LE COMPTE N'EST pas bon, continue de se désespérer le collectif Chirurgiens de France (« le Quotidien » du 15 mars), pour qui les promesses de revalorisation contenues dans l'accord signé avec le gouvernement le 24 août dernier n'ont pas été tenues par la Ccam (classification commune des actes médicaux) technique.
Demain, le Dr Philippe Cuq, porte-parole du collectif qui, l'été dernier, avait fait pression sur le gouvernement en orchestrant l'exil à Wembley de quelque 2 000 chirurgiens - une opération annulée in extremis -, va alerter l'opinion publique sur ce qu'il considère comme une « trahison ». « L'accord du 24 août était un accord raisonnable. Il devait redonner à la profession un certain élan. Il devait rendre aux jeunes le goût de la chirurgie publique en leur montrant que si ce métier est fatigant, compliqué, lourd de responsabilités, il s'assortit au moins, à la fin du mois, d'une reconnaissance - on n'était pas encore au niveau des radiologues mais c'était une reconnaissance. » Sauf que, d'après les calculs du collectif, rien de tout cela n'est arrivé .
Du transcodage (passage de l'ancienne nomenclature - Ngap - à la codification en Ccam en passant par le dossier de la permanence des soins : au fil des échéances qui devaient permettre la mise en œuvre de l'accord du 24 août, les sujets de déception se sont empilés. Cette situation serait aujourd'hui d'autant plus mal vécue par les chirurgiens que l'accord de l'été dernier recelait déjà, de l'avis de certains, d'importantes « concessions ». « En matière de PDS par exemple, le périmètre concerné était les centres d'urgence privés, c'est-à-dire les 128 Upatou. Cela laissait de côté nombre de chirurgiens », explique Philippe Cuq.
Calculettes discordantes.
Que dit, aujourd'hui, la calculette du Dr Cuq ? Que pour la spécialité, les bourdes se sont multipliées lors du transcodage. En examinant l'ensemble de l'opération, la Société française de chirurgie aurait relevé 50 % d'erreurs. « C'est une première étape, s'indigne le Dr Cuq, on veut revaloriser la chirurgie et, dans le transcodage, tout est à la baisse ! » Le porte-parole du collectif prend l'exemple de la thyroïde. Au départ, trois cotations : KCC80 pour une lobectomie, KCC120 pour une thyroïdectomie totale, KCC80 + 60/2 pour une thyroïdectomie subtotale. A l'arrivée : KCC80 pour une lobectomie, KCC120 pour une thyroïdectomie totale, KCC80 pour une thyroïdectomie subtotale. « Le supplément 60/2 est passé à la trappe, affirme le Dr Cuq. On me dit que c'est "du détail", ça n'en est pas. »
La Ccam enfoncerait le clou. Alors que l'accord du 24 août programmait une revalorisation des actes chirurgicaux de 25 % au 1er avril 2005 - à titre transitoire et en attendant la Ccam, les actes en KCC ont augmenté de 12,5 % le 1er octobre dernier -, le collectif, à la lecture des nouvelles grilles tarifaires, ne trouve qu'une augmentation de « 8 % ». Si l'on en croit le Dr Cuq, les chirurgiens tombent de haut. Et leur colère est à l'aune de leur déception. « Pour eux, l'accord n'est pas respecté et ils ne l'acceptent pas. Ils sont dans les starting-blocks », affirme-t-il, n'excluant pas une nouvelle manifestation de colère spectaculaire de la profession.
Le problème est que, par des démonstrations tout aussi convaincantes, les artisans de la Ccam technique et signataires de l'avenant conventionnel la concernant « le Quotidien » du 16 mars) font une analyse toute différente des nouveaux tarifs. Ainsi, le SML (Syndicat des médecins libéraux, dont le vice-président est le Dr Jacques Meurette, par ailleurs responsable de l'Union des chirurgiens français - UCF), juge qu'il y a « cohérence complète » entre l'accord du mois d'août et la nouvelle nomenclature. « Le 25 mars, soutient le SML, la mise en place de la Ccam avec l'abondement d'une enveloppe de 180 millions d'euros sur les actes gagnants apportera une revalorisation de 6 % des actes chirurgicaux, à laquelle s'ajoutera un modificateur transitoire de 6,5 %, ce qui, au total, par effet cumulatif, porte la revalorisation des actes chirurgicaux à 12,9 %. Voilà pour tous les chirurgiens de tous secteurs. A cela s'ajoute pour les secteurs I et secteurs II choisissant l'option de coordination [conventionnelle, ndlr] une revalorisation de 11,5 % supplémentaire, ce qui porte la revalorisation totale à 25,87 %. »
Nécessaire éclaircissement.
Cqfd ? Pas si simple, car le décryptage des tarifs qui, en principe, s'appliquent dès vendredi, est à ce point complexe que même les experts ne s'y retrouvent plus. De pourcentages en « tarifs cibles », les chirurgiens y perdent leurs petits. Y compris les plus avertis. Un expert de la Sofcot (Société française de chirurgie orthopédique et traumatologique) reconnaît que les grilles sont « obscures » et que « une clarification est nécessaire ». De son point de vue, « sur la base de la Ccam et de l'avenant conventionnel, personne n'est capable de dire objectivement aujourd'hui qui, de l'UCF ou du collectif, a raison ». Le Conseil national de la chirurgie s'apprêterait à demander un entretien au directeur de l'Uncam (Union nationale des caisses d'assurance-maladie), Frédéric van Roekeghem, pour tirer cette affaire au clair.
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