Savoir où en sont les autres pour évaluer où on en est réellement en France en matière de télésanté. Tel est le fondement de l’enquête sur l’état d’avancement de la télémédecine et la télésanté conduite par l’Asip et la FIEEC dans différents pays européens. L’objectif étant d’identifier les facteurs de succès de ces réalisations.
Organisée en trois phases et sous la vigilance d’un comité de pilotage mixte (assurance maladie, industriels, professionnels de santé), cette enquête a porté sur neuf pays, parmi lesquels l’Allemagne, les États-Unis, la Suède, le Danemark, etc. Sur cette base, des missions d’études ont été organisées dans six de ces États. Au total, dix expériences ont été passées au crible, sur site. Elles représentent quatre domaines prioritaires pour le déploiement de la télésanté en France : coopération hospitalière et filières de soins, autonomie des personnes, Pacs et télésurveillance de maladies chroniques.
En Norvège, le groupe de travail a visité l’hôpital de Troms qui utilise une application de télédialyse depuis 2002. Sa vocation : enregistrer les informations sur les patients, faciliter l’échange de données et les visioconférences entre professionnels de santé et régler les paramètres de l’équipement de dialyse. Pilotée par l’hôpital universitaire de Troms, cette application est exploitée à une échelle régionale. En Allemagne, le réseau Tempis a également été exploré. Destinée à la gestion des AVC en urgence, cette structure créée en 2002 met en commun 120 hôpitaux, tous équipés de postes de travail dédiés aux transactions. L’objectif de cette infrastructure est de prendre en charge à distance des patients dans le périmètre du sud de la Bavière. Elle est pilotée par le centre d’expertise en neurologie de l’hôpital de Harlaching (Munich). Et est déjà venue en aide à 3 500 patients.
En Hollande, c'est une interface Web qui a été mise à la disposition des patients et professionnels de santé dans le cadre du projet Portiva. Ce dernier vise à enregistrer et consulter les données médicales du patient suivi. Ampleur du déploiement : national. Nombre de diabétiques contrôlés : 10 000. Et 15 000 pour les patients atteints de thrombose.
Gain de temps important
Toujours en Hollande, l’application Ksyos a pu voir le jour. Il s’agit d’une solution Web destinée à gérer les données médicales de téléconsultation. Lancée en 2001, elle est exploitée au niveau national. Et fait l’économie du déplacement du patient chez le médecin spécialiste tout en contribuant à réduire le temps de réponse du professionnel de santé. Dans le parcours de soin traditionnel, il faut parfois une semaine ; avec cet outil, l’indicateur revient à près d’une heure.
Le volume de praticiens répertoriés est important : 3 000 médecins généralistes, 400 dermatologues et 500 autres spécialistes. Tout particulièrement, en dermatologie, 45 000 téléconsultations ont été effectuées depuis 2006.
L’analyse de ces différents cas des enseignements intéressants est capitalisable en France. Des priorités sont prises en compte, en fonction de la géographie du pays concerné ; des schémas d’organisation de la stratégie de télésanté sont mis en œuvre de façon centralisée et gérée par l’État, sous la vigilance d’un gouvernement local et relayée par les autorités sanitaires locales. Quant aux infrastructures télécoms, elles reposent sur l’utilisation de standards (cellulaires, GSM, ADSL), quand ceux-ci sont adaptés au besoin du moment. En revanche, les infrastructures nationales ne sont pas toujours utilisées. Pour Jean-Yves Robin, le principal enseignement est précis : « Une stratégie de long terme qui associe les acteurs concernés est nécessaire. » Et de détailler : « Nous devons instaurer un pilotage national de la télémédecine et de la télésanté, l’objectif final étant de coordonner l’ensemble des acteurs privés et publics intervenant dans ce domaine. Les projets en la matière doivent répondre aux besoins des patients et des professionnels de santé. À cette fin, ils doivent être évalués et valorisés, afin d’encourager les financements. » Le dernier mot reviendra à Joël Karecki, vice président de la FIEEC et président de Philips France & Maghreb : « La France n’est pas en retard ; elle doit toutefois se mobiliser autour de son potentiel industriel. » Comment ? « En engageant une réflexion profonde sur la politique industrielle de la télémédecine. Celle-ci doit être conduite entre opérateurs privés et publics. Les investissements tant humains que financiers doivent s’inscrire dans une logique de moyen terme. Enfin, la synergie entre pouvoirs publics et industriels doit se renforcer pour garantir le développement d’infrastructures et technologies interopérables. »
Une attente des patients trop longue
Pertinentes, ces remarques sont marquées du sceau du bon sens. Seul problème, à force de les répéter sans les concrétiser, elles finiront par s’user. Du reste, la France n’est certes pas en retard par rapport à ses alter ego européens qui avancent, disons-le de manière coordonnée. Elle l’est indubitablement, si le critère de jugement est l’attente des patients. De ce point de vue-là, il est urgent de passer à l’opérationnel.
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