Né voici près de 4 000 ans, la médecine perse a subi de nombreuses influences venues d'Inde tout d'abord, puis d'Egypte, de Chine et de Grèce. C'est dans le sixième livre du Zend-Avesta, le livre sint des Zoroastriens qu'on trouve les premiers textes se référant à la médecine dans l'Iran antique. Selon les croyances zoroastres, Thritâ fut le premier médecin perse, comme Imhotep en Egypte et Asclépios en Grèce. Grâce à l’école mazdéenne inspirée des idées de Zoroastre, les gens apprirent les méthodes de guérison à travers la religion et la spiritualité.
Des médecins aussi bien mages que prêtres
La médecine était encore alors étroitement liée à des croyances et des pratiques plus magiques que vraiment religieuses. Les Mages étaient tout aussi bien .prêtres et médecins comme les monarques étaient à la fois rois et prêtres. Le fondement de cette médecine irano-indienne réside dans les Eaux primordiales sensées détenir un germe unique : rasa (“sève") de la création, liqueur d’immortalité conférant la permanence, l’éternelle jouvence et aussi la santé.
[[asset:image:7286 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]D’après l’Avasta, , la médecine par les plantes aurait été révélée par Ahura-Mazda (Ormuzd) à Thritâ , et trois types de traitements sont distingués : la médecine par le couteau (chirurgie), la médecine par les herbes, la médecine par les paroles divines. Cette dernière est considérée comme la plus efficace, celle à laquelle on a recours lorsque les deux autres ont échoué. ''De tous les guérisseurs O Spitama Zarathustra, à savoir celui qui guérit avec le couteau, avec des herbes ou avec des incantations sacrées, le dernier cité est le plus puissant car il s’attaque à la source même des maladies " (Ardibesht Yasht).
Une médecine fondée sur les plantes
Thritâ est le dieu des Eaux comme son proche parent mythique Thraetona qui livra au ciel de retentissants combats contre le serpent cornu, venimeux et jaune : le dragon Azhi-Dahâka, qui emprisonne les nuages et empêche la pluie fécondante de tomber. Thraetona a, lui aussi préparé le Haôma “pour le monde des corps ". Ahura-Mazda, lui avait apporté les plantes guérissantes “par centaines, par milliers, par myriades ". Ces plantes poussaient autour de l’unique Gaokerena, l’arbre qui fournit l’Haôma blanc d’immortalité, objet d'un véritable culte :
Je célèbre les hautes montagnes où tu est poussé, & Haôma, belle plante omniscient
Haôma,donne-moi de ces vertus avec lesquelles tu sais guérir.
O Haôma d’or, je demande de toi la sagesse, la force et la victoire, la santé et la guérison.
Le second don que j’implore de toi, ô Haôma qui éloigne la mort, c’est la santé du corps
Le troisième don que j’implore de toi, ô Haôma qui éloigne la mort, c’est longueur de vie,
Aux guerriers qui pressent la course de leurs coursiers, Haôrna, donne vitesse et force.
Aux femmes, en désir d’enfant, Haôma, donne un bel enfant qui sera juste.
La figure de Thritâ se retrouve sous des noms différents aussi bien chez les Sumériens qu'en Inde et en Perse, puis plus tard en Grèce sous les traits du Glaucos grec, vénérable vieillard mendiant et devin, qui vit au fond de l’Océan. Tous vivent dans les eaux au pied de. l’arbre de vie où l’ambroisie entretient sa permanence.
Ainsi les plantes guérissent parce que leur sève est le véhicule de l’essence rasa contenue dans les Eaux, liqueur d’immortalité et de santé : "Venez, nuages, venez du haut du ciel, descendez sur la terre, par mille gouttes de pluie, par dix mille gouttes, prononce ces mots ô Saint Zarathushtra, pour faire évanouir la maladie, évanouir la mort, etc. Et avec ces pluies, pleuvent eaux nouvelles, terre nouvelle, plantes nouvelles, remèdes nouveaux et guérisons nouvelles " (Vendidad, chapitre 21).
Ardvi Surâ Anahitâ, la déesse des eaux, protège, pour sa part, la femme en couches et le foetus : « J’offre le sacrifice Ardvi Surn Anahitâ, au loin répandue, guérissant ... Sainte, qui multiplie ses dons, qui multiplie la richesse, qui multiplie tout le pays … qui purifie la semence de tous les mâles, qui purifie, pour enfanter, la matrice de toutes les femelles, qui donne un bon enfantement à toutes les femelles, le lait qu’il faut et tel qu’il le faut ».
Si une femme a accouché d'un enfant mort, elle est placée à trente pas du feu et des fidèles, qu’il convient de ne pas souiller par l’impureté de son état (cette notion de souillure communiquée par la femme en couches ou seulement à l’occasion de ses périodes cataméniales, persiste encore non seulement aujourd'hui chez les Parsis iraniens mais chez tous les Hindous). La première nourriture qu'on lui donne est de l’urine de bœuf, puis du lait bouillant de jument, de vache, de brebis ou de chèvre, de la farine de blé sans eau, du vin sans eau, et cela, pendant trois nuits ; puis elle lavera son corps, avec de l’urine de bœuf et de l’eau pour se purifier.
Les 99 999 maladies
Au commencement de la lutte des deux principes zoroastriens du Bien et du Mal Abura-Mazda et Ahraman, le mauvais œil d’Ahraman avait lancé contre Ahura 99 999 maladies (Vendidad, chapitre 8), cesdernières étant toujours causées par la dépouille du cadavre dans laquelle se tache insidieusement le démon de corruption : druj nasu. Pour guérir ces affections, le meilleur moyen est l’aspersion d’urine de bœuf et d’eau. L’hygiène avestique vise donc tout aussi bien à ne pas salir l’eau de la souillure des malades qu’à purifier par l’eau ce qui est souillé.
L’eau, force revigorante
Mais l’eau n’est pas seulement curative parce qu’elle purifie d’une souillure, elle est aussi une force revigorante détenant ce principe énérgétique qu’est Haôma, la sève des plantes. Ainsi, si une femme, qui a accouché d’un enfant mort-né, est atteinte par la fièvre, elle pourra boire de l’eau, même avant les trois jours de délai imposés à partir de la date de l’accouchement, car le premier devoir du médecin est de sauver sa vie. Mais dans ce cas, l’eau qui lui rendra ses forces ne lui sera donnée que de la main d’un homme pieux ou d’un fidèle instruit et pieux, elle boira de l’eau qui rend les forces.
Pour ne pas souiller l’eau, les Perses n'immergeaient pas leurs cadavres (Cyrus fit détourner ainsi un fleuve pour que son eau cessât d’être salie par la dépouille d’un cheval noyé) ; pour ne pas souiller le feu, élément sacré comme l’eau, ils n’incinéraient pas non plus et, pour ne pas souiller la terre, ils n'inhumaient pas, mais exposaient les cadavres en plein air pour qu'ils soient dépecés par les vautours afin de ne plus confier à la terre que des ossements considérés comme non impurs.
Le côté le plus original de la médecine perse, c'est de cherher systématiquement la cause des maladies est dans la corruption de la matière animal morte (nasu) : « c’est dans le Dakhmas que se produisent les maladies, la gale, la fièvre chaude, la mauvaise constitution et l’albinisme ».
[[asset:image:7291 {"mode":"small","align":"right","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]La thérapeutique par les plantes a été très à l' honneur dans la Perse antique, la santé étant véhiculée par leur sève mais les textes textes ne nous citent aucune plante médicinale dont on puisse déterminer l’espèce botanique. La plante de santé par excellence, c’est la plante mythique : “plante " ou “arbre de vie", Gaekeren qui fournit “Haôma " . Haôma est bon, Haomâ est créé juste, bon et guérisseur. Il est beau, il veut le bien, il est victorieux. De couleur d’or, de tige flexible, il est excellent à boire et le meilleur viatique pour l’âme. On a supposé qu'il s'agissait d'asclépias acida, des grains ferment fournissant une liqueur enivrante ; d'Ephedra pachyclade, de satcostema viminatis, d'Ephedra distachya ou encore de l’arbre sacré par excellence des Hindous : ficus religiosa, arbre à latex. Ce que l'on sait aussi, c'est qu'il y a autant de plantes médicinales que de maladies, 99 999. La recherche des simples était une telle préoccupation que selon Strabon, les jeunes Perses, de 5 à 24 ans, occupaient les après-midi à planter des arbres, fabriquer des armes et des engins de chasse, et reconnaître des simples.
Le rôle minime de la chirurgie
la chirurgie ne tint alors q'une place minime dans la médecine des temps zoroastriens et tout au plus sait-on que Kshathra-Vairya reçut du génie des métaux, le Kereta, ou couteau symbolique. Mais il n’est, pour l’Avesta, qu’un moyen bien insuffisant pour guérir les maladies.
L’importance des formules liturgiques
la formule liturgique, manthra, est identique à la mantra védique, et est incarnée par Airyaman toute puissante. N’est-ce pas à elle, d’ailleurs, que l’on a recours, même dans l’application de la médecine des plantes, avec laquelle elle confond parfois, puisque dans la plante, on invoque l’essence divine de la sève ou rasa sainte ?
Telle fut, dans son essence même, la médecine des Iraniens antiques, née de la science des Mages. Son influence s’étendit dans toute l'Asie Mineure, mais par la suite, à l’époque des Achéménides, les monarques s’adressèrent de préférence aux médecins grecs.
La Médecine en Perse avant l’ère Chrétienne d'après les auteurs grecs et romains
Peu à peu, l'influence grecque s'étendit en Perse et Hérodote s'intéressa ainsi particulièrement aux us et coutumes des habitants de ce pays : " Les Perses mangent peu de viande, mais beaucoup de dessert, qu’on apporte en petite quantité à la fois. Ils sont fort adonnés au vin, et il ne leur est pas permis de vomir, ni d’uriner devant le monde. Après les vertus guerrières, ils regardent comme un grand mérite d’avoir beaucoup d’enfants. Le roi gratifie tous les ans ceux qui en ont le plus. C’est dans le grand nombre qu’ils font consister la force. Ils commencent à cinq ans à les instruire, et depuis cet âge jusqu’à vingt, ils ne leur apprennent que trois choses : à monter à cheval, à tirer de l’arc et à dire la vérité. "
Hérodote fut frappé aussi par les précautions dont s'entouraient les Perses contre les lépreux : " Un citoyen infecté de la lèpre proprement dite, ou de l’espèce de lèpre appelée lucé, ne peut entrer dans la ville, ni avoir aucune communication avec le reste des Perses ; c’est, selon eux, une preuve qu’il a péché contre le soleil. Tout étranger, attaqué de ces maladies, est chassé du pays, et par la même raison ils ne veulent point souffrir de pigeons blancs. "
L’historien grec donne aussi un exemple de la renommée que prirent les médecins grecs à la cour des rois perses, comme Darius : "Il arriva que Darius, étant à la chasse, se donna une entorse au pied en sautant en bas de son cheval. Elle fut si violente, que la cheville du pied se débotta. Darius avait à sa Cour les médecins qui passaient pour les plus habiles qu’il y eût en Egypte. S’étant mis d’abord entre leurs mains, ils lui tournèrent le pied avec tant de violence qu’ils augmentèrent le mal. Le roi fut sept jours et sept nuits sans fermer l’œil tant la douleur était vive. Enfin, le huitième jour, comme il se trouvait très mal, quelqu’un qui, pendant son séjour à Sardes, avait entendu dire quelque chose de la profession de Démocédés de Crotone, lui parla de ce médecin. Darius se le fit amener en diligence. On le trouva confondu parmi les esclaves, comme un homme dont on ne faisait pas grand cas. On le présenta au roi, couvert de haillons, et ayant des ceps aux pieds. Darius lui ayant demandé s’il savait la médecine, Démocédés n’en convint point, dans la crainte de se fermer à jamais le chemin de la Grèce, s’il se faisait connaître. Darius, s’étant aperçu qu’il tergiversait, ordonna à ceux qui le lui avaient amené, d’apporter des fouets et des poinçons. Démocédés ne crut pas devoir dissimuler plus longtemps. Il dit qu’il n’avait pas une connaissance profonde de la médecine, mais qu’il en avait pris une légère teinture en fréquentant un médecin. Sur cet aveu, le roi se mit entre ses mains. Démocédés le traita à la manière des Grecs, et faisant succéder les remèdes doux et calmants aux remèdes violents, il parvint à lui procurer du sommeil, et en peu de temps il le guérit. "
Flavius Arrien raconta par la suite comment Alexandre fut soigné par un médecin grec dont on l'avait pourtant prévenu de se défier : " Alexandre tombe malade, par suite de ses fatigues, ou pour s’être jeté à la nage, tout échauffé et couvert de sueur, dans les eaux de Cydnus . Le caractère de la maladie s’annonce par un spasme, une fièvre aiguë et l’insomnie. Tous les médecins désespéraient de sa vie ; seul, Philippe, qui suivait Alexandre et avait sa confiance la plus intime, ordonne une potion médicale. Tandis qu’on la prépare, Parménion remet à Alexandre une lettre par laquelle on l’avertissait de se défier de Philippe, que Darius l’avait engagé, à prix d’argent, d’empoisonner le roi. Alexandre tenait encore l’écrit, lorsqu’on apporta le breuvage : il le reçoit d’une main, et de l’autre présentant la lettre à Philippe, il vide la coupe d’un seul trait, tandis que le médecin lit. La physionomie de Philippe annonce qu’il espère bien de ce breuvage ; il ne laisse échapper, pendant la lecture, aucun signe de trouble, il exhorte seulement Alexandre à suivre en tout point ce qu’il lui prescrira que sa guérison doit en être le prix. Alexandre recouvra la santé, après avoir montré à Philippe un attachement imperturbable, et à ceux qui l’entouraient, quelle était sa confiance dans ses amis, et combien peu il craignait la mort. "
Enfin, le fameux géographe grec Strabon fut lui aussi frappé par le rôle primordial qu'avait l'eau et le feu pour les Perses : "Ils honorent le soleil sous le nom de Mithras, et, avec le soleil, la lune, Vénus, le feu, la terre, les vents et l’eau. Avant de célébrer leurs sacrifices, ils choisis?sent une place nette de toute impureté … C’est au feu et à l’eau que les Perses offrent leurs sacrifices les plus solennels. S’agit-il du feu ? Y jeter soit un corps mort, soit de la fiente des bestiaux, sont autant de sacrilèges qui seraient punis de mort à l’instant. S’agit-il de l’eau ? Ils se transportent au bord d’un lac, d’un fleuve ou d’une fontaine, puis, creusant une grande fosse à côté, ils égorgent la victime juste au-dessus de cette fosse, en ayant bien soin que pas une goutte de sang ne se mêle à l’eau qui et là auprès et qui en serait souillée. Jamais les Perses n’urinent dans un fleuve, jamais. Ils ne s’y lavent ni ne s’y baignent ; jamais ils n’y jettent rien qui soit réputé impur, rien comme un cadavre, comme une charogne par exemple. "
Une stricte hygiène de vie
Strabon s'intéressa fut frappé aussi par la stricte hygiène de vie dans laquelle était tenue les jeunes Perses : "On exige aussi que les élèves rendent compte exactement de chaque leçon, et l’on met à profit cet exercice pour développer leur voix, leur poitrine, leurs poumons. On cherche, en outre, à les rendre insensibles au chaud, au froid, à la pluie, et, à cet effet, on les habitue à franchir les torrents sans mouiller ni leurs armes ni leurs vêtements, à faire paître les troupeaux, à passer la nuit dans les champs, et a se contenter pour toute nourriture des fruits sauvages du térébinthe, du chêne et du poirier. Mais en temps ordinaire voici quel est leur régime de vie : tous les jours, après les exercices du gymnase, chacun d’eux reçoit un pain, une galette de froment, du cresson, du sel en grain, et un morceau de viande rôtie ou bouillie. Ajoutons qu’ils ne boivent que de l’eau. Ils chassent toujours à cheval, avec l’arc, le javelot, et la fronde indifféremment. Le travail de l’après-midi consiste pour eux à planter des arbres. "
(à suivre)
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