Vaccination dans le monde

Entre pessimisme et espoir

Publié le 05/06/2006
Article réservé aux abonnés
1276203003F_Img233236.jpg

1276203003F_Img233236.jpg

«SOMMES-NOUS prêts à vacciner la planète?», interrogent les auteurs des « Sentinelles de la vie », Jean-Jacques Bertrand, membre de la Gavi (Global Alliance for Vaccination and Immunization), qui a dirigé pendant dix ans le leader mondial de l’industrie du vaccin, Pierre Saliou, professeur d’épidémiologie spécialiste de vaccinologie, et Bernard Seytre, journaliste. «Malgré une efficacité inégalée dans la lutte contre les maladies infectieuses, malgré un coût dérisoire comparé à celui des traitements évités, malgré un palmarèsétonnant de réussites, le parcours de la vaccination est étrangement semé d’obstacles», déplorent-ils : échecs des grandes opérations de vaccination dans les pays en développement, attaques inexpliquées contre le vaccin antihépatite B (phénomène français !), etc. La vaccination est parfois mal perçue en raison du paradoxe que représente cet acte intrusif sur l’individu réalisé pour le bien de la collectivité, d’où l’importance de savoir convaincre les populations.

Ils s’inquiètent des nouvelles menaces infectieuses : maladies émergentes (sras, chikungunya, sida), pandémie de grippe aviaire, bioterrorisme..., impliquant une action (recherche et distribution) dans des délais brefs.

Au siècle dernier, rappellent les auteurs, les progrès de l’hygiène et l’essor des vaccins ont largement contribué à la baisse de la mortalité infantile et à l’augmentation de l’espérance de vie. La vaccination, on l’oublie parfois, est le seul moyen de lutter contre certaines infections : variole, poliomyélite, fièvre jaune, rougeole, coqueluche, diphtérie, rubéole, tétanos.

Une recherche active.

La recherche en vaccinologie est active : amélioration des produits existants, associations (type rougeole et fièvre jaune pour le programme de vaccination élargie), administration de microsphères à libération retardée (trois doses vaccinales plus celle de rappel dans une même injection), voie orale, nasale, transcutanée, etc.

De nouveaux vaccins arrivent : rotavirus, zona, méningocoque, papillomavirus. D’autres sont en développement : paludisme, dengue, sida, nouveau vaccin contre la tuberculose.

La production des vaccins, coûteuse et risquée, est assurée, pour les vaccins traditionnels, par les producteurs locaux dont le nombre a considérablement diminué, d’où une sous-production chronique, et, pour les vaccins récents plus rentables, par un petit nombre de fabricants mondiaux regroupés et souvent désengagés de la production de vaccins traditionnels.

La vaccination universelle contre six maladies (polio, diphtérie, coqueluche, tétanos, hépatite B, Hib, rougeole) reste le grand défi ; elle représente pourtant une des interventions les moins chères (3 % du coût des mesures préconisées) pour entraîner, selon le voeu de l’OMS, un niveau suffisant de prévention et de traitements dans les pays en développement. On pourrait vacciner tous les enfants du monde avec le budget d’une semaine de guerre en Irak !

En 1999, il devenait nécessaire d’envisager des programmes plus complets de vaccination dans les pays en développement, d’où la création de la Gavi ; il fallait penser vaccinologie, pas seulement vaccin, car, selon le souhait de Charles Mérieux, «l’acte vaccinal ne doit plus être isolé mais associé à des considérations techniques, médicales, économiques, morales et politiques dans le respect de la bioéthique». La Gavi a plusieurs objectifs : financement d’infrastructures, formation de personnel, seringue à usage unique, administration de vaccins peu utilisés. En 2005, 90 millions supplémentaires d’enfants ont été vaccinés contre l’hépatite B, 14 millions contre le Hib, 14 millions contre la fièvre jaune, 13 millions ont reçu les vaccins de routine DT coq.

Pour la vaccination contre la grippe aviaire, Etats-Unis et Europe ne sont pas logés à la même enseigne, avec un avantage pour les premiers, car, selon les auteurs, «l’Europe a davantage de moyens pour défendre le lait de ses vaches que la santé de ses habitants», les traités ayant toujours fait de la santé un privilège des Etats. La France, où des essais cliniques avec le nouveau vaccin ont commencé en 2005, s’est engagée pour sa part à l’achat de plusieurs millions de doses des vaccins, prototypes et pandémiques.

« Les Sentinelles de la vie – Le Monde des vaccins », Jean-Jacques Bertrand, Pr Pierre Saliou, Albin Michel, 224 pages,15 euros.

> Dr JANINE DEFRANCE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7972