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Dossier

Homéopathie : la science ne trouve aucune preuve d'efficacité, Buzyn doit trancher

Par Loan Tranthimy - Publié le 01/07/2019
Homéopathie : la science ne trouve aucune preuve d'efficacité, Buzyn doit trancher

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SEBASTIEN TOUBON

Un « non » clair et net : faute de preuve scientifique établissant leur efficacité, les 1 163 médicaments homéopathiques pris en charge à 30 % ne doivent plus être remboursés. S'il ne constitue pas une surprise, l'avis définitif de la commission de la transparence de la Haute autorité de santé (HAS) place le gouvernement devant un choix économique et politique. 

L'instance a épluché plus de 1 000 études cliniques publiées sur les médicaments homéopathiques (méta-analyses, revues systématiques, essais cliniques randomisés publiés) avant d'en retenir finalement  37 « suffisamment pertinentes » (lire ci-contre). Au total, 24 affections et symptômes ont été identifiés, qui peuvent être regroupés par aire thérapeutique – arthrose, saturnisme, céphalées et migraines, syndrome de la fatigue chronique, troubles de l'anxiété…

Panier de soins pas extensible

« Pour ces 24 symptômes, la HAS n'a pas retrouvé d'efficacité », tranche Mathilde Grande, responsable du service évaluation du médicament de la HAS. Or, « pour revendiquer un remboursement, la règle fixée est d'apporter la preuve de l'efficacité, abonde le Pr Dominique Le Guludec, présidente de la HAS. On a un panier de soins remboursables : à moins d'exploser le financement des prestations, on ne peut pas l'étendre indéfiniment. Il y a des innovations thérapeutiques qui arrivent et qui coûtent cher. On doit donc fixer des règles et des choix ».

Pour autant, la présidente de la HAS a adressé un « message de respect pour les personnes qui utilisent l'homéopathie », jugeant cette expérience « respectable ». À ses détracteurs, elle a assuré que « l'évaluation a été effectuée de façon rigoureuse dans un esprit scientifique sans a priori et sans dogmatisme ».

Arbitrage 

Que va faire Agnès Buzyn ? « Il est exceptionnel que l'avis de la Haute autorité de santé ne soit pas suivi », confie le Pr Christian Thuillez, président de la commission de la transparence de la HAS. Toutefois, « il peut s'écouler un temps entre l'avis et la prise de décision », convient le Pr Le Guludec.

Agnès Buzyn a toujours assuré qu'elle suivrait l'avis des experts scientifiques. Mais face à un arbitrage délicat, la ministre de la Santé a semblé vouloir se donner un peu de temps, précisant que sa décision pouvait attendre « quelques jours », voire « quelques semaines ».

Outre les arguments des laboratoires concernés et des prescripteurs (lire page 3), la dernière enquête menée par Ipsos en octobre 2018 estimait que près des trois quarts des Français veulent le maintien du remboursement.  « Un déremboursement créerait des crispations du côté des patients qui ont pour certains une histoire très particulière avec l'homéopathie », alerte Gérard Raymond, nouveau président de France Assos Santé (qui réunit 80 associations). Le militant historique des patients diabétiques appelle la ministre à « la sagesse » en pesant « les avantages et les inconvénients du déremboursement ». « Ce serait un signal maladroit envoyé au système de santé, ajoute-il. La médecine est fondée sur l’humanisme, sur une relation de confiance patients/soignants et en particulier pour des maladies chroniques ».

Sollicité par les salariés du laboratoire Boiron, Bercy aurait envisagé une modulation du taux de remboursement à 15 %. Une porte de sortie revendiquée par France Assos santé ou les syndicats des pharmaciens.

Loan Tranthimy