Avec votre nomination, un médecin revient au ministère de la Santé. Vous-même, pourquoi avez-vous choisi d’embrasser cette profession ?
C’est une histoire très personnelle, qui mérite que l’on remette les choses dans leur contexte. Mes parents qui n’étaient pas allés à l’école m’ont transmis la nécessité de s’investir dans les études. Pour eux, certains métiers étaient assez emblématiques de la réussite scolaire comme médecin ou avocat. De ce point de vue, notre médecin de famille m’a servi de modèle. J’avais beaucoup d’admiration à son égard. Il a été un exemple pour moi. Quand il venait à la maison avec sa grande sacoche noire et qu’il en sortait toutes sortes d’instruments, j’avais l’impression qu’il était à même de lever tous les mystères. Ce que je trouvais aussi très beau est qu’il savait créer une relation de proximité avec les gens. Cela m’a habité pendant longtemps, et je crois que c’est de là que me vient ma vocation pour la médecine.
Vous avez grandi au sein d’une famille nombreuse et dans la banlieue lyonnaise. En quoi votre parcours personnel influe-t-il sur votre regard sur les questions de société et de santé ?
En fait, j’ai passé mon enfance dans une petite commune paisible du nord de Lyon. Forcément quand on est issue d’une famille nombreuse et modeste, la solidarité est une valeur fondamentale, ce qui conduit à avoir un regard particulier sur la vulnérabilité. En choisissant ce métier, je considérais que c’était à mon tour de m’occuper des autres.
Vous avez commencé votre vie professionnelle comme médecin immunologiste à Lyon. Que retenez-vous de cette expérience ?
Tout d’abord, je ne suis pas immunologiste de formation mais médecin généraliste. Il est vrai que je suis tombée dans la marmite de l’immunologie clinique dès le début de ma carrière professionnelle en 1991. J’ai été amenée à prendre en charge des patients atteints du VIH, comme de nombreux généralistes à ce moment-là. Je l’ai fait pendant 18 ans ; cela forge votre capacité d’écoute et votre volonté à répondre du mieux possible aux difficultés.
Vous avez ensuite travaillé pour l’industrie pharmaceutique, ce que certains députés de l’opposition vous ont reproché dernièrement y voyant un possible conflit d’intérêt. Comment réagissez-vous à cette polémique ?
Cette polémique est close et n’avait aucun fondement. Dans mon parcours professionnel de médecin, j’ai eu une activité clinique au sein de l’hôpital public et une activité au sein de l’industrie du médicament. Aujourd’hui, ces pages de ma vie professionnelle sont tournées. C’est vrai, je suis une secrétaire d’État qui vient de la société civile, je n’ai pas un parcours uniquement de «?politique ».
Comment êtes-vous justement arrivée à la politique ?
C’est ce même médecin de famille dont je vous ai déjà parlé – qui était aussi maire de la commune où j’ai grandi- qui m’a demandé de rejoindre son équipe municipale en 2001 à Neuville-sur-Saône (Rhône). En 2008, j’ai été élue à Lyon, une grande ville, ce qui m’a donné un élan politique supplémentaire avant d’accéder au Parlement européen. Puis d’être appelée au gouvernement en 2009 comme secrétaire d’État aux Aînés avec la même volonté de servir.
Vous allez composer un tandem avec Xavier Bertrand. Est-ce que vous le connaissiez avant ?
Oui. Il m’a soutenue lors de ma campagne pour les municipales en 2008 à Lyon et nous avons gardé un lien amical. Etre nommé au secrétariat d’État à la Santé à ses côtés est une grande chance, car il connaît bien ce ministère. Nous constituons un bon binôme.
Comment allez-vous travailler ensemble ? Est-ce que vous vous êtes répartis les dossiers ?
Nous gérons tous les dossiers ensemble. Nous étions ensemble la semaine dernière dans le cadre de la gestion du dossier Mediator. Nous rencontrons ensemble nos interlocuteurs.
Avez-vous déjà fait connaissance avec les représentants des médecins ?
Cette semaine, nous rencontrons les organisations syndicales. Et je serai à Lyon, samedi, pour le congrès du SML.
Comment percevez-vous la profession de médecin généraliste ?
Les médecins généralistes sont synonymes de proximité. Dans la question du soin, le généraliste est un acteur incontournable. Nous devons nous atteler à valoriser et rendre sa place à la médecine de ville dans ce souci de proximité. C’est pourquoi, nous attendons avec impatience les propositions qu’Elisabeth Hubert va remettre au président de la République (voir p. 12). Le défi consistera à garantir la permanence des soins, à harmoniser les territoires et à répondre au mieux aux besoins des Français.
Comment ces dernières seront-elles traduites ?
C’est encore trop tôt pour le dire. Il y aura certainement des propositions qui pourront être mises en place rapidement alors que d’autres nécessiteront un temps de concertation avec les organisations professionnelles. Nous avons, par ailleurs, la loi « Hôpital, patients, santé et territoires », qui est un formidable outil pour faire évoluer la prise en charge ambulatoire dans les territoires. Les ARS auront aussi un rôle majeur à jouer avec les professionnels de santé libéraux à travers les schémas régionaux d’organisation des soins de ville.
Vous connaissez bien les ARS pour avoir participé à leur mise en place…
?Oui, en tant que secrétaire d’État aux Ainés, j’ai assisté à la préfiguration des ARS et, bien évidemment, à leur mise en place effective. Je rencontrais régulièrement les directeurs généraux d’ARS sur les questions médico-sociales.
Quels sont vos chantiers prioritaires ?
?Il y a beaucoup de chantiers en cours. Je vais m’activer à mettre en œuvre les plans de santé publique, qu’ils s’agissent du plan cancer, du plan VIH, et bien sûr notre plan Alzheimer que je connais sur le versant médico-social et que je vais poursuivre sur le plan sanitaire, les maladies rares et toute la politique de prévention qui s’articule dans tous ces plans.
Le vieillissement de la population est-il selon vous un des défis majeurs des années à venir ?
Certainement, ce défi démographique s’accompagne d’un vrai défi de santé publique. On voit déjà la
progression des maladies liées à l’âge, notamment les maladies neurodégénératives, et l’accroissement de polypathologies chez les patients âgés.
Regrettez-vous d’avoir dû laisser le chantier de la dépendance à Roselyne Bachelot ?
Beaucoup de familles sont préoccupées par la prise en charge de leur proche et par le problème du financement de la dépendance. C’est un chantier qui est très attendu par les Français. J’ai beaucoup travaillé sur le sujet. Roselyne Bachelot récupère aujourd’hui le dossier et, avec sa grande expérience, je peux vous garantir qu’il est dans de bonnes mains. Elle le pilotera avec le grand sens de l’intérêt général qui est le sien.
Nous sommes à la veille de la journée mondiale du Sida. Qu’attendez-vous des généralistes en matière de prévention du VIH ?
Les médecins généralistes se sont toujours impliqués dans la prévention et le dépistage : ce n’est donc pas quelque chose de nouveau pour eux. Ils entretiennent d’ailleurs des échanges nourris avec leurs confrères hospitaliers référents VIH. Aujourd’hui, la nouveauté, c’est d’élargir davantage le dépistage au-delà des populations à « risques » ou des personnes qui ont pris des risques. On passe à une systématisation, c’est-à-dire que les généralistes pourront proposer le dépistage hors ciblage. Je sais que nous pouvons compter sur eux.
Le fait que le Pape vient de se montrer plus ouvert sur l’usage du préservatif, c’est une bonne chose pour la santé publique ?
Évidemment ! Il était utile et nécessaire que ce message puisse être délivré par le Pape.
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