a mis en place des systèmes de protection. En 2003, Jean-François Dehecq, alors patron de Sanofi-Synthelabo, stigmatisait déjà ce « commerce parallèle juteux » qui ne bénéficie à personne, sauf aux exportateurs, « qui se contentent souvent de réemballer et de réétiqueter ». A juste titre, si l'on en croit les chiffres de ces importations parallèles (qui ne sont pas illégales) : au Royaume-Uni, 17 % des ventes de médicaments proviendraient du commerce parallèle, et, plus généralement, 5 % du marché européen du médicament serait approvisionné par ce moyen.
Le mécanisme mis en place est simple et concerne le droit des brevets : il prévoit qu'un médicament disposant d'un brevet dans l'Europe des quinze (l'Europe actuelle moins les dix derniers entrants), mais qui n'est pas breveté dans les nouveaux pays entrants, ne peut, après son introduction dans ces pays nouvellement adhérents, être réimporté vers le reste de l'Union européenne tant que son brevet n'est pas tombé dans le domaine public. Ainsi se trouve préservé l'accès de ces pays aux médicaments innovants, sans qu'il leur soit possible d'inonder le marché européen de médicaments génériques fabriqués à faible coût.
Réunion jeudi sur l'Europe et la santé
Le mensuel « Décision Santé » organise jeudi 26 mai, de 8 h 30 à 10 h, à l'Institut d'études politiques, 27, rue Saint-Guillaume, 75007 Paris (amphithéâtre Boutmy), une réunion publique consacrée à l'Europe, la Constitution et la santé.
Avec la participation de Simone Veil, Philippe Douste-Blazy, Bernard Kouchner, Jean-Marie Le Guen, Claude Pigement et Philippe Moreau-Desfarges.
Le débat sera animé par Pascal Maurel et Jean-Jacques Zambrowski.
Entrée libre.
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