La diversification alimentaire protège contre les maladies inflammatoires

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Publié le 19/03/2019
Diversification alimentaire

Diversification alimentaire
Crédit photo : PHANIE

Les recommandations sur la diversification alimentaire vont-elles encore bouger ? C'est ce que laisse penser une étude française publiée dans « Immunity » sur le rôle protecteur de l'introduction de nourriture solide vis-à-vis de maladies inflammatoires telles que les allergies, la colite, les maladies autoimmunes et le cancer colorectal.

« Nos travaux chez la souris suggèrent une fenêtre essentielle entre l'âge de 3 à 6 mois chez l'homme », explique Gérard Eberl, de l'unité Microenvironnement et Immunité (Institut Pasteur/Inserm) et principal auteur.

La diversification alimentaire a connu différents changements de cap depuis les années 1960. L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande aujourd'hui l'allaitement exclusif, si possible maternel, jusqu'à l'âge de 6 mois. La position est reprise dans le Programme National Nutrition Santé (PNNS), qui fixe la première étape de diversification entre 6 et 8 mois.

En 2015, la Société Française de pédiatrie est plus nuancée, indiquant « qu'il n'y a pas de justification nutritionnelle à donner un autre aliment que le lait, idéalement maternel, avant l'âge de 6 mois » et que « la diversification ne doit pas être commencée avant l'âge de 4 mois, en raison du risque d'allergie, mais pas après l'âge de 6 mois ».

L'introduction de nourriture, autre que du lait, est à l'origine d'une expansion du microbiote d'un facteur 10 à 100. « Ce phénomène s'accompagne d'une réponse immunitaire intense », rappelle Gérard Eberl. Cette réaction au sevrage, totalement dépendante du microbiote, a un rôle dans l'éducation du système immunitaire, via les cellules T régulatrices (Treg), ont démontré les scientifiques dans leur étude.

Empreinte pathogénique

« La réponse immunitaire est programmée dans le temps et possède de ce fait une fonction unique dans le développement du système immunitaire », poursuit le chercheur. En traitant les souris par antibiotiques ou en n'introduisant pas de nourriture solide pendant la fenêtre critique, les chercheurs ont constaté que les rongeurs étaient plus susceptibles par la suite à développer des maladies inflammatoires : allergies intestinales, cancer colorectal et colites.

« C'est l'empreinte pathogénique, explique Gérard Eberl. Les événements dans la prime enfance déterminent une future susceptibilité aux maladies inflammatoires. Si le système immunitaire est mal réglé, il est plus réactif ». Cette empreinte est de nature probablement épigénétique, c'est-à-dire qu'un stress, un facteur environnemental peut changer l'expression des gènes via la modulation des réactions chimiques sur l'ADN.

Vitamine A, les fibres, acides gras à chaînes courtes

Les antibiotiques sont parfois indispensables, comment faire pour contrecarrer les effets négatifs  ? « Nos travaux ont permis de mieux comprendre par quels éléments passe la réaction de sevrage, développe le chercheur. Notre équipe a identifié des éléments pour complémenter les enfants traités par antibiotiques : la vitamine A, les fibres, les bactéries qui fermentent ces fibres et surtout les produits de cette fermentation, à savoir les acides gras à chaînes courtes. En donnant des acides gras à chaînes courtes aux souris, on arrive à les sauver ». Une autre piste est de mieux comprendre comment le microbiote change le code épigénétique. « Une approche consiste à reprogrammer les cellules T reg pour les rendre fonctionnelles », indique-t-il.

Un dérèglement du système immunitaire est décrit dans de nombreuses maladies dont la prévalence augmente : diabète, maladies auto-immunes, sclérose en plaques, maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (MICI). « Nous envisageons d'étudier l'hypothèse dans les maladies neurodénégératives, annonce Gérard Eberl. L'idée est qu'après des années de dérèglement subtil du système immunitaire, le cerveau finit pas ne plus fonctionner normalement ».  

 

 

 


Source : lequotidiendumedecin.fr