LE QUOTIDIEN – Vous avez vécu le burnout. Pouvez-vous mettre aujourd’hui des mots sur ce mal ?
Dr PATRICIA MARTEL – À l’époque, j’étais incapable d’identifier quoi que ce soit. Six mois avant la fin de mon internat, j’ai été arrêtée car je n’en pouvais plus. Je ne comprenais pas du tout ce qui se passait, s’il s’agissait d’une fatigue liée aux gardes ou d’une fatigue psychologique. Je me suis arrêtée six mois, j’ai pris un peu de recul et je me suis mise à écrire. C’est là que je me suis rendu compte du vécu difficile des médecins. J’ai fait des recherches sur Internet. J’ai découvert ce qu’était le burnout, que cela pouvait toucher les professions d’aide.
Aviez-vous déjà été confrontée au burnout de confrères ?
Oui, pendant nos études, on rencontre des médecins cyniques qui font des blagues sur la mort, prennent de la distance avec les patients. C’est un moyen de défense et un symptôme du burnout. J’ai rencontré énormément de médecins en burnout. J’en ai vu beaucoup parmi les médecins de campagne que je remplaçais, qui approchent de la retraite, qui n’en peuvent plus car ils sont débordés à cause de la pénurie démographique.
Qu’est-ce qui vous a fait prendre conscience que cela n’allait plus et quelle a été votre thérapie ?
J’ai été jusqu’au bout de mes limites. J’étais en cancérologie à l’époque à un poste difficile psychologiquement. J’ai été arrêtée pendant une semaine. Je pensais que je pourrais reprendre et je n’y suis pas arrivée. J’avais envie de tout abandonner. C’était une grande fatigue émotionnelle. J’ai failli lâcher la médecine. J’ai dû arrêter six mois car je n’avais plus le choix. Ce qui m’a aidé, c’est de participer à une association de FMC qui organisait des séances de formation dans ma région. J’ai découvert un cours sur la relation médecin-malade, comment gérer un entretien avec le patient, comment gérer un patient difficile, j’ai découvert des tonnes de choses. Je me suis aperçue que ma façon de travailler était coûteuse en énergie et menait à cet épuisement. Avec la FMC, j’ai découvert un groupe sympa et au quotidien, cela a révolutionné ma pratique. Je n’appréhende plus du tout mes journées de la même façon.
Êtes-vous parfaitement délivrée du burnout ?
L’écriture de mon livre m’a beaucoup aidée. Cela a duré un an et demi. À la fin de mon internat, j’ai commencé à faire des remplacements. C’était très adapté à ma situation. Je bossais deux semaines par mois et le reste du temps j’écrivais. Cela m’a permis de recommencer tranquillement et de m’adapter, de mettre en pratique ce que j’apprenais en formation. Au bout d’un moment, ça allait mieux. Depuis cet épisode de burnout, je travaille beaucoup moins. Les médecins ont des horaires énormes par rapport à d’autres métiers. Moi, je préfère voir moins de gens chaque jour mais garder le plaisir de travailler.
(1) Patricia Martel, « Burn out », Atlantica, 2010, 185 pages (« le Quotidien » du 28 juin).
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