L’équipe de France en finale du Mondial

En coulisse, la réussite de l’encadrement médical

Publié le 11/07/2006
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La sortie de Zidane

«Je connais très bien Zidane, confie le Dr Jean-Marcel Ferret, qui était le médecin de l’équipe de France aux jours de gloire de 1998 comme aux heures sombres de 2002 et 2004. C’est un impulsif qui ne pouvait que céder à la provocation.»

Le vilain coup de tête du capitaine de l’équipe de France sur Materazzi, en l’absence d’un geste litigieux, «a certainement fait suite à une insulte particulièrement blessante», estime le Dr Jacques Liénard. Les médecins auraient-ils pu aider Zidane à ne pas tomber dans le piège tendu par les Italiens ? «C’est une question de préparation mentale en effet, opine encore le Dr Liénard, et il faudrait engager toute une réflexion à son sujet.» Mais, constate le Dr Ferret, «il ne faut pas s’étonner que, après cent minutes d’un match aussi disputé et un mois d’une compétition très éprouvante, dans une atmosphère surchauffée à tous points de vue, la sensibilité finisse par prendre le dessus».

L’âge des joueurs

Avant le début du Mondial, on avait énormément glosé sur l’âge du capitaine et sur celui de plusieurs joueurs (« le Quotidien » du 13 juin) ; «Ces commentaires qui disaient que les Bleus étaient des vieux m’ont toujours fait rire, réagit le Pr Rochcongar. Pour ma part, je n’ai jamais pensé qu’un joueur pouvait s’apprécier uniquement selon sa date de naissance. En fait, on s’est rendu compte que l’expérience de la compétition de haut niveau était à porter au bénéfice de l’âge.»

«Alors que la générosité poussait un jeune comme Ribéry jusqu’à l’épuisement, des seniors comme Thuram et Makelele ont crevé l’écran, relève le Dr Liénard. C’est vrai dans d’autres équipes comme celle du Portugal, avec un joueur pivot, Figo, qui a l’âge de Zidane.»

La préparation physique

«A la différence de ce qui s’était passé lors du Mondial 2002, en Corée et au Japon, la Fifa (Fédération internationale) avait ajusté les calendriers pour laisser le temps d’une très bonne préparation physique», se félicite le Pr Rochcongar. «Peut-être pourrait-on faire mieux en 2010, avec une semaine ou dix jours supplémentaires», se demande le Dr Liénard. Quoi qu’il en soit, «les conditions de départ ont été médicalement excellentes, souligne le Dr Ferret, la totalité des joueurs ayant pu être présents dès le stage en altitude, à Tignes».

«Le rôle du préparateur physique Robert Duverne a été salué à juste titre, remarque l’ancien médecin des Bleus ; contrairement à ce qui fut observé pour les précédentes compétitions, il a su animer les séances de travail en stimulant les joueurs à 120% de leurs capacités, sans jamais être gêné par le fait qu’il s’agissait de stars.» «Cette animation s’inscrit dans le travail de l’ensemble du staff, où le médecin, Jean-Pierre Paclet, et les trois kinés jouent un rôle clé, souligne le Dr Liénard, ces derniers passant le plus de temps avec les joueurs dont ils deviennent les confidents.»

La montée en puissance des Bleus

Elle fut «l’événement de ce Mondial, le public français ne donnant tout d’abord aucune chance à son équipe», rappelle le Dr Liénard, en constatant que «tout a basculé lors du match contre l’Espagne. Très lents dans un premier temps, les Bleus se sont hissés au sommet, probablement grâce à une remarquable préparation physique, mais aussi parce qu’ils ont renoué avec l’esprit d’équipe de 1998, cet extraordinaire engouement qui a opéré, y compris parmi le public».

«Quelque chose de mystérieux a fait déclic, remarque le Dr Ferret , le groupe, emporté par les valeurs de solidarité et d’enthousiasme, s’est tout à coup pris en main, détrompant tous les pronostics du début.»

La (non-) communication médicale

«A la différence des précédentes compétitions, un aggiornamento de la communication s’est produit, note le Pr Rochcongar, aux termes duquel la communication de l’ensemble du staff a été monopolisée par l’entraîneur, si bien que le staff médical a été cantonné dans l’ombre, médecin et kinés, travaillant dur dans l’abnégation.»

Les médias ont d’autant moins parlé d’eux qu’ils polarisaient sur Robert Duverne. «C’est logique, explique le Dr Franck Le Gall, eu égard au fait que, à la différence des précédents Mondiaux, c’est lui et non plus le médecin qui était chargé de la préparation des athlètes.»«De toutes manières, souligne le Dr Liénard, le médecin et le sélectionneur national sont évidemment très proches. C’est le premier qui dit au second quel joueur est en état ou non. Entre les deux, c’est un tandem.»

Le contrôle antidopage

Lundi, la Fifa n’avait pas rendu publics les résultats des analyses sur les prélèvements urinaires effectués sur deux joueurs par équipe, à l’issue de chaque match, signe qu’ils sont négatifs, selon le Dr Liénard, qui «espère que, en Afrique du Sud, en 2010, des prélèvements sanguins seront effectués pour compléter les contrôles.»

Le verdict

«Compte tenu du niveau de départ, on ne saurait parler d’une défaite», estime le Dr Liénard. «Avec le rapport de force en deuxième mi-temps, les Bleus auraient quand même dû gagner», se désole le Dr Le Gall. Comme la plupart des Français, les médecins du foot ne cachent pas que la soirée de dimanche leur fut cruelle.

> CHRISTIAN DELAHAYE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7994