À Paris, au Musée d’Orsay, Jean-Léon Gérôme

Du grand spectacle

Publié le 05/11/2010
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L’ILLUSION est parfaite. À chaque tableau. L’aptitude à « faire vrai » de Jean-Léon Gérôme est stupéfiante. On qualifia le peintre d’obsessionnel, tant sa volonté de représenter la réalité dans sa plus grande vérité fut constante. Si l’on ne craignait pas d’être anachronique, à regarder les toiles de Gérôme, qui fut l’élève de Paul Delaroche et l’un des héritiers les plus tenaces de la tradition classique, on parlerait presque d’hyperréalisme.

Proclamé chef de file de la nouvelle école des Néo-Grecs (notamment pour sa toile « le Combat de coqs », exposée au salon de 1847), Gérôme manifesta dès ses plus jeunes années un goût prononcé pour l’Antique. Dans ses toiles, il retranscrivit la théâtralité de certaines scènes historiques contemporaines de son époque (« Réception du Grand Condé à Versailles », 1878, « l’Exécution du Maréchal Ney », 1867, « Audience des ambassadeurs de Siam à Fontainebleau », 1864, « la République », 1848), avec force détails, et marquant un goût prononcé pour la narration. Les grands épisodes de l’histoire gréco-romaine l’inspirèrent également (« la Mort de César », 1859-1867, « Pollice Verso », 1872, « le Roi Candaule », 1859…). Il n’est pas étonnant que le sens aigu de la composition dont fit preuve Gérôme ait tant influencé les cinéastes du XXe et du XXIe siècles, dans leurs péplums (de « Ben-Hur », de William Wyler, en 1959, à « Gladiator », de Ridley Scott, en 2000).

Le souci d’exactitude du peintre le conduisit à renforcer l’expressivité de ses modèles en y ajoutant une profondeur psychologique. Il exalta les parures, les étoffes, les matières et les couleurs. Ces dernières sont très majestueuses, énergiques et hardies. Les figures et les tempéraments qu’il représenta s’expriment généreusement, qu’ils se montrent héroïques, rêveurs ou gracieux (« Tête de femme italienne », 1843-1844, « Portrait de Rachel », 1859).

Dans ses sujets « orientalisants », Gérôme fit également preuve d’une très grande minutie pour exprimer la véracité de ce qu’il voyait. On est loin ici de l’Orient fantasmé des peintres de la génération précédente, qui rêvèrent le Levant plus qu’ils ne s’y confrontèrent. Pour s’accorder le plus fidèlement possible à la réalité, Gérôme se documenta, voyagea fréquemment, et se servit des images que ses amis photographes lui rapportaient d’Égypte, de Turquie…

Tout dans la peinture de Gérôme est d’une « modernité paradoxale », pour reprendre l’expression de Laurence Des Cars, dans le récent « Découvertes Gallimard » consacré au peintre*.

Musée d’Orsay, 7e. Tlj sauf lundi, de 9 h 30 à 18 heures (fermeture des caisses à 17 heures), jeudi jusqu’à 21 h 45. Jusqu’au 23 janvier 2011. Catalogue de l’exposition, coédition Musée d’Orsay/Éditions Skira-Flammarion, 384 p., 49 euros.

* Découvertes Gallimard, Hors Série, « Gérôme, de la peinture à l’image », de Laurence Des Cars, 48 p., 8,40 euros.

DAPHNÉ TESSON

Source : Le Quotidien du Médecin: 8851