Par le Dr HELENE BRESSON-DUMONT*
IL EST AUJOURD'HUI évident qu'il est important de diminuer la pression intraoculaire (PIO), quel que soit le glaucome, jusqu'à un niveau dit « PIO cible ».
Cette notion de PIO cible est individuelle et dépendante de nombreux facteurs inhérents à chaque patient ; elle doit être réactualisée très régulièrement. La cible doit être d'autant plus basse que le patient est jeune (avec une espérance de vie longue), présente un glaucome évolué et de nombreux facteurs de risque de glaucome, en particulier vasculaires. Rappelons les facteurs de risque du glaucome : hérédité, ethnie - les mélanodermes développent des glaucomes plus jeunes, plus évolutifs, donc plus graves -, la myopie forte - qui induit un risque d'évolutivité 3,3 fois supérieur -, la pseudo-exfoliation capsulaire, le glaucome pigmentaire - qui peut évoluer rapidement par poussées. Les facteurs de risque vasculaires aggravent de façon importante le glaucome par le biais d'une hypoperfusion dans les artères ciliaires courtes postérieures. Ainsi, tout facteur qui diminue la pression de perfusion - hypotension artérielle, variabilité tensionnelle, anémie chronique, trouble du rythme cardiaque, etc. -, ou qui augmente les résistances vasculaires - hyperviscosité sanguine, artériosclérose, hypertension artérielle, hyperlipidémie, diabète - influera négativement et la PIO cible devra être d'autant plus basse pour conserver le gradient de pression dans le nerf optique. La dysrégulation vasculaire primitive, plus fréquente dans le glaucome, aggrave souvent les phénomènes vasculaires. Il s'agit d'un trouble de la régulation des vaisseaux du nerf optique, qui le rend plus sensible aux variations de PIO et de tension artérielle (hypotensions, en particulier). Ce dysfonctionnement est encore plus marqué chez les patients âgés, vasospastiques ou atteints d'apnée du sommeil.
Comme on le voit, la détermination de la pression cible doit prendre en compte de nombreux facteurs, mais elle est primordiale pour la prise en charge. Il faudra réactualiser cette cible en fonction de l'évolution du glaucome et de l'état général du patient, qui sera, bien sûr, différent à 40 et à 60 ans, par exemple.
Le glaucome doit être dépisté et traité tôt.
C'est un autre enseignement des grandes études épidémiologiques. Le risque de retentissement de la neuropathie sur la qualité de vie restera ainsi limité. En effet, plus le glaucome est dépisté à un stade tardif, plus le risque d'évolution rapide est important avec des conséquences fonctionnelles dramatiques. En présence de facteurs de gravité, il faudra être très vigilant car il s'agit souvent de patients jeunes, dont l'espérance de vie est longue. La dégradation physiologique quotidienne des fibres visuelles ne doit pas être accélérée par un mauvais équilibre de la maladie sous peine d'aboutir à la cécité dans la dernière partie de la vie. Le glaucome débutant doit donc être traité activement, mais il ne faut pas pour autant traiter toutes les hypertonies oculaires simples, dont le risque d'évolution vers la maladie glaucomateuse est finalement faible. Dans les glaucomes débutants, en l'absence de facteurs de risque, si la maladie est bien comprise et la PIO cible atteinte, la surveillance peut être biannuelle, voire annuelle.
Le traitement doit cependant prendre en compte la qualité de vie des patients, et ainsi privilégier les monothérapies en première intention. Plus le traitement sera simple, meilleure sera l'observance. Actuellement, seuls les bêtabloquants et les prostaglandines et apparentés le permettent. Il est important d'adapter chaque traitement à la vie souvent active de patients qui ne ressentent aucun effet délétère de la maladie au quotidien. De même, la tolérance locale doit être un souci majeur. Malheureusement, seuls les bêtabloquants sont disponibles sans conservateur, ce qui améliore la tolérance et l'état de la conjonctive de ces patient qui seront traités pendant une longue période.
Le glaucome débutant équilibré doit être régulièrement surveillé pour dépister une éventuelle progression ou un facteur péjoratif. Si un nouveau facteur de risque apparaît, vasculaire par exemple, ou une hémorragie du bord neurorétinien, un nouveau déficit en fibres visuelles, une aggravation campimétrique si minime soit-elle, la PIO cible doit être revue à la baisse et le traitement intensifié. Il est possible, soit de remplacer la monothérapie par une autre classe thérapeutique, soit d'associer bêtabloquant et prostaglandine, ou un de ces deux collyres à une autre molécule : inhibiteur de l'anhydrase carbonique local, alpha 2-adrénergique, ou rarement un myotique. L'acétazolamide per os est plutôt réservé aux cas graves, aux glaucomes réfractaires ou aux intolérances locales multiples. Les associations fixes sont préférables car elles permettent de diminuer le taux de conservateur et sont ainsi mieux tolérées. Il est souvent difficile de préserver une bonne qualité de vie au-delà de deux flacons de collyre.
C'est la raison pour laquelle il est parfois nécessaire de recourir à la chirurgie (laser ou chirurgie filtrante). Les indications sont une mauvaise tolérance locale, la non-observance du traitement médical, l'échappement thérapeutique ou une progression du glaucome malgré un traitement qui semble adapté.
Au total, le traitement du glaucome avéré débutant doit être précoce, adapté à chaque patient, tout en préservant la qualité de vie ; la PIO cible devant être réactualisé très périodiquement.
* Clinique Sourdille, Nantes.
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