À L’ORIGINE était le fleuve. Le Niger, le plus long du continent après le Nil et le Congo, avec ses 4 200 kilomètres, dont 1 700 parcourus sur le territoire malien. Source de vie, le fleuve est aussi un ciment de l’unité nationale. Sur ses berges cohabitent des ethnies attachées à leur identité et à l’harmonie d’une vie commune. Bambaras, Bozos, Dogons ou Peuls, chacun a sa place aux abords du fleuve. Chacun apporte aux autres la subsistance, dans l’esprit du fameux « cousinage ». Majoritaires, les Bambaras ont donné leur langue au pays. Leur fief s’étend de Bamako à Ségou, la cité des balazans, ces majestueux arbres bordant les allées des anciennes demeures coloniales. Plus loin, à Markala, l’eau vive franchit le barrage puis s’apaise au moment d’emprunter une pinasse. Cette grande pirogue traditionnelle à moteur est très usitée au Mali. Elle se prête au transport des voyageurs, mais aussi des marchandises ou du bétail. On y charge le mil, le manioc ou le riz.
Comme les Bambaras, les Dogons sont cultivateurs, originaires de cette région très prisée pour ses villages accrochés à la roche. Les rivages du Niger offrent l’occasion rare de rencontres inédites. Issus de générations d’éleveurs, les Peuls sont réputés grands et fiers. Les Bozos, peuple de pêcheurs, sont les maîtres du fleuve. Ils construisent des huttes, les habitent puis les quittent pour suivre, au fil des saisons, le cours d’eau dans ses niveaux successifs. Poissons-chats, sardines et autres capitaines se débattent dans les filets. La pinasse accoste. La randonnée, sur la piste sablonneuse, est bordée de manguiers, de palmiers, d’acacias et d’arbres à karité. Les Blancs ne passent pas inaperçus. On les interpelle du doux nom de « Toubabs », un mot venu de l’arabe « toubib », en référence aux premiers missionnaires qui étaient aussi guérisseurs.
La Venise du Mali.
Arrivée au village, tout le monde est au travail. Les hommes réparent les filets. Les femmes broient le mil, écaillent et font sécher le poisson. Pour les enfants, c’est l’heure de la classe. De leur stylet encré de charbon et de gomme arabique, ils reproduisent les sourates du Coran sur des tablettes en acacia. Leur père parti pour vendre la production, les jeunes passent sous l’autorité des aînés. Ils forment une cohorte compacte de rires et de mains levées au départ de la pinasse. Celle-ci reprend son parcours, croisant quelques tisserands, martins-pêcheurs ou hérons en quête de pitance. Vient l’heure de rejoindre le rivage pour monter la tente. On prépare son couchage, tandis que le soleil, lui, est déjà en train de s’assoupir, abandonnant dans le ciel ses traînées fabuleuses. Au lointain naissent des bruits jusqu’alors imperceptibles. Le bétail qui rejoint l’enclos, le concert des oiseaux, le poisson à la surface de l’eau qui vient taquiner la libellule.
Tôt, le lendemain, le bivouac est levé. Cap est mis sur Mopti, la « Venise du Mali ». Au confluent du Niger et du Bani, c’est un grand port de pêche construit vers 1800, sur trois îles reliées par des digues. On y flâne quelques heures, avant le réconfort d’un délicieux thé à l’hibiscus ou d’une infusion au kinkéliba, plante aux nombreuses vertus médicinales. Entre Mopti et Djenné, la route est bordée d’étangs. Les fleurs de nénuphars éclatent dans le pastel de leur rose. Au point d’embarquement, lorsque le Bani déborde, la traversée se fait parfois en pirogue, en abandonnant son véhicule.
Écoprojets.
Inscrit au Patrimoine mondial de l’UNESCO, Djenné se mérite. Son trésor, c’est sa mosquée d’architecture soudanaise. Un édifice carré de 75 m, doté d’un minaret de 18 m. Bâtie de briques en boule au XVe siècle, la mosquée est recrépie chaque année. C’est l’occasion d’importantes festivités. Sur les toits de Djenné, les terrasses communiquent, vestiges d’un passé où il fallait pouvoir fuir à tout moment. Des maisons abritent la fabrication et la vente des bogolans, ces textiles maliens en coton et tissés à la main. Leurs motifs signent l’ethnie ou la fonction sociale. On peut aussi en faire des nappes, des chemins de table ou des décorations murales.
Le retour vers Bamako fait étape à Tériyabougou, écovillage créé dans les années 1970 par un prêtre français. Depuis peu, on y cultive le Jatropha curcus ou bagani, pour en tirer un biocarburant. Mais c’est encore à l’essence ordinaire que le bus regagne la capitale, aux rythmes de Salif Keita, le seigneur à la voix d’or, ou du blues d’Ali Farka Touré, né dans la multitude des champs de coton.
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