OUI, LE DOSSIER médical personnel (DMP) sera «rentable» en vitesse de croisière, affirme l’étude du cabinet de consultants international Bearing Point, qui vient d’être publiée par le groupement d’intérêt public chargé de son déploiement (GIP-DMP). Fruit de quatre mois de travaux à partir de données françaises et de sept expériences étrangères, l’étude de Bearing Point sur «le modèle économique du DMP» se révèle très optimiste (« le Quotidien » des 22 et 23 novembre). Elle estime que le coût global de cet outil, de l’ordre de «300millions d’euros» annuels pendant les cinq premières années, sera largement compensé par les économies d’ «au moins un milliard d’euros» attendues chaque année au terme de sa généralisation.
Dans le détail, le DMP nécessiterait un budget évalué «entre 1,2 et 1,5milliard d’euros» en cumulé sur cinq ans, sachant qu’il «s’inscrit dans un budget global de systèmes d’information de santé de 2,3 milliards», précise le GIP-DMP. Soixante-cinq pour cent du budget DMP serait à la charge du GIP, financé par des fonds publics (à hauteur de 120 millions d’euros en 2007), tandis que l’assurance-maladie participerait à hauteur de 35 % (plates-formes d’assistance téléphonique, aides aux professionnels de santé...). Selon l’étude, le plus gros poste de dépenses concernerait l’accompagnement des acteurs au changement (27 % du coût total), devant l’adaptation des logiciels des professionnels et des établissements de santé (18 %).
Retour sur investissement de 3 à 5 ans.
L’étude de Bearing Point majore donc de 20 à 50 % la première estimation du coût du DMP faite par le ministre de la Santé ( «environ un milliard d’euros sur cinq ans»). Mais elle dément aussi l’idée d’un gouffre financier, fondée sur l’exemple anglais. Contrairement à d’autres pays, l’étude de Bearing Point explique en effet que la France ne part pas de rien en matière d’informatisation (cartes de professionnels de santé ou CPS, Vitale, réseaux...).
Quant aux gains potentiels liés au DMP, ils sont de deux types et n’atteignent pas les «3,5milliards d’euros d’économies annuelles» envisagées dans le bouclage financier de la réforme Douste-Blazy de 2004. Les gains directs (accidents iatrogènes, examens et prescriptions redondants évités grâce au DMP) sont estimés entre «750 et 1350millions d’euros», et tourneraient «raisonnablement» autour de «911millions d’euros» par anen vitesse de croisière (voir tableau ci-contre). A ces économies devrait s’ajouter l’impact qualitatif du DMP, puisque ce dernier aura «un rôle incitateur, structurant et normatif» et modifiera les comportements de manière plus générale. Cet effet d’entraînement vertueux sur l’organisation du système de santé français serait susceptible d’apporter, là encore, «environ unmilliard d’euros» d’économies.
Pour Bearing Point, il n’y a donc pas photo sur la rentabilité du projet DMP, quel que soit le scénario retenu. Même son scénario «catastrophe», caractérisé par divers retards et notamment «un climat de défiance, de résistance au changement» et l’obligation d’une double saisie par les professionnels, prévoit «un retour sur investissement de 4 à 9 ans». Toutefois, ce scénario se solderait par «un échec» puisque, selon les calculs de l’étude, seulement «42% de la population aurait un dossier actif au bout de dix ans», dans ce cas de figure.
Dans les meilleurs des cas (scénario bénéficiant d’un «contexte favorable» ou troisième scénario dit «raisonnable»), le retour sur investissement serait acquis au bout de «3 à 5 ans», selon l’étude présentée par le GIP-DMP.
Il reste que les consultants commandités par le GIP lui fixent une feuille de route exigeante. Pour Bearing Point, il y a toute une série de «leviers» clés à mettre en oeuvre afin de «favoriser l’adhésion» au DMP et d’accélérer sa montée en charge : communication, formation et accompagnement du changement, interopérabilité des outils (qui n’est pas acquise à ce jour), connexion rapide aux outils et accessibilité, etc. Le degré de richesse du DMP entrera aussi en ligne de compte. «Le DMP va jouer un rôle moteur vis-à-vis de projets connexes comme le dossier pharmaceutique, l’historique de remboursement de l’assurance-maladie [ou “web médecin”, ndlr] et les plates-formes de réseaux, explique Patrick Saussay, chef du projet chez Bearing Point. Si tous ces projets ne réussissent pas, le DMP sera vide.»
De même, le GIP-DMP devra se montrer «vigilant», prévient l’étude, sur l’assistance téléphonique, les contrats sur support papier (en raison de leur coût unitaire de 10 euros), et enfin la sécurité, car ces trois points peuvent modifier substantiellement les coûts.
La boulette de Santénergie.
«Le papier, cela plombe la montée en charge, a confirmé Jacques Sauret, directeur du GIP-DMP. Dans la phase de généralisation, il y aura zéro papier pour l’ouverture des DMP.» Par ailleurs le GIP-DMP évitera «l’accès Web» des praticiens au DMP, au profit d’un accès «via le logiciel métier, sans double saisie». Jacques Sauret est aussi convaincu que «le succès du DMP dépendra de la confiance» qui lui est accordée, et donc des garanties de sécurité. Or, si l’accès au DMP par les professionnels est sécurisé par les cartes CPS, l’accès au dossier du côté des patients peut laisser à désirer, comme l’a montré «l’énorme boulette» de Santénergie, l’un des six hébergeurs sélectionnés pour les expérimentations menées jusqu’au 31 décembre. Alerté par des médecins généralistes sur une faille de sécurité de Santénergie, le GIP-DMP a demandé à l’hébergeur de fermer sans délai son portail accessible aux quelque 3 000 patients concernés (« le Quotidien » d’hier). Depuis, le GIP a lancé chez Santénergie un audit de «conformité à la procédure de sécurité» prévue dans le cadre des expérimentations.
Le GIP-DMP «tirera les leçons» du faux pas de cet hébergeur, mais il veillera quand même à «concilier sécurité et ergonomie» pour ne pas dissuader les patients d’aller consulter en ligne le futur DMP.
Principaux potentiels de gains directs (en millions deuros) | |||
AXE DE GAINS | HYPOTHÈSE BASSE | HYPOTHÈSE HAUTE | |
Événements indésirables graves | 461 | 608 | Éléments de coûts confirmés par la Haute Autorité de santé |
Indemnités journalières | 1 | 15 | |
Consultations de contrôle | 2 | 2 | |
Coût total Événements indésirables graves | 464 | 625 | |
Redondance Imagerie médicale | 87 | 134 | Évaluations approximatives en fonction dexpériences étrangères |
Redondance Examens biologiques | 125 | 192 | |
Redondance Prescriptions | 74 | 405 | |
Total Redondances | 286 | 731 | |
Total potentiel de gains | 750 | 1 356 |
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