DE VERSAILLES, on connaît surtout les fastes et l’apparat des décors, les fêtes royales, les grandes gestes historiques qui s’y déroulèrent. Mais l’auguste Cour n’était pas que le lieu des plaisirs et des bals, des feux d’artifice et des ballets. Le domaine royal fut aussi le berceau d’un mouvement scientifique qui allait se développer jusqu’à la Révolution. Savants et chimistes, géologues et botanistes, chirurgiens et ingénieurs s’y retrouvaient – de Diderot et d’Alembert au Dr Quesnay, médecin de Mme de Pompadour, en passant par l’abbé Nollet, physicien spécialisé dans l’électricité, ou par Benjamin Franklin. Ils cherchaient, inventaient et travaillaient sans relâche l’astronomie pour la navigation, la géométrie et la chimie pour l’artillerie, la géodésie et la cartographie à des fins cadastrales et fiscales, la médecine et l’apothicairerie au service de la santé publique, la botanique et l’agronomie pour lutter contre les famines, la physique pour ses applications techniques, etc.
En 1699, Louis XIV donna à l’Académie royale des sciences son premier règlement. Cette dernière allait favoriser au XVIIIe siècle le grand progrès scientifique qui ferait de Versailles une référence en matière de prouesses techniques. Le domaine royal fut d’abord le lieu d’application de ces avancées scientifiques. Ce fut l’époque de l’embellissement du parc et de la résidence royale (un ensemble de pompes, d’aqueducs, de réservoirs et d’étangs artificiels vit alors le jour, avec notamment l’impressionnante machine de Marly). Le Jardin du roi était voué à la formation des apothicaires et servait également à l’étude de la nature et de l’histoire naturelle. Sous la direction de La Quintinie, le Potager était le terrain de nombreuses expérimentations botaniques. La Ménagerie domestique installée par Louis XV à Trianon favorisait quant à elle la connaissance de l’anatomie animale. Dans un autre registre, Quesnay conçut une représentation schématique de l’économie du royaume, le « Tableau économique » (1758). Les progrès de la médecine étaient largement favorisés par les rois, qui soumettaient leur propre corps à l’acte médical : ainsi, Louis XIV fut-il opéré d’une fistule en 1686 et les princes se firent-ils inoculer le vaccin contre la variole après la mort de Louis XV.
Versailles fut également le lieu d’enseignement des sciences et des pratiques savantes. Les enfants des rois et des princes recevaient une instruction fondée sur de nouvelles méthodes pédagogiques, avec des outils à la pointe de la recherche (des globes, des traités, les premiers instruments pédagogiques créés par Nollet « pour rendre visibles les choses invisibles », la fameuse pendule astronomique de Passemant…).
Démonstrations.
Mais le domaine royal fut surtout le lieu privilégié des grandes démonstrations. Ces dernières, réalisées devant le roi et la Cour, représentaient pour les scientifiques la consécration suprême. C’est ainsi que la première expérimentation de l’électricité eut lieu dans la galerie des Glaces (une chaîne humaine se prêtant à l’expérience électrisante de la secousse, connue à l’époque sous le terme de « commotion » électrique). En 1783, les frères Montgolfier obtinrent, grâce à l’Académie des sciences, l’autorisation de faire en présence du roi une démonstration de leur ballon à air chaud à Versailles. Ce fut le premier vol en montgolfière. C’est aussi à la Cour que se déroula l’expérience du « baquet de Mesmer », du nom d’un médecin de Vienne qui tenta de diffuser sa théorie du magnétisme animal, selon laquelle tout homme est apte à guérir son prochain grâce au magnétisme et au « fluide naturel » !
On pourrait multiplier les exemples passionnants, instructifs, audacieux et réjouissants qu’illustre brillamment cette exposition au gré de laquelle il est captivant de se promener. Sa valeur historique, et en même temps pédagogique, esthétique et ludique, témoigne parfaitement de la formidable période d’effervescence intellectuelle, d’érudition et d’avancées scientifiques de notre histoire.
– Château de Versailles, tél. 01.30.83.78.00, www.chateauversailles.fr. Tlj sauf lundi, de 9 heures à 17 h 30 (dernière admission à 17 heures). Jusqu’au 27 février 2011.
– À lire : catalogue de l’exposition, éd. RMN, 279 p., 45 euros ; les éditions de la RMN viennent également de publier le catalogue « Fragonard et ses Écorches. Un anatomiste au Siècle des Lumières », 160 p., 39 euros.
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