DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL
CARREFOUR entre l'Union européenne et l'Europe centrale et orientale, la Hongrie partage des frontières avec la République slovaque, l'Ukraine, la Roumanie, la Serbie-et-Monténégro, la Croatie, la Slovénie et l'Autriche. Par sa taille (93 000 kilomètres carrés), son passé, ses acquis et ses infrastructures (notamment son industrie pharmaceutique), la Hongrie est à ce point emblématique des réussites et des échecs des pays nouvellement entrants dans l'Union européenne que le Leem (Les Entreprises du médicament), en cette « Année économique de la Hongrie en France », a tenu tout récemment un colloque à Budapest sur la problématique de ces pays en matière de santé.
L'héritage soviétique.
Pour le ministre hongrois de la Santé, Jeno Racz, l'un des principaux challenges que va rencontrer la Hongrie dans les prochaines années sera d'adapter « la politique de santé aux normes européennes », sans pour autant « abandonner la santé publique aux seules lois du marché ». Selon Imre Hollo, secrétaire d'Etat chargé de l'Economie au ministère de la Santé, si le système en vigueur sous la tutelle soviétique a été plutôt efficace en ce qui concerne la mortalité infantile, il l'a nettement moins été en matière de maladies cardio-vasculaires et de cancer. Si bien que l'espérance de vie d'un Hongrois de sexe masculin n'est que de 68 ans, alors qu'ailleurs en Europe, elle avoisine les 80 ans. Le secrétaire d'Etat indique également que les dépenses de santé ne cessent d'augmenter depuis le changement de régime provoqué par la chute du rideau de fer. « Mais, aujourd'hui, ajoute-t-il , nous ne sommes plus en mesure d'assumer cette augmentation. »
Il faut dire que le pays est gros consommateur de soins. Chaque Hongrois rend visite en moyenne vingt fois par an à un médecin. Et l'offre de médicaments a littéralement explosé : en 1990, les Hongrois avaient à leur disposition un répertoire de médicaments comprenant 1 300 spécialités, en 2002, ce répertoire en comprenait déjà 10 577. Entre 1990 et 2000, les dépenses de santé des ménages ont été multipliées par dix ; le gouvernement hongrois a dû contraindre les médecins à limiter leurs prescriptions à trente jours contre soixante précédemment.
Les mutations de l'industrie.
Historiquement, les pays de l'ex-bloc de l'Est disposent d'une industrie pharmaceutique forte, bien qu'elle soit tournée principalement vers la production de génériques. La fin du régime communiste et l'arrivée massive des investisseurs étrangers ont profondément restructuré l'industrie pharmaceutique hongroise, aujourd'hui à capitaux majoritairement étrangers. Avec une exception notable : GedeonRichter, numéro un hongrois du médicament, reste une entreprise à capitaux nationaux, mais il s'agit là de l'arbre qui cache la forêt. Car le numéro deux hongrois, Egis, appartient au Français Servier ; même chose pour le numéro trois, Chinoin, qui a été racheté par Sanofi-Synthelabo. En quatrième position, on trouve Biogal, propriété de l'Israélien Teva. Résultat : si, jusqu'en 1990, 74 % des médicaments consommés en Hongrie étaient fabriqués localement, ce taux est tombé à 31 % aujourd'hui.
D'une manière générale, 65 % des médicaments fabriqués en Hongrie sont des génériques, dont une bonne part est exportée vers d'autres pays du Peco (Pays d'Europe centrale et orientale), alors que la Hongrie importe près de 70 % de sa consommation de médicaments, essentiellement des princeps. Si bien que le marché global du médicament hongrois, marqué par de fortes importations de médicaments princeps, donc plus coûteux, est déficitaire. Le gouvernement hongrois envisage donc, malgré son déficit budgétaire important, d'accorder des déductions fiscales aux entreprises qui investissent dans la R&D, de manière à diminuer à terme les importations de médicaments princeps onéreux. Un projet dont ne peut que se féliciter Frédéric Ollier, P-DG de Sanofi-Aventis Hongrie. Pour ce jeune patron d'une entreprise qui emploie plus de 2 000 personnes en Hongrie et qui fabrique plus de 10 % des médicaments consommés dans ce pays, « la Hongrie va devoir faire des choix clairs à long terme en matière de santé et mieux récompenser ceux qui investissent sur l'avenir ». Il semble cependant que ces « choix clairs » en matière de santé (hausse des cotisations sociales, baisse des prestations et mesures fiscales pour la recherche et développement) ne seront faits qu'après les échéances électorales de 2006. Il ne restera alors que deux ans à ce pays pour mettre son déficit public au niveau des critères de Maastricht. Une gageure.
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