« DOCTEUR, je suis fatigué. » Combien de patients expriment cette plainte ? Comment l'objectiver ? Tout comme la douleur, la fatigue est un symptôme à la fois multiforme, non discriminant et très subjectif. Elle peut cacher aussi bien des soucis affectifs qu'une pathologie grave. Il revient donc au médecin de savoir faire la part des choses. Mais, tout comme la douleur, une chose est sûre à propos de la fatigue : il ne faut jamais la négliger.
Médicalement parlant, la fatigue n'existe pas. En réalité, on commence à la considérer lorsqu'elle prend la forme de l'asthénie, c'est-à-dire une fatigue intense qui ne cède pas au repos. Bien sûr, dans la pratique, les choses ne sont pas toujours aussi simples et nombre de patients qui se plaignent d'un réel épuisement pourraient aller mieux en prenant des vacances ; mais comme ils ne le font pas, il devient impossible de dire s'ils souffrent d'une fatigue réductible ou d'un symptôme masquant une pathologie organique, par exemple.
Physiologiquement provoquée par un manque de glucose ou d'oxygène, ou, au contraire, par une intoxication par les déchets de combustion du sucre (courbatures au niveau local, lassitude lorsque le phénomène se généralise), la fatigue ne s'exprime pas chez tous de la même façon. Chez l'enfant, elle peut prendre paradoxalement la forme d'une excitation importante, accompagnée le plus souvent d'une grande intolérance à la frustration et d'un déficit de l'attention. Chez l'adulte, elle sera ressentie comme un épuisement, mais pourra aussi se traduire par une dépression généralisée, des conduites agressives, des troubles de la mémoire ou de la concentration. Certains, à tort, craignent une maladie de type Alzheimer. Plus généralement, la fatigue se traduit par une modification inexpliquée du comportement habituel de la personne, psychiquement (altération des fonctions cognitives) mais aussi physiquement (ton de la voix, vivacité des gestes), qui peut être associée à des douleurs diverses paraissant sans fondement. L'interrogatoire précis et l'examen clinique détaillé permettront seuls d'orienter le sens de cette fatigue vers une des nombreuses causes possibles.
Diagnostic difficile.
Signe de surcharge de l'organisme, la fatigue est un signal d'alarme pour le patient mais rarement une indication précise pour le médecin. Premières choses à vérifier : la personne dort-elle suffisamment et ne souffre-t-elle pas de troubles du sommeil (notamment d'apnée obstructive) ? A-t-elle des activités épuisantes (intensité du travail, contraintes physiques, emploi du temps surchargé, etc.) ? Est-elle soumise à des contraintes environnementales excessives (bruit; notamment) ? Il s'agit alors de savoir si son état s'améliore après un réel repos ou l'éloignement des facteurs de stress. Dans le cas contraire, des facteurs organiques peuvent être évoqués, en particulier la consommation d'alcool, de médicaments ou de tout autre toxique. Autres causes organiques : les maladies cardio-vasculaires, pulmonaires, hépatiques, hormonales (hypothyroïdie, notamment), etc. On ne citera pas bien sûr la fatigue extrême qui peut accompagner une maladie déjà diagnostiquée, cancer, par exemple.
Si elle n'a pas d'origine physique connue, une fatigue réelle peut s'installer pour des causes psychiques : le stress (post-traumatique ou dû à la répétition au quotidien de micro-agressions), l'anxiété (généralisée, phobique, obsessionnelle), la dépression peuvent entraîner des fatigues intenses. La prise en charge sera alors avant tout psychothérapique, en tenant compte du fait que, si la cause est psychique, la fatigue, elle, a un effet physique certain. Enfin, plus rares, des maladies comme la fibromyalgie ou le syndrome de fatigue chronique (SFC) devront être diagnostiquées par des spécialistes de ces questions.
Dans tous les cas, la plainte doit absolument être entendue et jamais reléguée au rang des plaintes « psychosomatiques », comme on l'a fait des années durant pour la douleur. Si la cause n'est pas toujours identifiable, la souffrance est bien réelle et mérite l'attention du médecin.
Article réalisé avec le concours du Pr Maurice Ferreri, chef du service psychiatrie de l'hôpital Saint-Antoine (AP-HP), auteur d'un livre à paraître chez Solar, « Réponses à vos questions sur la fatigue ».
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature