Le cas Moitoiret

La faillite de l’expertise psychiatrique

Publié le 05/12/2013
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Pr J.-P. Olié (1)

LES EXPERTS psychiatres ont été divisés sur le cas Stéphane Moitoiret : partiellement responsable pour les uns (atténuation de la responsabilité), irresponsable pour les autres (abolition de la responsabilité). Les jurés n’ont écouté aucun des experts : ils ont puni Moitoiret à hauteur de la gravité de son acte (perpétuité en premier jugement, 30 ans de réclusion en appel). Quelles questions cela pose-t-il à la psychiatrie ?

1) Comment les médecins peuvent-ils souhaiter la responsabilisation d’un malade mental ? Peut-on croire que cela est une forme de respect du malade en le soumettant à la loi commune ? Si tel est le cas, nous devons œuvrer pour une révision de la loi.

2) Comment des jurés peuvent-ils souhaiter la responsabilisation d’un malade mental ? Serait-ce par crainte d’une incapacité de l’institution psychiatrique à contenir un homme ayant été capable de commettre un acte aussi atroce que celui dont Moitoiret a été l’auteur ? Si tel est le cas, il nous appartient soit de reconstruire l’hôpital psychiatrique soit d’un faire réviser l’image.

Les questions, ainsi posées écartent des hypothèses trop embarrassantes que seraient celles d’une médiocrité de certaines expertises, d’une violence sociétale à l’encontre des malades mentaux révélée par les choix successifs des jurés de l’Ain et du Rhône.

En tout cas le fait est historique : le cas Moitoiret nous indique que l’héritage de Pinel, soucieux de discriminer parmi les délinquants et déviants ceux qui, porteurs d’une maladie mentale, relèvent de soins plus que de punitions, est remis en question. Serait-ce la faillite de l’expertise psychiatrique, telle qu’elle a été conçue pour identifier les cas de trouble mental et indiquer les outils de la médecine et leurs niveaux d’efficacité ? À nous tous de dire si cette voie ouverte est à suivre ou s’il faut, au contraire, se donner les moyens de la fermer définitivement.

(1) Expert à la Cour de Cassation. Académie Nationale de Médecine. Hôpital Sainte-Anne, Paris.


Source : Bilan spécialistes