ESPERER ENVERS et contre tout. Le porte-parole du Vatican, Joaquin Navarro-Valls, aura tenu sur cette ligne de plus en plus intenable jusqu'à jeudi soir. Alors que l'entourage du pape, selon une source autorisée, se disait « très préoccupé quant aux capacités de récupération » du souverain pontife, âgé de 84 ans, il persistait quant à lui à parler de « convalescence », une convalescence certes « lente et progressive », mais qui devait, grâce à la pose, jeudi, d'une sonde naso-gastrique, « améliorer l'apport calorique et favoriser une bonne récupération de ses forces ».
C'est que Jean-Paul II avait perdu près de 19 kilos depuis la trachéotomie, avec pose d'une canule respiratoire, qu'il avait subie le 24 février, au cours d'une hospitalisation, la deuxième rendue nécessaire à trois semaines d'intervalle pour des problèmes respiratoires.
Administration du « saint viatique ».
Dans la nuit de jeudi à vendredi, les événements se sont précipités. Une forte fièvre s'est déclarée, provoquée par une infection des voies urinaires. Aux premières heures de vendredi, M. Navarro-Valls annonçait : « Une septicémie s'est déclarée et il a eu un arrêt cardiaque (...) Le saint-père a été immédiatement secouru par l'équipe de médecins de garde dans son appartement privé » et il a été placé « sous assistance cardio-respiratoire. »
L'état de santé du pape étant d'une « gravité évidente », il recevait, toujours conscient, le « saint viatique » (sacrement des malades).
Jea-Paul II avait déjà frôlé la mort lorsque, jeune pape athlétique, il s'était effondré le 13 mai 1981 sous les balles du Turc Ali Agka, place Saint-Pierre, à Rome. Depuis cette date, la litanie médicale de Karol Wojtyla n'avait guère cessé. Pour s'en tenir aux principales dates de cette éphéméride d'un patient hors du commun, il faut citer :
- la maladie à inclusions cytomégaliques qui a entraîné une fièvre rebelle aux antibiotiques en juin 1981, avec une inflammation de la plèvre du poumon droit ;
- l'opération d'une tumeur colique bénigne en juillet 1992, un adénome sigmoïdien pour lequel il fut procédé à une résection colique ; dans le même temps, les chirurgiens de la polyclinique Gemelli de Rome effectuaient l'ablation de la vésicule biliaire ;
- la réduction sous anesthésie générale d'une fracture de l'extrémité supérieure de l'humérus droit, à la suite d'une chute accidentelle, en novembre 1993 ; l'épaule était restée ensuite immobilisée pendant quatre semaines par un bandage ;
- la réduction, toujours sous anesthésie générale, d'une fracture du col du fémur à la suite d'une autre chute, en mai 1994 ; il s'agissait d'une fracture cervicale vraie, de type sous-capital, ce qui veut dire que la fracture siégeait juste à la jonction entre le col et la tête du fémur ;
- les premières atteintes de la maladie de Parkinson, rapportées en 1994 par un quotidien espagnol ; la même année, des rumeurs circulaient au sujet d'un cancer osseux et affirmaient que la tumeur digestive opérée en 1992 était en fait maligne ;
- l'appendicectomie effectuée en septembre 1996 à la suite de phénomènes phlogistiques récurrents de l'appendice qui avaient entraîné des accès transitoires de douleur ;
- une arthrose du genou droit pour laquelle une rumeur d'intervention était démentie en 2002. Les facultés de locomotion s'étaient par la suite inexorablement altérées et le pape, à partir de l'an dernier, ne se déplaçait plus qu'en fauteuil. Ce qui ne l'empêchait pas de poursuivre ses voyages, comme en dernier lieu, les 14 et 15 août, en France, à Lourdes, à l'occasion du 150e anniversaire de la proclamation du dogme de l'Immaculée conception de la Vierge Marie. L'ultime voyage, avant les deux hospitalisations d'urgence à Gemelli, d'abord le 1er, puis le 24 février.
Refus de l'acharnement thérapeutique.
Refusant d'être admis en soins intensifs, le pape s'en est tenu aux préceptes éthiques qu'il a enseignés en la matière au cours de son pontificat, comme en mars 2002, quand il avait dénoncé « un acharnement thérapeutique (qui), même avec les meilleures intentions du monde, se révélerait en définitive non seulement inutile, mais non pleinement respectueux du malade en état terminal ».
En même temps, en acceptant jeudi d'être nourri par une sonde nasale, il s'était rangé dans la ligne du message qu'il avait adressé, en mars 2004, à des médecins : « L'admission d'eau et de nourriture, même par voie artificielle, avait-il assuré, représente toujours un moyen naturel de conservation de la vie et non un acte médical. Une telle pratique doit donc être considérée (...) comme moralement obligatoire. »
Jean-Paul II avait réaffirmé alors « avec vigueur que la valeur intrinsèque et la dignité personnelle de chaque être humain ne changent pas quelles que soient les circonstances. Un homme, même gravement malade et empêché d'exercer ses fonctions les plus hautes, est et sera toujours un homme et ne deviendra jamais un "végétal" ou un "animal" ».
En janvier, lors d'une de ses dernières interventions publiques, il avait invité les fidèles à « rejeter une certaine mentalité courante qui considère les frères et les sœurs âgés comme quasiment inutiles, lorsqu'ils se retrouvent avec des capacités réduites par les inconvénients de l'âge ou de la maladie. » Dont acte.
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