LA BITHERAPIE – aspirine et antiagrégant plaquettaire – a constitué une avancée majeure dans la prise en charge des patients coronariens pour diminuer la morbimortalité et pour permettre l’avènement de la revascularisation percutanée par stenting. Les deux principaux axes de son développement portent sur l’amélioration de son efficacité et la gestion de son arrêt.
« Si le clopidogrel a permis le développement très large de l’angioplastie coronaire et joue donc un rôle essentiel, il est apparu récemment que certains patients répondaient de façon insuffisante à ce médicament, pour des raisons intrinsèques (diabète, par exemple) et pour des raisons extrinsèques (prise concomittante d’autres médicaments). Or ces "mauvais répondeurs" présentent davantage d’événements secondaires coronariens. La question d’individualiser le traitement ou d’avoir accès à de nouveaux antagonistes des récepteurs P2Y12 plaquettaires à l’ADP, s’est donc posée », souligne le Dr Laurent Bonello.
Comment optimiser l’efficacité ?
Faut-il aller vers plus d’individualisation pour les patients mauvais répondeurs ? « Aujourd’hui, nous sommes capables de mesurer par des tests, comme le VASP ou le VerifyNow, l’efficacité du traitement par clopidogrel. Très fiables, reproductibles, facilement accessibles, ils permettent de déterminer la réponse au traitement et de prédire les événements afin de l’adapter. Dans le cadre du monitoring, les études VASP, justement, ont montré qu’il y avait un potentiel bénéfique, les tests ne se contentant pas de mesurer seulement un marqueur du risque, mais bel et bien un facteur de risque modifiable » poursuit le Dr Bonello.
Faut-il pour autant aller vers une individualisation du traitement antiagrégant plaquettaire pour les mauvais répondeurs ? Le débat n’est pas clos, car une autre étude multicentrique (étude GRAVITAS) portant sur plus de 2 000 patients et qui vient d’être présentée n’est pas en faveur de cette piste. Dans cette étude portant sur des patients ayant une réponse insuffisante, aucune différence n’a été observée entre les groupes « poursuite du traitement standard » ou « majoration du traitement ». Cette étude présente néanmoins un certain nombre de limites. En effet, les patients n’ont pas bénéficié d’une vraie individualisation du traitement, mais d’une simple majoration empirique. De plus, la puissance statistique était très insuffisante puisqu’il n’y a eu que 2 % d’événements secondaires dans les deux groupes alors que l’hypothèse initiale était d’au moins 5 %. « Elle a néanmoins le mérite de montrer que la réactivité plaquettaire que l’on mesure avec le test prédit bien le risque d’événement secondaire », explique le Dr Bonello. Le concept d’individualisation n’ayant pu être confirmé par cette étude, une autre, actuellement en cours – l’étude ARTIC – est très attendue (résultats pour fin 2011), avec l’espoir de répondre enfin à cette question laissée en suspens : est-il utile ou non de monitorer les patients sous clopidogrel ?
Une autre question qui se pose est celle de savoir s’il faut passer aux nouveaux antiagrégants. En effet, les nouveaux antagonistes des P2Y12 (prasugrel, déjà disponible, et ticagrélor qui devrait arriver sur le marché en 2011) ont une efficacité supérieure au clopidogrel, d’un point de vue pharmacologique et clinique (selon les études TRITON-TIMI 38 et PLATO). « Dans une étude de phase III, le ticagrélor a même montré une supériorité en termes de mortalité par rapport au clopidogrel » souligne le Dr Bonello. Ces nouveaux antiagrégants pourraient donc se révéler particulièrement utiles chez les patients coronariens, sauf en cas de surrisque hémorragique (patients très âgés et/ou avec antécédents d’AVC). Ainsi, en cas de risque élevé, comme en témoigne le score CRUSADE, il vaut peut-être mieux ne pas les utiliser.
Quand et comment arrêter ?
L’arrêt des antiagrégants fait également partie des problèmes à résoudre. « En cas d’intervention, des recommandations limitent les cas dans lesquels le traitement doit être suspendu aux actes de chirurgie à très haut risque hémorragique (chirurgie des plans profonds abdominaux, comme en urologie ou en hépatologie), avec un arrêt généralement 5 jours avant l’intervention pour le clopidogrel (3 à 5 jours pour le ticagrélor et 7 jours pour le prasugrel), suivi d’une reprise aussi précoce que possible », souligne le Dr Bonello.
Une autre question se pose, celle de l’arrêt des antiagrégants plaquettaires après un an. Actuellement, toutes les études réalisées avec les nouveaux antagonistes des récepteurs plaquettaires de l’ADP (P2Y12) ont porté sur une durée de 12 à 15 mois. On ne sait donc pas s’il y a un bénéfice potentiel à les poursuivre au-delà ou à les arrêter plus précocement. « Pour y répondre, nous attendons les résultats d’études multicentriques qui sont lancées : un bras de l’étude ARTIC s’intéresse notamment à l’intérêt de la poursuite du traitement », conclut le Dr Bonello.
D’après un entretien avec le Dr Laurent Bonello, CHU de Marseille.
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