LE TEMPS DE LA MEDECINE
COMME LA MAIN ou le cerveau, le pied caractérise le processus d'hominisation. Il s'est progressivement adapté à la pratique régulière de la marche bipède. Fortement maintenu par des sangles tendineuses, il ne repose pas à plat sur le sol comme chez les autres primates, mais forme une voûte plantaire qui agit comme un amortisseur de chocs. Cette architecture explique la solidité de l'organe appelé à supporter la totalité du corps et à maintenir son équilibre. Entité complexe, le pied est formé de pas moins de 28 os, dont 2 sésamoïdes, combinés en de nombreuses articulations, de 50 ligaments, de 19 muscles, complétés par des milliers de terminaisons nerveuses et des vaisseaux, le tout rassemblé sur une surface longue de 15 à 30 cm supportant un poids de 45 à 120 kilos chez l'adulte et assurant plus de 1 000 appuis en moyenne par jour.
Égyptien, grec ou carré.
Sa forme varie d'un individu à un autre, suivant la longueur des orteils : pied égyptien (le plus fréquent, avec une dominance du gros orteil), pied grec (prééminence du deuxième orteil) ou pied carré (même longueur) ; ou selon ses dimensions générales : pieds fins ou larges, petits ou grands.
Certaines déformations ou malformations ostéo-articulaires peuvent entraver la qualité de vie, être à l'origine de douleur ou de boiterie. Chez l'enfant, des anomalies, tel le pied plat ou le pied creux, apparaissent au moment de la marche. D'autres, plus précoces et très fréquentes, sont des malpositions qui guérissent en quelques semaines et sans séquelles. Le pied talus, par exemple, est une attitude vicieuse de l'articulation tibio-tarsienne en flexion dorsale forcée qui peut être associée à un valgus (avant-pied en abduction ou en pronation). Le pied bot varus équin, qui touche environ un enfant sur cinq cents, est de pronostic plus grave et doit être pris en charge dès la naissance. Le pied est alors déformé dans les trois plans de l'espace, en équin, en varus, en adduction et en supination de l'avant-pied.
Cette dernière malformation a fait l'objet de nombreuses descriptions et frappe l'imaginaire depuis les temps anciens. Dans l'Antiquité, elle était à l'origine de carence de soins et d'infanticide, alors que le Moyen [229]ge continue à y voir un signe de la malédiction divine. L'histoire compte toutefois quelques personnages célèbres porteurs d'un pied bot, comme Lord Byron (1778-1824), Walter Scott (1771-1832) ou Charles-Maurice de Talleyrand (1754-1838), « le diable boiteux ».
On l'a vu, le pied fait l'homme, l'ancre au sol et permet son envol. Si la mythologie a fait d'Hermès (Mercure chez les Romains), divinité au talon ailé, un brillant messager des dieux, elle a consacré en Héphaïstos (Vulcain), le dieu boiteux, le plus hideux des immortels. Œdipe, dont le nom signifie « pieds gonflés », n'échappera pas à son destin, en dépit de la volonté de ses parents, Laïos et Jocaste, de le livrer aux bêtes sauvages après lui avoir percé et lié les chevilles.
Talons et cambrure.
Le mythe sera à l'origine du complexe d'Œdipe, élément central de la théorie psychanalytique des premiers émois sexuels de l'enfant. Jouant de la métaphore freudienne, certains voient dans l'union du pied (symbole phallique) et de la chaussure (symbole du sexe féminin), un rapport érotique. Ne dit-on pas « trouver chaussure à son pied » ?
Les chaussures à talons hauts font d'ailleurs partie des accessoires et atours de la féminité. Quelques centimètres de talons accentuent la cambrure du pied ou celle des lombaires, allonge la silhouette et galbe les jambes. La mode lancée en France par Catherine de Médicis à l'occasion de son mariage avec Henri II fait encore les beaux jours des créateurs et designers. Pas moins de trente-cinq mesures leur sont utiles pour sculpter le soulier ou l'escarpin idéal.
Pieds et mesures sont d'ailleurs étroitement liés. Si, au cours de l'évolution, la main a créé l'outil, le pied, lui, a donné la mesure.
Avant que ne s'impose le système métrique, le pied a permis d'évaluer longueurs et distances. Le pied romain (29,64 cm), issu du pied égyptien, correspond à la division en 28 doigts de la coudée mésopotamienne. Le Moyen [229]ge n'a cure de ces références, ses souverains évaluent l'étalon de mesure à partir de leurs propres pieds. Le pied français (32,48 cm), plus grand que le foot anglais (30,48 cm), reste accolé au nom de Charlemagne, fils de Pépin le Bref et de Berthe aux grands pieds. Les mensurations de cette dernière continuent d'étonner, puisqu'on lui prête une taille de 7 pieds, soit 2,22 mètres, et une pointure de pied qui avoisinerait les 48 1/4.
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