JUSQU'A PRESENT, la prise en charge des patients atteints de carcinome basocellulaire (CBC) dépendait largement de la pratique du premier médecin consulté (chirurgie, radiothérapie...). De plus, la classification utilisée était descriptive, distinguant jusqu'à 16 types de CBC, sans correspondance entre la clinique et l'histologie. La simplification des classifications cliniques et histologiques a donc constitué la première étape du travail des experts. Son objectif était de définir clairement les formes pronostiques et de codifier les attitudes thérapeutiques correspondantes. Le Pr Bernard Guillot signale aussi le bénéfice de l'utilisation d'une terminologie commune dans les études à venir, la classification recommandée étant celle adoptée dans la plupart des recommandations internationales. Elle distingue trois sous-types cliniques - les CBC nodulaire, superficiel et sclérodermiforme - et quatre sous-types histologiques - nodulaire, superficiel, infiltrant et sclérodermiforme.
Un facteur pronostique essentiel.
Le CBC se caractérise par une évolution lente et essentiellement locale. Son pronostic n'est donc pas défini en termes de survie à cinq ans. Le facteur pronostique essentiel est le risque de récidive, en fonction duquel trois groupes sont distingués :
- les CBC de mauvais pronostic comprennent les formes cliniques sclérodermiformes ou mal limitées et les formes histologiquement agressives, les formes récidivées (sauf les CBC superficiels) et les tumeurs nodulaires de plus de 1 cm et situées dans une zone à haut risque de récidive (nez, zones péri-orificielles de l'extrémité céphalique) ;
- les CBC de bon pronostic sont les CBC superficiels primaires, les CBC nodulaires de moins de 1 cm sur la zone à risque intermédiaire de récidive (front, menton, joue, cuir chevelu, cou) et de moins de 2 cm sur la zone à bas risque (tronc, membres) ;
- le groupe de pronostic intermédiaire comprend les CBC superficiels récidivés, les CBC nodulaires de moins de 1 cm localisés sur la zone à haut risque de récidive, de plus de 1 cm sur la zone à risque intermédiaire et de plus de 2 cm sur la zone à bas risque.
Le diagnostic du CBC se fait initialement par la clinique. La suspicion clinique nécessite habituellement une confirmation par la biopsie qui permet, bien sûr, de confirmer le diagnostic, mais aussi de donner des indications sur le type histologique qui conditionne la conduite à tenir. Elle n'est pas nécessaire dans les CBC typiques cliniquement et de bon pronostic. Ces formes peuvent, en effet, bénéficier d'emblée d'une exérèse avec une marge de sécurité de 3 ou 4 mm.
La stratégie thérapeutique.
Le traitement de première intention des CBC est la chirurgie, avec une marge de 3-4 mm, sans analyse extemporanée dans les formes de bon pronostic, et de 4 mm au minimum dans les formes de pronostic intermédiaire. Pour les tumeurs de mauvais pronostic, la marge de sécurité recommandée est plus grande, de 5 à 10 mm, voire plus. Lorsque, pour des raisons fonctionnelles ou esthétiques, il n'est pas possible de respecter ces marges, « des précautions supplémentaires doivent être prises », indique le Pr Guillot. En l'absence de démonstration de la supériorité de l'une d'entre elles, ce sont les habitudes des médecins qui déterminent le choix des trois options disponibles que sont, d'une part, la chirurgie de Mohs, une technique peu utilisée en France, qui a fait l'objet de nombreuses études anglo-saxonnes, mais dont les résultats n'ont jamais été comparés à ceux d'une autre chirurgie, d'autre part, la chirurgie d'exérèse en deux temps qui permet un contrôle en paraffine des marges avant fermeture et, enfin, la chirurgie avec contrôle extemporané des marges.
La radiothérapie n'intervient qu'en deuxième intention, quand la chirurgie est impossible, soit parce qu'il existe des contre-indications ou des difficultés à ce traitement, soit que le patient la refuse. Elle n'est pas non plus recommandée chez les moins de 60 ans, dans les CBC sclérodermiformes et dans les CBC situés sur les oreilles, les mains, les pieds, les jambes et les organes génitaux.
Parmi les autres techniques, la cryochirurgie se discute en deuxième intention, dans les CBC de pronostic bon ou intermédiaire. Le curetage électrocoagulation est une vieille technique très « opérateur-dépendante », qui tend à disparaître et n'est pas recommandée.
La place des nouveaux traitements.
Des nouveaux traitements pour lesquels on dispose d'une bonne littérature sont également envisagés. Comme l'explique le Pr Guillot, les recommandations ont été établies à un moment où l'imiquimod n'avait pas encore l'autorisation de mise sur le marché dans cette indication. Délivrée en juillet dernier, l'AMM européenne stipule qu'il est indiqué dans les CBC superficiels de petite taille de l'adulte. La photothérapie dynamique donne des résultats satisfaisants dans les CBC superficiels. Quant à l'interféron, bien qu'ayant donné quelques résultats probants, il n'est pas recommandé en raison de ses effets secondaires et de son efficacité limitée. Enfin, le laser n'est pas recommandé non plus, du fait de l'absence de données bibliographiques.
*D'après un entretien avec le Pr Bernard Guillot, CHRU, hôpital Saint-Eloi, Montpellier, président du groupe de travail.
Les recommandations sont en ligne sur le site de l'Anaes (www.anaes.fr).
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