LES COTES DE POPULARITÉ du président de la République et du Premier ministre indiquent non seulement une désaffection de l’opinion publique vis-à-vis du pouvoir, mais un besoin de changement. Le mouvement naturel de l’alternance devrait donc jouer en faveur de l’opposition qui, depuis 1981, a acquis une forte expérience de gouvernement. La gauche, en tout cas celle qui a déjà été aux affaires, ne fait plus peur à personne. Mais nous ne sommes plus en 1981, ni même en 2002. La persistance du chômage, la paupérisation d’une large fraction de la population, l’insuffisance de la croissance, avec son corollaire, un endettement excessif, a donné du sens au discours de la gauche radicale. Du Parti communiste, enfin libéré de ses compromissions avec le pouvoir, à la LCR et à LO, l’exaltation révolutionnaire est soutenue par la progression de la précarité et recrute des adhérents.
C’est le rôle du Parti socialiste de fédérer et de canaliser les mécontentements. Il n’est pas sûr, cependant, qu’il ait gardé son ascendant sur les mouvements les plus à gauche, d’autant que les socialistes classiques, à la Jospin ou à la Strauss-Kahn, sont eux-mêmes contestés par l’aile gauche du PS, dont Laurent Fabius voudrait faire son tremplin vers le pouvoir.
Le risque d’un deuxième 21 avril.
Quand on sait que les Verts sont incapables de désigner un candidat à l’élection présidentielle, que le PC conteste la candidature de José Bové, qu’Olivier Besancenot refuse de dire qu’il votera pour le candidat PS au second tour, on voit que tous les ingrédients sont réunis pour une répétition du 21 avril 2002.
POUR LE MOMENT LA DEGRADATION DU CLIMAT SOCIAL A PLUS PROFITE A L'EXTREME GAUCHE QU'AU PS
En d’autres termes, la dégradation du climat socio-économique et du climat politique ne bénéficie pas à la gauche prise globalement, mais aux groupes minoritaires de gauche qui risquent de faire défaut au PS dans un premier tour où on dit que Jean-Marie Le Pen va égaler ou améliorer son score de 2002.
Bien entendu, si le PS se radicalisait lui aussi, il entraînerait avec lui cette partie de l’électorat qui est tentée de voter communiste ou extrême gauche. Mais il ne pourrait le faire qu’en se privant alors des socialistes plus modérés. Et c’est bien pourquoi le pari de Laurent Fabius de séduire à la fois la gauche modérée et la gauche révolutionnaire nous semble bien difficile à tenir, d’autant que l’ancien Premier ministre véhicule maintenant une image européenne délétère pour tous ceux que le « non » au référendum de l’an dernier a consternés.
Le projet de fédérer toute la gauche, de Besancenot à Hollande, nous semble relever de la mission impossible. D’autant que, qu’on le veuille ou non, Ségolène Royal, qui est à mille lieues de s’unir à l’extrême gauche ou au PC et préfère séduire une partie de la droite, demeure jusqu’à présent la meilleure candidate du PS, quoi qu’en pensent ses rivaux.
Un jeu brouillé.
C’est la présence de personnalités fortes et populaires, Mme Royal à gauche, M. Sarkozy à droite, qui brouille le jeu de 2007. Tous les deux s’adressent directement à l’électeur en passant au-dessus de la formation politique à laquelle ils appartiennent ; tous les deux, à tort ou à raison, séduisent ceux qui sont avides d’un changement, peut-être moins idéologique que pragmatique ; tous les deux font des campagnes personnelles et envoient des messages où se mêlent des inspirations diverses qui ne doivent rien à la doctrine. Cette position différente ne garantit ni la qualité de leur caractère, ni l’efficacité de leur gestion à venir ; elle correspond tout simplement au vent frais venu du large qui aère une pièce restée trop longtemps fermée à la rumeur du monde.
On a le droit de croire qu’il y a, à gauche, des candidats plus sérieux que Ségolène Royal, par exemple M. Strauss-Kahn ; on peut s’inquiéter du formidable appétit de pouvoir de M. Sarkozy. Mais les faits sont têtus. Le discours, la tactique, l’allure ont une influence majeure dans le destin du candidat.
En conséquence, si les socialistes, encombrés par leurs alliances fragiles et bruyantes, ne choisissent pas celui (celle) qui a la meilleure chance de gagner, ils ne parviendront pas à battre la droite en s’appuyant seulement sur son mauvais bilan. Aussi déçue que l’opinion soit par MM. Chirac et Villepin, elle ne se contentera pas, cette fois, d’une alternance qu’elle a déjà pratiquée. Elle a besoin d’un plus.
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