COMME LEUR NOM l’indique, les sujets développés dans ces opéras seria sont des histoires de l’Antiquité ou de la mythologie gréco- romaine. «la Clémence de Titus» traite des nobles sentiments de cet empereur et des complots ourdis contre lui, pour des histoires politico-sentimentales, après qu’il avait renvoyé dans sa Palestine natale son grand amour Bérénice, non grata pour le Sénat et le peuple romains. Juste avant « la Flûte », Mozart y a mis le plus noble de son coeur et sa plus belle musique et surtout a fait avec son librettiste Mazzolà oeuvre de concision.
On a parlé du spectacle de Martin Kusej (2003) qu’a repris le festival dans le Manège des Rochers, lors de la sortie du DVD (voir « le Quotidien » du 26 juin). Ce qu’on y voit est plus passionnant que la vision frontale et dispersée du spectacle dans cet immense espace utilisé sur tous ses niveaux. Mais en plus du désistement de Barbara Bonney – dont on a annoncé qu’elle mettait fin à sa carrière – il a fallu se résigner à celui du chef Nikolaus Harnoncourt, surmené. Véritable épine dorsale de ce spectacle, il a été remplacé par Christopher Moulds, qui a dirigé les Wiener Philharmoniker comme un robinet d’eau tiède, enlevant au spectacle tout son nerf et sa force.
Pour «Idoménée», on pouvait déplorer l’absence de son de la Camerata Salzburg dirigée par un autre Britannique, Roger Norrington, avec une esthétique baroqueuse qui privait la musique de sa noblesse. Mais le ratage du spectacle est dû aux réalisateurs, les époux Ursel et Karl-Ernst Hermann, qui ont pris l’option d’en faire quelque chose de léger, presque comique pour ne pas dire bouffe, sans le sérieux qui sied à ce dilemme mythologique d’un père obligé de sacrifier son fils au dieu des flots qui l’a sauvé d’un naufrage. Comment croire à cet Idamante interprété si superficiellement par Magdalena Kozená et à l’hystérie d’Elettra ? Heureuse surprise, cependant, de découvrir dans ce rôle dramatique le soprano allemand Anja Harteros, qui fait principalement carrière à Munich, Dresde et New York, une voix magnifique et une vraie personnalité scénique.
Curiosité musicologique.
On n’aura pas été déçu en revanche par un opéra dont on attendait beaucoup : « Idomeneo » à nouveau, donné le lendemain, en version de concert pour faire découvrir, à un public transporté, la réalisation qu’en a faite Richard Strauss en 1930, à la demande du metteur en scène Lothar Wallenstein et du chef Clemens Kraus.
Pas vraiment pour puristes, cette « R. Strauss Fassung », réalisée en allemand qui remédie à grands coups de ciseaux aux longueurs et maladresses du livret original de l’abbé Varesco. Cela n’allait pas sans une réécriture de certaines scènes, d’intermèdes et même d’un faux final avec cor de chasse qui fait irrésistiblement penser à celui de « Capriccio » avant que n’éclate le final choral de l’« Idomeneo » original quelque peu étoffé !
Et c’est bien d’étoffe sonore qu’il s’agissait, avec sur scène une distribution très honorable dominée par le ténor américain Robert Gambill dans le rôle-titre et l’énorme et admirable Sächsischen Staatskapelle Dresden et le Choeur du Staatsoper Dresden, forces vives du magnifique Semperoper de Dresde.
Pouvoir aujourd’hui précisément rendre justice au chef-d’oeuvre de l’adolescence d’un Mozart de quatorze ans qu’est «Mithridate, roi du Ponte» est bien réconfortant. Comme le faisait ce spectacle de Günter Krämer, certes « branché » mais intelligent malgré quelques puériles tentatives de remplissage des temps morts, coproduit avec les Musikfest Bremen.
C’est au chef français Marc Minkowski et à son ensemble des Musiciens du Louvre que l’on devait, malgré un penchant à monter le volume sonore quand ce n’est pas toujours nécessaire, une direction d’une grande musicalité et justesse théâtrale. Dans une distribution particulièrement homogène, on admirait sans réserve le Mitridate assuré de Richard Croft, le déchirant Farnace du contre-ténor Bejun Mehta et surtout la Sifare au timbre de velours et d’or du soprano suédois Miah Persson.
Cette représentation, qui se déroulait dans l’acoustique époustouflante de la cour intérieure recouverte de la Residenz, mettait avec une belle élégance un point final à un festival 2006 qui restera probablement unique par sa programmation dans les annales de Salzburg.
« Ein Haus für Mozart »
La célébration du deux cent-cinquantième anniversaire de la naissance de Mozart à Salzburg, a donné lieu à la réfection du Kleines Festspielhaus pour un budget de 29 millions d’euros, dont un tiers à la charge du festival et le reste payé par des fonds privés. La plus petite des salles du complexe est utilisée en général pour des opéras de format moyen comme ceux de Mozart, par exemple. Rebaptisée Ein Haus für Mozart (un bâtiment pour Mozart), elle a été officiellement inaugurée en juin, lors d’un concert dirigé par le directeur du festival, le compositeur Peter Ruzicka. Malgré les trois affreux blocs de bronze en hommage à des opéras de Mozart, signés Josef Zenzmaier, plaqués sur la terrasse en façade au premier étage, le bâtiment, qui se situe dans la continuité du Grosses Festspielhaus et dans le même style rectiligne, a belle allure avec, nouveauté de taille, ses portes vitrées ouvertes sur la rue et sa terrasse avec vue imprenable sur la ville, ainsi que des foyers et des dégagements dignes d’une maison d’opéra du XXIe siècle. Avec ses 1 574 fauteuils (250 de plus), le confort en est amélioré et l’acoustique, réalisée par Karlheinz Müller, excellente.
Bien que ce ne soit pas un événement en soi, il faut savoir que la maison natale du compositeur a été « relookée » par Robert Wilson. Du moins aura-t-il réussi à lui enlever son sympathique petit côté poussiéreux et à hisser le prix d’entrée qui était modeste à celui considérable de 6 euros !
L’année 2006 sera aussi celle de la passation des pouvoirs entre Peter Ruzicka, l’actuel conseiller artistique et intendant, et le futur, le metteur en scène Jürgen Flimm, dont on ne connaît pas encore les projets pour 2007.
Salzburger Festspiele : + 43 662. 80.45.588 et www.salzburgfestival.at.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature