La durée du traitement par un bisphosphonate, le raloxifène ou par le ranélate de strontium doit être d’au moins quatre ans, selon les recommandations de la HAS (et pour le tériparatide, le traitement doit être au plus de 18 mois). Mais que faire au-delà de cette période ? Doit-on, poursuivre ou arrêter le traitement ? Ou, pour le tériparatide, doit-on envisager de prendre le relais par une autre molécule – notamment un bisphosphonate - au bout de 18 mois ? Peut-on autoriser une fenêtre thérapeutique ? Déjà, "il n’y a pas de recette générale, répond le Dr Éric Lespessailles ( rhumatologue, CHR Orléans). En l’absence de recommandations, "la décision reste une question d'intuition et de savoir-faire devant un individu donné", poursuit le spécialiste.
Réévaluer le risque fracturaire
Tout d’abord, envisager la poursuite de telle ou telle molécule ne prend de sens qu'en fonction du risque fracturaire après traitement. Interrogatoire et examen clinique précisent si les facteurs de risque persistent ou s'aggravent : l'âge, qui majore le risque de nouvelle fracture notamment au niveau de la hanche; la survenue de fractures sous traitement et leur date, nombre, siège, sévérité (sachant que le risque de refracture diminue avec le temps mais reste toujours élevé 10 ans après). D'autres facteurs de risque peuvent s'être ajoutés : une perte de poids importante, la prise de corticoïdes, une sédentarisation, un risque de chutes du fait de troubles de l'équilibre ou de la vue. Autre facteur d’importance à prendre en compte : l’observance au premier traitement, qui bien souvent n’est pas bonne. Et on note que le risque fracturaire reste majeur après un traitement par bisphosphonate (BP) si la compliance a été mauvaise et le traitement inférieur à 3 ans. Enfin, on prendra en compte l'avis de la patiente qui peut ne pas souhaiter continuer.
Quels examens demander ?
Lorsque la taille est restée stable, on peut probablement écarter l'hypothèse d'une fracture vertébrale (FV). En revanche, si elle a diminué de 3 cm (selon l'AFSSAPS), des clichés du rachis devront être demandés. Il est logique de demander une DMO à la fin d'un cycle thérapeutique, en sachant qu'elle reflète moins le risque clinique pour le raloxifène ou les BP. Plusieurs définitions d'une mauvaise réponse à la DMO existent mais "pour ma part, il est plus fiable de rapporter le Z score à l'âge" estime le Pr Jacques Fechtenbaum (rhumatologue, hopital Cochin, Paris). Enfin, le FRAX ® (outil validé par l’OMS permettant de calculer le risque de fracture liée à l’ostéoporose dans les 10 ans) garderait sa valeur prédictive dans toutes les localisations fracturaires aussi bien chez les femmes sous traitement que chez celles ayant été traitées. "La surveillance des marqueurs pourrait avoir un intérêt, mais aucune étude ne permet de dire comment les utiliser pour déterminer la poursuite du traitement" continue le rhumatologue. "Chez une patiente ayant pris une molécule à effet rémanent (voir encadré), des marqueurs favorables pourraient autoriser une fenêtre thérapeutique sous couvert d'une réévaluation régulière".
Evaluer les effets indésirables
Par ailleurs, le risque d’effets indésirables graves doit être abordé avant d’envisager la poursuite du traitement. Les facteurs de risque d’ostéonécrose de la mâchoire restent une contre indication majeure aux BP. Le lien entre ostéonécrose et le remodelage, la durée et le type de traitement n’est pas vraiment éclairci. Un bilan bucco-dentaire doit être effectué avant toute nouvelle prescription de BP.
Parmi les autres effets indésirables suspectés, on note que la survenue de microcracks a été incriminée lorsque la suppression du remodelage osseux est intervenue de façon trop précoce ou trop puissante, mais on sait maintenant qu'ils n'ont pas d'incidence clinique. Le risque de fibrillation auriculaire sous certains BP a aussi été évoqué, mais il semble faible selon les dernières mises au point des autorités européennes. les fractures sous-trochantériennes atypiques sont exceptionnelles et leur relation avec les BP n'a pas été prouvée.
Réfléchir à une stratégie d'ensemble
Mais considérer la prise en charge de l'ostéoporose sur le long terme renvoie à une autre problématique, celle du choix de la première molécule. les Drs LEspessailles et Fechtenbaum recommandent de penser d'emblée en terme de stratégie thérapeutique sur le long cours, mais faut-il commencer par un ostéo-formateur ou par un anti-résorbeur ? "On sait que les BP restent efficaces après traitement par tériparatide et que l'impact des ostéo-formateurs sur la DMO est atténué après un bloqueur du remodelage trop puissant mais aucune donnée clinique ne permet de dire si cela se traduit par une augmentation du risque fracturaire" remarque le spécialiste parisien. Des pistes pour de futurs essais cliniques....
"Le traitement de l’ostéoporose, au même titre que celui de l'HTA, doit être envisagé à vie, avec des réévaluations régulières avant de décider de le poursuivre, de ménager des fenêtres thérapeutiques ou de changer de molécule"
Dr Éric Lespessailles, Service de rhumatologie, CHR d'Orléans
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