Après plusieurs décennies d’une utilisation parfois débridée de l’antibiothérapie, une nouvelle fois les experts tirent la sonnette d’alarme sur le développement de bactéries extrêmement résistantes tandis que très peu de nouvelles molécules sont attendues dans les dix prochaines années. A l’occasion de sa récente Journée mondiale, l’OMS s’est choisi pour thème la résistance aux médicaments et son directeur général, le Dr Margaret Chan, ne mâche pas ses mots en déclarant que « le monde est sur le point de perdre ces médicaments miracles » et court le risque d’entrer dans une « ère post-antibiotiques » au cours de laquelle de nombreuses infections courantes ne pourront plus être soignées et recommenceront à tuer. » Un article co-signé par 14 scientifiques du monde entier vient de paraître pour appeler à une mobilisation sur le thème. Et c’est au tour du Haut Comité de Santé Publique de dresser un bilan de la politique nationale menée depuis 2001 en faveur de la préservation de l’efficacité des antibiotiques. N’en jetez plus !
Il faut dire que l’heure est grave. Après avoir cru que les antibiotiques allaient régler facilement tous les problèmes infectieux, la survenue de résistances n’est plus une menace mais une réalité quotidienne en médecine de ville.
L’antibiorésisitance concerne certes toujours en priorité le secteur hospitalier, lieu privilégié de transmission des bactéries en raison notamment de la forte concentration de malades. Mais désormais, selon la Cnamts, le tiers des souches d’E.Coli résistantes aux fluoroquinolones est contracté en ville et le niveau de résistance des pneumocoques aux macrolides est à l’origine de nombreux échecs cliniques. De plus, le développement de résistances bactériennes oblige à recourir à d’anciens antibiotiques qui n’étaient plus prescrits en raison de leurs effets indésirables, tel la colistine.
On sait bien que l'apparition de la résistance est associée à la surconsommation d'antibiotiques, ou à des traitements trop courts ou trop longs ou simplement mal dosés.
Ce sont donc les habitudes de tout un pays, à commencer par celles des médecins, qui doivent être changées puisque la prescription d'antibiotiques en ville représente l’immense majorité des antibioprescriptions en santé humaine. Selon le HCSP, même si les efforts déjà entrepris ont porté des fruits, la consommation française reste en milieu ambulatoire l’une des plus élevées d'Europe.
Il y a donc urgence à développer la recherche dans ce domaine. Quitte à ce que les pouvoirs publics mettent la main à la pâte. Mais compte tenu des délais incompressibles de la recherche et du développement de nouvelles molécules, il faut revenir à nos bons vieux réflexes d’écologie bactérienne. Un pas en arrière permet parfois un grand bond en avant.
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