COMPOSÉ d’après « la Vie de Bohème », d’Henry Murger, c’est l’un des opéras les plus nostalgiques du répertoire et Puccini a tout mis en oeuvre pour toucher au coeur son public. Et il réussit ! Surtout quand les interprètes sont de la trempe de ceux réunis par Herbert von Karajan et Franco Zeffirelli à la Scala de Milan en 1965 : Gianni Raimondi, la plus belle voix pour Rodolfo en ces années, et Mirella Freni, de toute première jeunesse, fragile, vulnérable Mimi, si frêle malgré une santé vocale indéniable. Toute l’équipe est magnifique (avec Rolando Panerai en Marcello). Pour ceux qui aiment le réalisme de « la Bohème » – et comme ils ont raison – avec une mansarde bien authentique, un café Momus grouillant de figurants, la Barrière d’Enfer sous la neige, aucune hésitation ! Cette Bohème est pour eux (1).
La mise en scène de John Copley pour le Covent Garden de Londres en 1982 respecte aussi la tradition à la lettre avec, cependant, une curieuse petite touche anglaise dans les costumes. Ileana Cotrubas, l’une des meilleures Mimi de l’époque, réussit à émouvoir sans exagération. Neil Shicoff est un Rodolphe sobre et touchant. Lamberto Gardelli dirige le tout en expert (2).
Filmée au San Francisco Opera en 1988, la mise en scène de Francesca Zambello est beaucoup plus convenue, mais également tout à fait orthodoxe. Ce sont Mirella Freni (vingt-trois ans après Milan) et Luciano Pavarotti, assez avancés dans leur carrière, qui sont les jeunes amoureux, celle-ci toujours touchante, celui-ci toujours aussi piètre acteur, mais encore très en forme vocalement. Parmi les seconds rôles, rien moins que Gino Quilico (Marcello), Nicolaï Ghiaurov (Colline), Italo Tajo (Benoît)… Direction de Tiztiano Severini, irréprochable. Une version indispensable pour ses deux monstres sacrés (3).
Monstres sacrés.
Pour Luciano Pavarotti dans ses meilleures années avec, face à lui, la merveilleuse Renata Scotto, elle dans sa maturité, la première retransmission télévisée d’opéra en direct du Metropolitan Opera le 15 mars 1977, avec ses excellentes interviews pendant les entractes, est le must absolu. On pardonnera une fois de plus à Big Luciano ses invraisemblables moumoutes tant il est touchant en amoureux transit. Les comprimari sont aussi à la hauteur avec Ingvar Wixell, Paul Plishka, Italo Tajo… La production empruntée à Chicago, qui se situait historiquement entre celles de Joseph L. Mankiewicz (1952) et Franco Zeffirelli (1981), est d’une banalité affligeante. James Levine, alors jeune directeur artistique du Met, dirige avec un volume adapté à cette grande salle mais une musicalité exemplaire. L’image est tout à fait moyenne et décevante aux standards d’aujourd’hui. Mais, pour ces deux immenses protagonistes… (4).
Enfin, vient de paraître chez Capriccio une représentation du festival de Bregenz 2002 qui, scéniquement, est peut-être un exploit – car il n’est jamais facile d’évoquer l’atmosphère d’une mansarde ou d’une barrière parisienne sur une scène flottant sur un lac –, mais qui n’est pas du meilleur goût. On a l’impression d’une grande pizza sur laquelle trône un énorme cendrier jaune Ricard et quelques chaises. L’intérêt en est le Rodolfo du ténor mexicain Rolando Villazón qui en était aux tout débuts de sa carrière européenne. Pas encore affecté des quelques tics de cabotinage qu’il laisse paraître aujourd’hui, sans parler d’une fatigue vocale qui pointe, conséquence inévitable d’une hyperactivité mal contrôlée, il est d’une fraîcheur et d’une force d’émotion exceptionnelles. Quelle tristesse, s’agissant d’un chanteur si jeune, d’être obligé d’utiliser cette désignation, mais c’est bien du jeune Villazón dont il faut parler et pour cela thésauriser ce DVD (5). Les partenaires, tous jeunes aussi – parmi lesquels on retrouve avec plaisir le baryton français Ludovic Tézier dans le rôle de Marcello –, sont à la hauteur.
(1) 1 DVD Deutsche Grammophon/ Universal (série Unitel).
(2) 1 DVD NVC Arts (distribution Warner Music Vision).
(3) 1 DVD 1 DVD Arthaus (distribution Intégral).
(4) 1 DVD Deutsche Grammophon/ Universal (série The Metropolitan Opera).
5) 1 DVD Capriccio (distribution Delta music).
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