JAZZ/ROCK
par Didier PENNEQUIN
G ITANS et manouches ont toujours participé activement à l'histoire du jazz, notamment en France où dès les années trente-quarante, ils ont été sur le devant de la scène grâce à quelques guitaristes d'anthologie, dont l'extraordinaire et unique Django Reinhardt. Au fil des ans et de l'évolution du jazz, on retrouve régulièrement certains de ces leaders d'une musique assez classique dans son esprit, basée principalement sur l'utilisation des cordes - guitare, violon, contrebasse - et de certains instruments à vent, comme la clarinette.
Si l'archétype du jazz français avec des intonations gitanes restera à jamais le Quintette du Hot Club de France du tandem Django Reinhardt/Stéphane Grappelli, d'autres virtuoses ont très vite repris le flambeau comme les frères Ferret - Matelot, Sarane et Baro - ou Christian Escoudé, le propre fils de Django, Babik, et plus près de nous, Bireli Lagrène.
Aujourd'hui, en marge de ces personnalités, la relève est assurée par d'autres solistes à l'image de Romane, Stochelo Rosenberg, Tchavolo Schmitt ou Jermaine Landsberger.
Romane et Stochelo Rosenberg, deux passionnants guitaristes, ont décidé voici quelques temps de s'associer. Le résultat, un très bon disque, « Elegance » (Iris Music/Harmonia Mundi), fait de très belles mélodies et de magnifiques duos de guitares. Romane, qui est un instrumentiste hors pair, a joué avec les meilleurs musiciens français, comme Didier Lockwood avec qui il se produit régulièrement, et son style se base à la fois sur le culte du passé et les rencontres actuelles. Quant à Stochelo Rosenberg, guitariste autodidacte, il est une des principales figures d'une musique qui combine à la fois une orientation latine à la belle tradition du swing manouche, si reconnaissable, fait de valse et d'émotion (1).
Les valses justement, qui sont un élément indispensable du répertoire swing gitan, à côté des standards du jazz, sont à l'honneur dans un autre album de Romane, intitulé « Impair & Valses » (Arco/Iris/Harmonia Mundi), dans lequel le guitariste rend hommage à ses pères et à cette façon unique d'aborder la mélodie et l'improvisation.
On retrouve une démarche musicale identique chez Tchavolo Schmitt. A 47 ans, cet autre guitariste, qui a pourtant très peu enregistré, est une figure de légende dans le jazz gitan et manouche, paradoxalement liée aux Puces de Paris des années soixante-dix. Inspiré comme ses collègues par le jeu de Django Reinhardt, Tchavolo a développé depuis longtemps un style qui lui est propre, basé sur un fort tempo et des improvisations très lyriques. Son dernier disque, « Alors ?... Voilà ! » (Iris Music/Harmonia Mundi) résume idéalement la démarche très personnelle d'un virtuose de la six-cordes.
Jermaine Landsberger dénote un peu dans cet univers si particulier. Tout simplement parce qu'il s'exprime au piano. Dans « Gipsy Feeling » (GLM), ce musicien d'origine allemande est accompagné par Bireli Lagrène, et propose toute une série de compositions originales nées de l'esprit des gens du voyage.
Cependant, il est quasiment impossible et impensable d'évoquer cette forme de musique sans mentionner le maître Django Reinhardt, dont Frémeaux & Associés poursuit la réédition d'une intégrale, sous la direction du collectionneur et historien Daniel Nevers. Le volume 14 de ce travail titanesque, intitulé « Django's Dream », vient de paraître, couvrant la période de 1947. On y retrouve le célébrissime guitariste entouré du Quintette du Hot Club de France, pour des sessions enregistrées en studio ou à la radio à Paris. Une pure merveille.
Enfin, les authentiques amateurs de jazz gitan se doivent d'assister au Festival Django Reinhardt, dont la 22e édition (2) se déroulera fin juin à Samois-sur-Seine (Seine-et-Marne), où est enterré le guitariste, et qui accueille l'élite de ses disciples.
(1) Paris-New Morning (01.45.23.51.41) - 30 mai - 21 h.
(2) Festival Django Reinhardt (01.64.69.54.66) - du 22 au 24 juin.
Les voix lusophones
T ROIS chanteuses, trois styles différents, une même langue : le portugais.
Helena, qui vient de sortir son premier CD, « Azul » (Verve/Universal) est la sur de Lio, qui collectionna les tubes voici une quinzaine d'années. Associée au producteur Philippe Katerine et au groupe Recyclers - emmené par le pianiste de jazz Benoît Delbecq - la jeune femme propose, en français, anglais et portugais, un voyage musical dans un univers lusophone fortement influencé par le Brésil, avec ici et là une touche anglaise. Le tout servi de façon surprenante par une voix très particulière.
Cristina Branco est une des grandes reines du fado moderne. Cette belle jeune femme née avant la Révolution des illets, est la digne héritière de la grande Amalia Rodrigues, et son dernier CD paru en France, « Corpo Illuminado » (Emarcy/Universal), est une uvre d'une extrême maturité, à la fois dans le travail vocal, le choix des thèmes et des mélodies, et les compositions. Le tout admirablement dirigé par son mari, le guitariste Custodio Castelo (1).
Joyce est considérée comme l'une des plus grandes chanteuses brésiliennes modernes. Son dernier album, « Tudo Bonito » (Sony Jazz), permet de retrouver ce phénomène vocal interprétant des uvres de Gilberto Gil, Baden Powell, Tom Jobim et Joao Donato, et accompagnée par des musiciens aussi importants de la scène brésilienne que Paolo Moura (clarinettiste). Une très grande star présente depuis plus de trente ans, auteur de plus de 300 chansons qui sont les ambassadrices du Brésil musical moderne (2).
(1) Paris - Théâtre des Abesses : du 29 mai au 1er juin - 20 h 30.
(2) Paris - New Morning : 19 juin - 21 h.
BLOC-NOTES
Jean-Pierre Como
Coleader de Sixun, le groupe de jazz fusion en France, Jean-Pierre Como était surtout connu pour son approche très instinctive et clairvoyante des claviers électriques et électroniques. C'était faire passer au second plan son admirable passé de pianiste. Le mal est désormais réparé en deux occasions : d'abord en club à Paris et, ensuite, avec la parution d'un superbe CD, « Storia » (Naïve), dans lequel Jean-Pierre Como, accompagné d'André Cecarelli (batterie) et Thomas Bramerie (basse), s'ouvre de nouveaux horizons particulièrement intéressaants.
Paris - Sunside (01.40.26.21.25) - du 1er au 4 juin - 21 h.
Lê/Erskine/Benita (ELB)
Le propre de la musique de jazz est de favoriser les rencontres à la fois humaines et musicales. Réunir un musicien français d'origine vietnamienne - le guitariste Nguyên Lê -, un des plus grands batteurs américains - Peter Erskine - et un bassiste né en Algérie - Michel Benita - devait automatiquement déboucher sur un téléscopage culturel. D'où un CD uniquement fait de compositions originales, « ELB » (Act Music), et une série de concerts pour mieux apprécier le travail collectif.
Paris - Duc des Lombards (01.42.33.22.88) - du 29 au 31 mai - 21 h/ Jazz Balade - Albi - 2 juin.
Charlier & Sourisse Quartet
Benoît Charlier (orgue Hammond) et André Charlier (batterie) sont les accompagnateurs attitrés de Didier Lockwood en club. Avec l'aide de leur leader, les deux musiciens viennent de sortir un excellent disque, « Gemini » (Dreyfus Jazz), et se retrouve en quartette avec Olivier Ker Ourio, l'étoile montante de l'harmonica, pour deux soirées dans le quartier des Halles.
Paris - Sunset (01.40.26.46.60) - 30 & 31 mai - 21 h.
Dewey Redman
Ne comptez pas apercevoir Dewey Redman cet été dans les festivals de jazz. A 70 ans tout juste, ce saxophoniste, qui a participé avec Ornette Coleman à la grande aventure du Free jazz, puis a joué avec Charlie Haden, Keith Jarrett et autres pointures, représente une forme de jazz historique mais très peu commerciale. Donc entière !
New Morning (01.45.23.51.41) - 31 mai - 21 h.
Bernard Struber
Guitariste, pianiste, organiste originaire de Strasbourg, Bernard Struber est aussi un chef d'orchestre accompli. Créateur de l'ORJA, (Orchestre régional de Jazz d'Alsace) en 1988, ce musicien, qui est aussi pédagogue, est à la tête depuis une douzaine d'années d'un Jazztett d'excellente facture où figurent de très nombreux solistes.
Paris - L'Européen (01.43.87.97.13) - 29 mai - 21 h.
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