AVEC près d’une centaine d’ouvrages publiés qui lui ont permis de visiter presque toutes les époques, Michel Peyramaure s’est fait une spécialité du roman historique. Il a reçu le grand prix de la Société des gens de lettres et le prix Alexandre-Dumas pour l’ensemble de son oeuvre.
Dans «le Temps des moussons» (1) il nous entraîne jusqu’en Inde, au début du XVIIIe siècle, lorsqu’il fallait près d’une année de traversée en mer pour atteindre le continent.
Son sujet n’est pas des plus réjouissants, qui est l’histoire d’une colonisation manquée. Rien de pédant évidemment dans son récit. Il met en scène des personnages de caractère, dont un narrateur fictif envoyé à Pondichéry pour le compte de la Compagnie des Indes orientales, et son ami, l’aventurier Joseph-François Dupleix. On le suit entre le Bengale et la côte de Coromandel en train de mener des expéditions à l’intérieur de l’Inde et jusque dans la mer de Chine. Devenu gouverneur des comptoirs français de la Compagnie Dupleix, il est chargé de faire entrer les produits rares dont les Français sont friands – épices et thé ainsi que soieries et diamants –, mais aussi de livrer une guerre commerciale aux concurrents, anglais notamment, jusqu’à se défendre par les armes. Une aventure qui va durer trente années.
Le dépaysement n’est pas moindre dans le nouvel ouvrage de Nicolas Bouchard – un auteur de science-fiction et de romans policiers, prix des Inrockuptibles 2004, qui a publié l’an dernier son premier thriller historique, « L’Hymne des démons ».
«Aziza et la malédiction» (2) se déroule en Algérie il y a deux cents ans, alors sous domination turque, et qui subit une terrible famine. Les événements évoqués sont ceux qui ont précipité le fameux « coup d’éventail » et la colonisation du pays.
Accusé d’affamer le pays en vendant tout le blé à la France, le chef de la communauté juive, Nephtali, est tué par un soldat turc. Le pogrom commence.
Si elle échappe au massacre, Aziza, la petite-fille de Nephtali, alors âgée de dix ans, n’est pas épargnée par la violence : émeutes, scènes de massacre, ostracisme envers sa famille, jusqu’à la décapitation de son frère. Elle se persuade alors qu’une malédiction pèse sur sa famille, qui pourrait bien être causée par une créance du dey d’Alger datant de la campagne d’Egypte de 1797, mais jamais payée par les Français. Pour connaître la vérité sur cette obscure histoire politico-financière, elle va plonger dans un monde de dangers insoupçonnés.
Professeur des écoles et passionné par le Moyen Age, Jean-Denis Clabaut mêle, dans «l’alliance de Cana» (3), l’Histoire à la fiction, les temps actuels et ceux du passé, mettant en scène les différentes époques comme si l’on y était.
Le roman se présente sous forme d’enquête qui vise à déterminer si saint Piat – dont la légende dit qu’après avoir fui son Italie natale afin d’échapper aux soldats de Maximien, il est arrivé à Seclin, dans la banlieue lilloise, en portant le sommet de son crâne dans ses mains – a eu une existence réelle. Il était chargé de cacher l’anneau que lui avait confié le patriarche de la communauté chrétienne de Rome.
Le Vatican s’intéresse à l’affaire, mais c’est un jeune professeur d’histoire qui mène l’enquête dans les sous-sols anciens de Seclin et à travers l’histoire de la région. Il mettra ses pas dans ceux de Clovis, de saint Eloi et des iconoclastes de l’année 1577, se rapprochant de plus en plus de celui qui a amené la preuve du bien-fondé d’une hérésie, pourtant condamnée depuis le premier concile de l’histoire.
Roman historique ou roman tout simplement, «le Voyage» (4) de François Cavanna vaut le détour. L’idée en est amusante.
Il raconte l’histoire d’un certain Konogan Kavanagh, irlandais pur jus, tignasse châtain, yeux tout ce qu’il y a de bleus, mercenaire sans emploi après que Ferdinand d’Aragon et Isabelle de Castille ont bouté les Arabes hors d’Espagne, qui est embarqué par la ruse sur la Santa Maria, le navire de Cristoforo Colombo – né à Bettola, Italie – en route avec la Niña et la Pinta pour découvrir la Chine. Le soldat est chargé de transformer l’équipage en un bataillon de fantassins bien entraînés au maniement des armes et rompus aux rites de la guerre sur terre.
Nous voilà donc embarqués dans la grande aventure à travers le récit de ce Candide au parler franc et aux manières parfois cavalières. Car la fabuleuse traversée n’est pas seulement une affaire d’hommes ; il y a des femmes et plus précisément une Gisella dont le fier Irlandais tombe amoureux et qui se révèle être... la fille de l’Amiral.
L’épopée de 1492 terminée, vient l’épilogue du roman, en 1902, où un certain Luigi Cavanna prend le train à Bettola pour « faire le maçon » à Paris ; la relation entre ce jeune homme, le futur père de l’auteur, et LE voyage en question, nous fait aborder aux rivages du rêve !
Après la biographie romancée de Bouddha, « Moi Bouddha », et son livre d’histoire grand public « Il était une fois la Chine », José Frèches, auteur notamment des trilogies romanesques « le Disque de jade » et « l’Impératrice de la soie », revient au roman historique. Il situe les deux tomes de «l’Empire des larmes» (5) : «la guerre de l’opium» et «le Sac du Palais d’Été» au XIXe siècle, en pleine « guerre de l’opium » lorsque les Anglais puis les Français ont forcé la Chine à acheter l’opium qu’ils produisaient en Inde tout en affamant son peuple et en pillant ses richesses. Un enfant, un fils secret de l’empereur Daoguang, peut seul changer le destin de son pays ; on veut sa mort, et s’organise à travers tout l’empire une traque impitoyable.
Grand récit d’aventures avec tous les ingrédients ad hoc, dans un empire du Milieu mystérieux et magique, le roman est aussi une critique des puissants et un éloge de la tolérance et de l’enrichissement mutuel : alors que la Chine et l’Occident s’avèrent impuissants à nouer un dialogue, les personnages de José Frèches, eux, se parlent et vont même jusqu’à s’aimer. Une vision d’honnête homme qu’on ne demande qu’à partager.
Avec «les Hommes de Galilée» (6), Frédéric Serror achève sa trilogie consacrée aux grands philosophes du XVIIe siècle ; il y a eu « l’Echelle de Monsieur Descartes » puis « Mystère Pascal », on s’intéresse maintenant à Pierre Gassendi, flanqué de son double italien, Galilée.
Le roman se noue en 1628 à Aix-en-Provence, autour d’une affaire judiciaire, la mort d’un enfant, le fils de la duchesse de Créqui, que l’on accuse de n’avoir jamais été enceinte et d’avoir trompé tout le monde. L’égyptologue et collectionneur Nicolas-Claude de Peiresc se passionne pour cette affaire et il entraîne dans sa quête sa nièce, la jeune Camille. D’Aix à Rome, de l’observatoire de Gassendi à l’atelier de Nicolas Poussin, parmi les libertins ou les jésuites, la jeune fille parviendra jusqu’au seuil des obscures manoeuvres du procès de Galilée. Elle disposera alors de la pièce manquante du puzzle pour élucider cette affaire.
Ecrivain et philosophe, Frédéric Serror fait feu de tout bois et mêle ici histoire, philosophie et science pour raconter un itinéraire rocambolesque, fondé sur des faits connus et moins connus.
(1) Editions Presses de la Cité, 461 p., 20,50 euros.
(2) Editions Belfond, 362 p., 19 euros.
(3) Editions France-Empire, 320 p., 18 euros.
(4) Editions Albin Michel, 348 p., 20 euros.
(5) XO éditions, 486 et 446 p., 21,90 et 20,90 euros.
(6) Editions Le Pommier, 392 p., 23 euros.
Un thriller égyptien
Après sa série sur Mozart, Christian Jacq renoue avec l’Egypte dans un thriller, «la Vengeance des Dieux», dont paraît le premier tome, «Chasse à l’homme».
Le héros est un jeune scribe, Kel, qui, arrivant en retard à son bureau, trouve son patron et ses collègues assassinés. Sans doute à cause du papyrus crypté qu’ils s’efforçaient de déchiffrer et qui recèle les noms des conjurés qui complotent contre le roi Amasis. Croyant les meurtriers proches, Kel s’enfuit avec le document. Désormais, tout l’accuse : le voici devenu le coupable idéal d’une véritable affaire d’Etat.
Dans ce récit – dont le second tome sera publié en janvier –, Christian Jacq fait revivre une période peu connue de l’Egypte pharaonique alors à un grand tournant de son histoire : le roi Amasis, ex-général venu au pouvoir grâce à un coup d’Etat, ivrogne et paresseux, ne s’intéresse qu’à la Grèce et ne voit pas se profiler l’ombre inquiétante des Perses à ses frontières.
XO éditions, 357 p., 19,90 euros.
Marie et Jésus superstars
Fort du succès de sa trilogie consacrée aux héroïnes de la Bible, Sarah, Tsipora et Lilah, Marek Halter revient avec «Marie» (1). Il s’intéresse non pas à la mère de Jésus, figure maternelle sacrée et désincarnée, mais à la jeune fille juive de Nazareth, puis la femme survivant aux horreurs de l’occupation romaine.
On voit ainsi, dans une Judée martyrisée par Hérode le Grand, la jeune Miryem devenir familière aussi bien des écrits de ses ancêtres que des textes grecs, comme de l’enseignement savant des Esséniens de Damas, une profonde culture qui lui permet de comprendre que seul un roi, fils de Dieu, porteur d’une parole de justice universelle, peut engendrer le futur. Cet homme, ce sera son fils.
Une création romanesque très personnelle mais aussi un beau portrait de femme de chair et de sang sensible et courageuse.
Même démarche de la part de Frédérique Jourdaa – journaliste, auteur de plusieurs essais – qui dans son premier roman, «le Baiser de Qumrân» (2), imagine ce que purent être les jeunes années de Jésus, de sa naissance jusqu’au jour où débuta sa Mission. Elle s’appuie pour cela sur les Evangiles apocryphes, notamment le Livre d’Enoch.
Rejeté par son père qui refuse de se laisser appeler « abba » et de lui transmettre son savoir de maître charpentier, l’enfant trouve bien lourd le secret de sa naissance. Chassé de son village de Nazareth, il se rend, sur les conseils de sa mère, en Judée, dans une forteresse creusée dans la roche au coeur du désert. C’est là, à Qumrân, où de grands esprits se réunissent pour faire le lien entre le ciel et la terre, que va se jouer le destin de Yesu. Initié à un savoir ancestral, il rencontre ceux qui, plus tard, l’accompagneront ou le trahiront. C’est là, aussi, qu’il tombe amoureux d’une jeune fille, prénommée Maryame.
(1) Éditions Robert Laffont, 329 p., 21 euros.
(2) XO éditions, 399 p., 19,90 euros.
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