« EN UTILISANT notre technologie nucléase zinc-finger (NZF), nous avons fait avancer le domaine de la recombinaison homologue ciblée vers des niveaux d'efficacité et de spécificité qui pourraient rendre possible d'éventuelles applications thérapeutiques », explique le Dr Michael Holmes (Sangamo BioSciences, Richmond), qui a dirigé ce travail. « Notre technologie NZF nous permet de faciliter la modification d'une séquence d'ADN en un point très spécifique du génome, dans ce cas, à l'endroit d'une mutation d'un gène. La cellule avec sa propre machinerie corrige la mutation en utilisant une séquence d'ADN que nous fournissons. Tout cela survient sans avoir recours à l'intégration d'un ADN étranger dans le génome des cellules. Une fois le gène réparé, ces cellules se divisent et se répliquent normalement, produisant des cellules filles porteuses du gène modifié qui sont donc corrigées de façon permanente. »
Les protéines zinc-finger (en doigt de zinc), naturellement présentes dans les organismes, se fixent à l'ADN et à l'ARN. Le motif C2H2 zinc-finger est le motif de fixation d'ADN le plus fréquent. Chaque boucle d'acides aminés maintenue en 3D par un atome de zinc (ou doigt) reconnaît trois ou quatre paires de bases d'ADN. Plusieurs doigts peuvent être liés en tandem afin de reconnaître de façon très spécifique une large gamme de séquences d'ADN.
L'approche décrite par Urnov, Holmes et coll. exploite deux processus biologiques fondamentaux : d'une part, la reconnaissance de l'ADN par les protéines C2H2 zinc-finger, d'autre part, un mécanisme cellulaire de réparation (dirigée par homologie) des cassures double brin d'ADN.
En effet, des protéines zinc-finger peuvent être conçues de façon à reconnaître un site chromosomique unique, et fusionnées à un domaine nucléase qui créera une cassure de l'ADN. La cassure double brin produite par la nucléase zinc-finger peut, en stimulant la recombinaison homologue entre le chromosome et un ADN extrachromosomique donneur, créer des modifications spécifiques de la séquence d'ADN.
Déficit immunitaire combiné sévère.
L'équipe s'est intéressée à une mutation responsable du déficit immunitaire combiné sévère (DICS) lié à l'X. Dans cette maladie, les patients porteurs de mutations dans le gène IL2R gamma ne produisent pas de protéine fonctionnelle gamma C indispensable au bon fonctionnement du système immunitaire.
Exploitant une bibliothèque de modules zinc-finger, les chercheurs ont créé une nucléase zinc-finger (NZF) qui reconnaît 24 paires de base entourant la mutation du gène IL2R gamma. Ils ont créé également un plasmide donneur contenant la séquence clé normale du gène IL2R gamma.
Quatre jours après avoir transfecté des cellules humaines avec le plasmide donneur et la NZF, ils ont observé une correction du gène (par recombinaison homologue) dans près de 20 % des cellules. Un tiers des cellules corrigées (7 % de toutes les cellules) ont acquis la correction sur les deux chromosomes. Cela s'est traduit par les changements d'aval prévus, avec augmentation des taux d'ARNm et de la protéine. Les mêmes taux élevés de correction sont observés lorsque l'on procède à la transfection des cellules T.
Si des travaux supplémentaires sont nécessaires pour optimiser l'approche à des fins thérapeutiques, l'efficacité obtenue dans l'étude pourrait être suffisante pour obtenir un effet thérapeutique.
Maladies monogéniques, VIH.
« Ces résultats soulignent le potentiel de la thérapie de correction génique pour les maladies monogéniques humaines », observe Edward Lanphier, président de Sangamos. « Nous travaillons maintenant avec nos collaborateurs cliniques afin de transférer cette technologie en clinique. Notre recherche initiale se concentrera sur les maladies monogéniques des cellules sanguines, comme la drépanocytose et la bêtathalassémie. De plus, cette technologie forme également la base de notre programme pour développer un traitement potentiel pour l'infection à VIH, en interrompant l'expression du gène CCR5 afin de créer une population de cellules résistantes au VIH. »
« Nature », 4 avril 2005, DOI : 10.1038/nature03556.
Satisfaction d'un Nobel
Pour sir Aaron Klug, qui, trois ans après avoir reçu le prix Nobel de chimie en 1982, découvrait les premières protéines zinc-finger, « ce travail est une étude phare qui établit une base pour développer des thérapies fondées sur la modification des gènes, dépourvues des problèmes de sécurité dont ont souffert de nombreuses applications de thérapie génique traditionnelle. C'est une grande satisfaction personnelle de voir cette conséquence remarquable de ma découverte originale des zinc-finger ».
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